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L’ « utopie carcérale » ou le mauvais rêve d’une vie sans interdits

Lu sur : Interdits « Poser la question de l’interdit c’est poser la question de la liberté. Un interdit ne limite pas la liberté comme un mur l’espace ; il renvoie toujours à une transgression possible et donc à une liberté qui seule peut lui donner un sens.

Mais qu’en est-il pour celui qui se retrouve emmuré, pris dans les rouages du système carcéral ? Que se passe-t-il quand les interdictions s’incarnent dans une architecture ? Parler d’interdit a-t-il alors encore un sens ? S’interroger sur le rapport interdit-prison peut être justement le moyen de mieux comprendre ce que signifie la détention, la privation de liberté. Toute la difficulté alors est de ne pas demeurer prisonnier de l’opposition traditionnelle : liberté/interdit. Il se pourrait en effet que, pour se réaliser, la liberté exige des interdits, des contraintes, des entraves de toutes sortes.

Parce que la détention se définit d’abord par la privation de liberté, la prison apparaît souvent comme le lieu par excellence de l’interdit, de ce qui limite et réprime les désirs, les initiatives, les capacités individuelles. Comprendre la vie sociale des détenus en prison suppose donc d’interroger cette première évidence. L’espace carcéral correspond-il vraiment à ce lieu de répression et de surveillance permanente que la plupart d’entre nous imaginent ? La nature illicite, voire criminelle, de bien des pratiques ayant cours entre détenus va à l’encontre d’une telle représentation. La prison est en effet beaucoup plus tolérante qu’on ne le croit. Mais cette tolérance ne doit rien à la philanthropie, elle est purement fonctionnelle : c’est une sorte d’espace de jeu exigé par le fonctionnement même de la mécanique punitive à laquelle elle sert de soupape de sécurité et de relais de transmission. Par-delà les discours officiels sur les missions de garde et de réinsertion de l’institution pénitentiaire, par-delà les règlements intérieurs des prisons, par-delà la vigilance limitée et sélective des surveillants, par-delà bien des interdits sociaux, il existe en détention toute une vie souterraine clandestine faite d’influences, de rackets, de trafics et de violences diverses. Aussi est-ce bien moins la « Discipline », la soumission à un régime carcéral autoritaire, que le désœuvrement et la loi des plus forts qui caractérisent le quotidien du détenu en prison. Mais si la prison contemporaine n’est pas ce « lieu par excellence de l’interdit » qu’on se représente, elle n’en constitue pas pour autant un espace de liberté. Tentons une hypothèse « absurde »… Et si la détention consistait précisément en une privation d’ « interdit » ?…

La force de l’interdiction

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Il n’y a pas d’interdit en soi, un interdit s’inscrit toujours dans un rapport social. Même si dans les deux cas on s’expose à une certaine violence, insulter un surveillant ou insulter un co-détenu n’a pas vraiment la même portée. Dans le premier cas on défie un représentant de l’Etat, dans le second on insulte un « paria », un homme privé de droits et d’existence sociale. La « réalité » d’un interdit est intimement liée à la « force » de l’interdiction. Si l’interdiction d’insulter un surveillant représente un interdit bien « réel » c’est parce qu’elle s’appuie sur la violence « légitime » (« L’Etat, c’est le monopole de la violence légitime ou dite légitime », Max Weber) et la force persuasive des sanctions disciplinaires : le mitard, la matraque, la privation de permission, la tombée du sursis, la suspension des activités culturelles et sportives etc. A travers la question de la réalité de l’interdit se pose donc la question de la régulation de la vie sociale en général, la question de la « police » au sens fort.

A l’origine, au XVIème siècle, le terme de « police » désignait l’organisation générale de la vie en commun dans une ville : les règles sanitaires, la sécurité publique, la répartition des tâches et des fonctions etc. Comme le souligne le philosophe Jacques Rancière (cf. La Mésentente, Galilée), ce qu’on appelle la basse police, les coups de matraque des forces de l’ordre et les inquisitions des polices secrètes n’est qu’une forme particulière d’un ordre plus général. Les détenus sont précisément des hommes privés de « police », des citoyens privés de la possibilité de se constituer en Polis, en une communauté organisée. L’ « Etat de droit » propre à tout société civile moderne suppose une telle communauté, une communauté où le règlement des litiges ne relève pas de chacun, c’est à dire des plus forts, mais de tous. Par son architecture cellulaire et son fonctionnement disciplinaire, le système carcéral s’oppose précisément à toute tentative d’organisation communautaire. Tout y est organisé pour nier la vie sociale des détenus, pour entraver la communication et entretenir l’hostilité entre « taulards » et « matons ». La domination d’un pouvoir, celui en l’occurrence de l’administration pénitentiaire, ne s’exerce jamais mieux qu’en isolant et divisant ceux sur lesquels il s’exerce. Une vie sociale où la possibilité de s’organiser collectivement est déniée est nécessairement vouée à l’arbitraire et à la clandestinité. Tant qu’il y aura des prisons, des hommes vivant « à l’ombre », qu’ils soient immigrés ou non, il y aura des « clandestins »…

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« Vivre à l’ombre »

Bien qu’elle soit constamment niée, la « société carcérale » existe. Elle a ses rites, ses règles, son langage, ses mœurs. Mais cette vie sociale « intra-muros » relève de l’« état d’exception » et non de l’« Etat de droit » : les droits élémentaires de la personne y sont régulièrement bafoués et l’intégrité physique et mentale du détenu n’y est pas garantie. C’est en refusant aux détenus la possibilité de s’organiser au grand jour, c’est en les privant du droit de réunion, de se constituer en associations et clubs, c’est en les dissuadant d’émettre des revendications collectives, que la prison favorise la violence et ses effets pathogènes. C’est en effet l’ensemble de ces refus, négations et privations qui font de la vie sociale en prison une vie souterraine régie avant tout par des rapports de force. La vie du détenu est une vie « privée » au sens propre, une vie doublement privée : 1) Privée de la réalité qui provient de ce que l’on est vu et entendu par autrui (Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne). L’expression « vivre à l’ombre » exprime bien la privation de lumière qu’entraîne nécessairement le fait de ne plus avoir accès à l’espace public, d’être privé de tout rôle sur la scène sociale. Comment pourrait-on « apparaître », en tant que personne, dans les oubliettes de la société ? 2) Privée de la protection qu’assure contre l’arbitraire et la violence l’existence d’un espace public. Les murs de la prison la mettent en effet à l’abri du contrôle des citoyens sur l’application des peines. De même, la cellule, prison dans la prison, par la fragmentation de l’espace carcéral qu’elle suppose, fait obstacle à toute tentative de formation d’un espace public au sein de la prison ; soumettant ainsi un peu plus le détenu à l’arbitraire de ses geôliers. La mise au secret que comporte, dans les faits, la privation de liberté représente une des clés de l’assujettissement carcéral.

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Animal factory 

Clandestinité de la vie sociale, isolement individuel et « état d’exception » (la privation des droits fondamentaux), ces trois composantes essentielles de la violence carcérale se renforcent mutuellement. Dans la ménagerie carcérale, dans l’Animal factory décrite dans le roman d’Edward Bunker, les interdits perdent beaucoup de leur sens, il devient même dangereux de les respecter. Etre violent constitue souvent une condition de « survie ». Il est interdit de violer, de racketter, de bastonner ses co-détenus ; il est interdit de persécuter les « pointeurs » (délinquants sexuels), les transsexuels, les gays, les immigrés « clandestins » ; il est interdit de trafiquer, de revendre ses doses de subutex ou de métadone... Pourtant le personnel et l’administration pénitentiaire ferment les yeux sur ce genre de pratiques voire, parfois, les favorisent. Pourquoi un tel état de choses ? Les raisons sont multiples et varient selon le point de vue adopté : pour maintenir l’ordre, l’administration s’appuie sur le réseau d’influences des « caïds » ; les détenus n’ont que ce qu’ils méritent, ils sont là pour payer ! … ; il faut lâcher du lest aux détenus pour éviter que la situation ne devienne explosive ; la pauvreté de la prison en moyens et en hommes ne permet pas de garantir la sécurité des détenus ; on ne peut réformer la prison puisqu’en tant que « sanction exemplaire » elle constitue nécessairement un « état d’exception »…

Mais si, paradoxalement, la prison est un espace où les interdits ont beaucoup moins de force que dans le reste de la société, ce n’est pas seulement lié au caractère souterrain qu’y prend la vie sociale. Il y a une autre raison majeure à cet effacement des interdits. Un grand nombre d’interdits sont en effet directement intégrés dans l’architecture, l’organisation de l’espace et les dispositifs de sécurité de la prison. On ne peut transgresser l’interdiction de grimper aux arbres s’il n’y a pas d’arbres dans la cour, on ne peut transgresser celle de pénétrer dans tel lieu ou de sortir de sa cellule si les systèmes de fermeture sont verrouillés, on ne peut déplacer un banc ou une chaise s’ils sont arrimés dans le béton, bref on ne peut violer aucune règle si tout est fait en sorte pour qu’on n’en ait jamais l’occasion. Vous aurez beau chercher des yeux, nulle part dans une prison contemporaine vous ne trouverez d’affiches ou de panneaux annonçant « il est interdit de… », « défense de… ». Inutile d’interdire un acte en effet si cet acte est d’avance rendu impossible. L’espace carcéral ne présente que des passages obligés, jamais de sens interdits. Les rares interdits « réels » que le détenu peut violer sont des interdits dont la transgression entraîne forcément des conséquences fâcheuses  : défi direct aux autorités, meurtre, violence extrême, tentative d’évasion, émeute…

A quoi rêvent les directeurs de prison ?

Lorsqu’on imagine une société idéale, une « Utopie », on l’imagine volontiers sous la forme d’un lieu sans interdits, sans contraintes d’aucune sorte. Mais qui sait si certains architectes ou certains directeurs de prison ne rêvent pas eux aussi d’un espace sans interdits ? La prison « parfaite », l’« utopie carcérale », pourrait correspondre à un tel espace : elle serait si bien conçue qu’interdire ou même surveiller y deviendrait superflu... Plus grande en effet est la quantité de contraintes et d’interdits intégrés par l’architecte dans la conception des bâtiments et plus se réduit la marge de manœuvre, la liberté de mouvement et d’action du détenu. La prison parfaite serait celle qui, grâce à une organisation minutieuse de l’espace, un personnel aux fonctions parfaitement définies, et une multiplicité de dispositifs techniques (vidéo-surveillance, implants électroniques paralysant en cas de violence, contrôle informatique en temps réel des circulations…) ne permettrait plus aucun comportement déviant. Intégrer l’interdit dans la conception même des bâtiments revient à l’abolir puisqu’on lui donne alors la résistance inébranlable du béton et la forme inexorable de la nécessité. Un acte ne peut être interdit que s’il est possible, que si, aussi restreinte soit-elle, on a la liberté de le commettre.

Dans les sociétés dites « primitives », la transgression joue un rôle primordiale au niveau symbolique. Il faut souvent, par exemple, violer les interdits les plus sacrés pour obtenir le concours des puissances surnaturelles. La transgression ou la liberté de violer un interdit est productrice de sens : affirmation, refus, indocilité, résistance, défi. D’où son importance vitale en prison où c’est l’un des seuls moyens qu’ait le détenu à sa disposition pour affirmer son existence et sa singularité. La valeur positive de l’interdit et de la liberté à laquelle il renvoie, apparaît si l’on pense au cauchemar que représenterait pour un détenu la certitude, dans une prison parfaite, de ne pouvoir s’évader. La possibilité de l’évasion, forme majeure de la transgression, c’est un peu l’oxygène de la détention. On comprend alors pourquoi bien des détenus préfèrent une prison comme celle de La Santé (Paris), aussi vétuste soit-elle, aux prisons ultra-modernes, confortables et clean , où, grâce à la technologie et l’architecture, on leur ôte la possibilité même de résister, d’être autre chose que de simples numéros d’écrou… »

Dénètem

Ecrit par Mirobir, à 15:20 dans la rubrique "Actualité".

Commentaires :

  Anonyme
12-09-04
à 15:48

Dialectique

J'aime le raisonnement "absurde" ! MDR

Continuons : garder au secret -> brouillard de guerre
s'organiser -> opinion publique
police -> autogestion

Mais il faut ajouter l'épice : soumission volontaire et enlever du gras : architecture

;-)
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  Anonyme
12-09-04
à 16:07

Re: Re: Dialectique

au centre, toujours.
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  Tauma
12-09-04
à 18:04

Très bonne analyse du monde carcéral et des mécanismes de répression. Effectivement, les sociétés primitives par leur absence d'organisation de la répression peuvent pour nous constituer un modèle à réapprendre. Dans ces sociétés, l'interdit est naturel et a naturellement des répercutions sur celui qui le transgresse. Je conseille "Chronique des indiens Guayaki" (une société contre l'état) de Pierre Clastres à tous ceux qui ont envie de comprendre par le quotidien comment des tribus ont pu s'organiser sans recourir à aucune forme d'état et donc de répression. Par exemple, on y voit que le "pane", malchance à la chasse, est parfois provoqué par une transgression. De même, la transgression d'un interdit plus grave provoque un grand risque de se faire attaquer par un serpent ou un jaguar lors de la chasse.

De notre regard rationaliste, ces peurs sont des superstitions venant d'une sorte de religion. Mais la force des lois de ces sociétés, c'est qu'elles sont directement issues du milieu qui les entoure, de la nature, qu'elles acceptent (et exigent même) que l'homme dépend de son milieu, au lieu de réprimer la nature de l'homme et de le détacher définitivement de son milieu.
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  Anonyme
12-09-04
à 19:21

Re: Re: Re: Re: Dialectique

J'aimerai parler plus longtemps avec toi, faudrai se faire un chat un jour, non?
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  Anonyme
12-09-04
à 20:05

Re: Re: Re: Re: Re: Dialectique

zoophile va!
desole j ai pas pu m empecher.
Pour etre plus serieux, ca serait bien de bien les organiser ces chats.....
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  Anonyme
12-09-04
à 20:12

Re: Re: Re: Re: Re: Re: Dialectique

;)

C'est déjà fait :
http://endehors.org/news/5577.shtml

Quoique pour moi le vendredi c pas le top ; je bosse le lendemain.
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  Anonyme
12-09-04
à 23:35

Re: Re: Re: Re: Re: Re: Re: Dialectique

Salutation interlocuteur préféré du chat. A un de ses jours ;-)
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  Anonyme
12-09-04
à 23:38

Dixit Charles Ingalls :-)

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