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Lu sur Actualité de l'anarcho-syndicalisme : "Texte issu du n°2 du Bulletin Négatif - avril 2004 - Paris. Contact : georges.ouden (at) caramail.com
Depuis le mouvement du printemps 2003, la « convergence des luttes » est souvent ressentie comme une nécessité. Mais ce que l’on oublie régulièrement de se demander, c’est qui doit converger, et vers quoi.
Ce que d’aucuns appellent de leurs vœux se réduit aujourd’hui à un agglomérat de revendications propres à chaque secteur, et les catégories de salariés concernées pourraient bien avant tout viser à obtenir satisfaction séparément. Y aura-t-il encore une lutte des intermittents si les propositions effectuées par une partie d’entre eux au gouvernement sont acceptées, même partiellement ? Pour peu que quelques crédits soient débloqués pour la recherche, les chefs de laboratoire n’inciteront-ils pas les chercheurs à se montrer plus raisonnables ? En fait, on a la fâcheuse impression que la « convergence des luttes » repose surtout pour le moment sur l’obstination du gouvernement à ne pas lâcher un pouce de terrain, fédérant ainsi les mécontentements.
L’établissement d’un rapport de force dans le domaine de la lutte sociale n’obéit pas aux lois de la mathématique - en l’occurrence, 1+1+1 pourrait être égal à zéro -, mais à la détermination et à la volonté de rupture des protagonistes, ainsi qu’à la conscience qu’ils ont des objectifs de leur combat. Ceux-ci doivent-ils, sous prétexte qu’il faut préserver l’unité, être systématiquement ramenés au plus petit commun dénominateur ? Trop souvent, au printemps 2003, on a eu le sentiment que même parmi ceux professant par ailleurs des idées radicales, le souci principal a été de ne rien proposer qui risque de briser la sacro-sainte unité.
Aujourd’hui, nous faudra-t-il rester muets d’admiration devant des chercheurs qui réclament des moyens, comme s’il allait de soi qu’il faut défendre la recherche publique, toute la recherche publique ?
Devrons-nous donc converger avec les apprentis sorciers de l’INRA ou du CIRAD, qui mettent au point de nouvelles plantes transgéniques, contribuant ainsi à l’industrialisation de la vie et à notre dépendance grandissante des firmes agro-alimentaires et pharmaceutiques ? Ou avec les généticiens et informaticiens de tout poil, qui rêvent de nous déporter en masse au paradis glacé de la cybernétique ? Ou encore avec les physiciens nucléaires qui, après Hiroshima et Tchernobyl, nous concoctent un avenir encore plus radieux ?
Mais encore- être prof ou intermittent du spectacle suffit-il en soi pour entrer sans passeport au pays de toutes les convergences ? Que des salariés refusent la précarisation qui les guette tous est indispensable. Qu’ils remettent en cause le rôle qu’on leur fait jouer dans l’enseignement de l’ignorance ou dans l’industrie de la culture de masse et de « l’information » le serait tout autant.
Mais encore- que dire de la défense sans nuance dudit « service public » ? Quand on parle de service public, parle-t-on d’une activité exercée par des individus maîtres de leur destin au sein d’une communauté humaine libre et autonome, ou d’une corvée ingrate accomplie dans le cadre d’une administration structurée comme une armée ?
Organiser aujourd’hui la convergence des luttes, c’est beaucoup plus que d’aligner des bataillons en espérant constituer l’Invincible armada. On a vu ce que cela donnait. On est resté assez serein dans les ministères. Organiser la convergence des luttes, c’est transformer la lutte. C’est en finir une fois pour toute avec l’illusion qu’il sera possible de simplement vouloir préserver les acquis d’une période désormais révolue.
C’est donc se mettre en position d’extériorité totale vis à-vis de l’ordre social dominant. Il ne reste aujourd’hui que des ruines de ce que furent les combats sociaux du vingtième siècle. Tout est à reconstruire sur des bases nouvelles. Nous avons besoin d’un nouvel imaginaire social. Qu’est-ce qui nous interdit à ce jour de tenter de briser la gangue dans laquelle nous risquons un jour de crever étouffés ? Les faiblesses accumulées ? Le poids du monde ?
Si nous ne réussissons pas à Vouloir à nouveau, c’est qu’effectivement le poison que nous inoculent chaque jour les politiques et les médias aura rongé les derniers ressorts de notre sensibilité.
Si de ce qu’on appelle « la convergence des luttes » ne naît pas une force qui ne soit pas purement quantitative, mais qualitative, clairement anticapitaliste et antiétatique, sous-tendue par la volonté de construire un monde radicalement différent où le verbe « vivre » prendrait enfin un sens, alors il y a fort à parier que, comme d’habitude, tout cela se terminera de la pl us désastreuse et de la pl us dépri mante des façons : dans une urne.
PS ( ! !) : c’est à croire que nous n’en avons jamais pris pour quinze années de Mitterrand et cinq de Jospin - que la vieille bande magnétique de vieux cerveaux usés a renoncé à enregistrer quoi que ce soit - qu’il n’est plus possible d’engranger la moindre expérience, que tout est à recommencer, chaque fois, depuis le début- qu’il va falloir attendre encore trois ans, qu’ils se coincent une nouvelle fois les doigts dans l’urne, et un ou deux ans encore, le temps qu’il fassent une nouvelle expérience, qu’ils soient à nouveau déçus, qu’ils oublient
devant des jeux stupides-
au stade
ou ailleurs-
qui ils sont-
qui ils auraient pu être .