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L'Agriculture : le moteur démoniaque de la civilisation

Lu sur FTP : "L'agriculture, fondement essentiel de la civilisation, apparut à l'origine avec l'émergence du temps, du langage, du nombre et de l'art. En tant que matérialisation de l'aliénation, l'agriculture est le triomphe de la désunion et de la rupture définitive entre la culture, la nature et l'humain. L'agriculture c'est la naissance de la production, complète et avec ses caractéristiques essentielles, et la déformation de l'existence et de la conscience. La terre devient un instrument de production et les espèces de la planète ses objets. Des termes comme sauvage ou apprivoisée, mauvaises herbes ou cultures, parlent de cette dualité qui paralyse l'essence de notre être, introduisant, relativement vite, le despotisme, la guerre et l'appauvrissement de la haute civilisation sur la vaste étendue de cette précédente unité avec la nature. La marche forcée de la civilisation, qu'Adorno reconnut dans "l'hypothèse d'une catastrophe irrationelle au commencement de l'histoire," que Freud ressentit comme "quelque chose d'imposé à une majorité résistante," et où Stanley Diamond ne trouva que "des conscripts, mais pas de volontaires," fut dicté par l'agriculture. Et Mircéa Eliade avait raison d'estimer que sa venue avait "provoqué des boulversements et des effondrements spirituels" dont l'esprit moderne ne peut imaginer la magnitude.

"Niveler, standardiser le paysage humain, effacer ses irrégularités et bannir ses surprises," ces mots de E. M. Cioran s'appliquent parfaitement à la logique de l'agriculture, la fin de la vie en tant qu'activité principalement sensuelle, l'incarnation et la génératrice de la vie séparée. Le manque de naturel et la travail ont progressivement augmenté depuis son développement sous forme de culture : en domestiquant les animaux et les plantes, l'homme s'est nécessairement domestiqué lui-même.

Le temps historique, comme l'agriculture, n'est pas inhérent à la réalité sociale, mais lui est imposé. La dimension de temps ou d'histoire est une fonction de la répression, dont le fondement est la production ou l'agriculture. La vie de chasseur-cueilleur était anti-temps dans son ouverture simultanée et spontanée ; la vie fermière génère un sens du temps de par la limitation de ses tâches successives, sa routine ordonnée. Alors que la variété de la vie du Paléolithique cèda sa place à l'enclosure réelle de l'agriculture, le temps s'attribua le pouvoir et en vint à prendre le caractère d'un espace clos. Les points de référence temporelle formalisés - les cérémonies à dates fixes, l'attribution de noms aux jours, etc. - sont cruciaux pour la mise en ordre du monde de la production ; comme un plan de production ; le calendrier fait partie intégrante de la civilisation. Réciproquement, non seulement la société industrielle serait impossible sans programmmes temporels, mais la fin de l'agriculture (fondement de toute production) serait la fin du temps historique.

La représentation commence avec le langage, un moyen de brider le désir. En remplaçant les images autonomes par des symboles verbaux, la vie est réduite et placée sous un contrôle strict ; toute expérience directe, non médiatisée est subsumée par ce mode suprême d'expression symbolique, le langage. Le langage découpe et organise la réalité, comme le souligne Benjamin Whorf, et cette segmentation de la nature, un aspect de la grammaire, prépare le terrain pour l'agriculture. Julian Jaynes conclut en fait que la nouvelle mentalité linguistique menait tout droit à l'agriculture. Indiscutablement, la cristalllisation du langage en écriture, principalement amené par le besoin de tenir les comptes des transactions agricoles, est le signal du commencement de la civilisation.

Dans le génie non-commodifié et égalitaire du chasseur-cueilleur, dont la base (qui a été souvent mise en avant) était le partage, le nombre n'était pas désiré. Il n' y avait pas de motif pour inciter à quantifier, pas de raison de diviser ce qui était un tout. Pas avant que la domestication des animaux et des plantes fit complètement émerger ce concept. Deux des figures séminales du nombre attestent clairement de cette alliance avec la division et la propriété : Pythagore, centre d'un culte religieux du nombre très influent, et Euclide, père des mathématiques et de la science, dont la géométrie servit d'abord à mesurer les champs pour des raisons de propriété, de taxation et de servage. L'une des premières formes de civilisation, la chefferie, impose un ordre linéaire de classement dans lequel chaque membre est assigné à une place numérique précise. Puis, en suivant la linéarilité anti-naturelle de la culture du labour, l'inflexible plan de terrain de foot à 90 degrés de cités encore plus précoces apparut. Leur régularité insistante constitue une idéologie répressive. La culture, désormais chiffrée, devient encore plus fermément liée et sans vie.

De même que l'art, dans sa relation avec l'agriculture, met en évidence les deux institutions. Il commence comme un moyen d'interpréter et d'adoucir la réalité, de rationnaliser la nature, et de se conformer au grand tournant que constitua l'agriculture dans ses caractéristiques fondamentales. Les peintures pré-Néolitiques de grottes, par exemple, sont vives et audacieuses, une exaltation dynamique de la grâce et la liberté animale. Cependant l'art Néolithique des fermiers et pastoraux, se renforce en formes stylisées ; Franz Borkenau caractérisa ses poteries d'"amas étroit et timide de matériaux et de formes". Avec l'agriculture, l'art perdit sa variété et se standardisa en formes géométriques qui tendaient à dégénérer en modèles ennuyeux et répetitifs, une réflexion parfaite de la vie standardisée, confinée, et dirigée selon des modèles. Et bien qu'il n'y eut pas de représentation d'hommes tuant des hommes dans l'art Paléolithique, l'obsession de décrire les confrontations entre peuples avança avec la période du Néolithique, les scènes de bataille devenant communes.

Agriculture et Symbolisation

Le temps, le langage, le nombre, l'art et tout le reste de culture, qui précède et mène à l'agriculture, repose sur la symbolisation. Tout comme l'autonomie précède la domestication et l'auto-domestication, le rationnel et le social précède le symbolique.

La production de nourriture, et cela est éternellement et grandement reconnu, "permit au potentiel culturel de l'espèce humaine de se développer". Mais quelle est cette tendance au symbolique, à l'élaboration et à l'imposition de formes arbitraires ? C'est le développement d'une aptitude à l'objectification, par laquelle ce qui est vivant est réifié, tels des objets. Les symboles sont plus que les unités de base de la culture ; ce sont des mécanismes de projection qui nous éloignent de nos expériences. Ils classifient et réduisent, "pour supprimer," dans la phrase remarquable de Leakey et Lewin, "le fardeau presque intolérable de faire partager une expérience à quelqu'un".

Ainsi, la culture est dirigée par la nécessité de réformer et de subordonner la nature. L'environnement artificiel qu'est l'agriculture accomplit cette médiation essentielle avec le symbolisme des objets manipulés lors de la construction de relations de dominance. Car ce n'est pas uniquement la nature externe qui est subjuguée : la qualité en face-à-face de la vie pré-agricole limitait rigoureusement la domination, alors que la culture l'étend et la légitime.

Il est vraissemblable que déjà durant la période Paléolithique, certaines formes ou noms étaient attachés à des objets ou des idées, de façon symbolique mais en un sens changeant, fugitif, éphémère, peut-être espiègle. La volonté d'uniformité et de sécurité découvert dans l'agriculture signifie que les symboles devinrent aussi constants et statiques que la vie à la ferme. La régularisation, le calcage des conventions sociales, et la différenciation technologique, sous le signe de la division du travail, interagissent pour fonder et faire avancer la symbolisation. L'agriculture complète le changement symbolique et le virus de l'aliénation a vaincu la vie authentique et libre. C'est la victoire du contrôle culturel ; comme le soulignait l'anthropologue Marshall Shalins, "la quantité de travail par personne augmente avec l'évolution de la culture et la quantité de loisirs par personne décroit".

Actuellement, les quelques chasseurs-cueilleurs survivant occupent les zones du globe les moins "intéressantes économiquement," là où l'agriculture n'a pas encore pénétré, comme les étendues neigeuses des Inuit (les "Esquimaux") ou le desert des Aborigènes australiens. Et pourtant, le refus de travail fastidieux, même en milieux hostiles, porte ses fruits. Les Hazda de Tanzanie, les Tasaday philippins, les !Kung du Bostwana, ou les !Kung San du désert de Kahlahari (les "bushmen") - que Richard Lee vit survivre facilement à une rude sécheresse de plusieurs années tandis que leurs voisins fermiers mourraient de faim - confirme également la conclusion de Hole et Flannery qui est qu'"aucun groupe sur terre n'a plus de moments de loisirs que les chasseurs-cueilleurs, qui les passent principalement à jouer, converser et se relaxer". Service attribuait judicieusement cette condition à "la réelle simplicité de la technologie et au manque de contrôle sur l'environnement" de tels groupes. Et pourtant, les méthodes simples du Paléolithique étaient, à leur manière, "avancées". Imaginez une technique culinaire de base comme la cuisson à la vapeur effectuée à l'aide de pierres chaudes placées dans un trou couvert ; elle est bien plus ancienne que n'importe quelle poterie, bouilloires ou paniers (elle est en fait, anti-récipient dans son orientatioin dénuée de surplus et d'échange) et c'est aussi la façon de cuisiner la plus saine et nutrionelle, bien meilleure pour la santé que la nourriture cuite à l'eau bouillante, par exemple. Ou bien imaginez la fabrication d'outils en pierre comme les couteaux "feuilles de laurier," longs et exceptionnellement fins, délicatement taillés mais solides, que les techniques de l'industrie moderne ne peuvent reproduire.

Le mode de vie de chasseur-cueilleur représente l'adaptation la plus réussie et la plus durable jamais accomplie par l'humanité. Dans les phénomènes occasionnels de pré-agriculture, la récolte intensive de nourriture ou la chasse systématique d'une seule espèce peuvent être les signes de l'effondrement imminent d'un mode de vie agréable qui demeura trop longtemps statique précisément parce qu'il était agréable. La "pénurie et le labeur quotidien" de l'agriculture, selon les termes de Clark, est le véhicule de la culture, "rationnel" uniquement dans son déséquilibre perpétuel et sa progression logique vers une destruction toujours plus grande, comme cela sera souligné par la suite.

Bien que les mots chasseur-cueilleur devraient être inversés (et ce fut le cas grâce à des anthropologues) parce qu'il est reconnu que la cueillette représente de loin le plus important facteur de survie, la nature de la chasse présente un contraste flagrant avec la domestication. La relation du chasseur envers l'animal chassé, qui est souverain, libre et même considéré comme égal, est bien sûr qualitativement différente de celle du fermier ou du berger envers ses troupeaux réduits en esclavage sur lesquels il règne en maître absolu.

La Religion Emerge pour Légitimer la Culture

La preuve du besoin d'imposer l'ordre ou de subjuguer se trouve dans les rites coercitifs et les tabous impurs de la religion naissante. La soumission du monde résultante qu'est l'agriculture, a au moins certains de ses fondements où le comportement ambigü est exclu, la pureté et la souillure imposées.

Lévi-Strauss définit la religion comme l'anthropomorphisme de la nature ; la spiritualité première avait un lien participatif avec la nature, ne lui imposant ni valeurs ni traits culturels. Les sens sacrés dont elle est séparée, et le rituel et la formalisation, supprimés de façon croissante des activités de la vie quotidienne et sous le contrôle de spécialistes comme les chamanes et les prêtres, sont étroitement liés à la hiérarchie et au pouvoir institutionalisé. La religion émerge pour faire naître et légitimer la culture, au moyen d'un ordre "plus élevé" de réalité ; elle est particulièrement requise, dans cette fonction de maintient de la solidarité sociale, par les demandes non naturelles de l'agriculture.

Dans le village Néolithique de Catal Hüytük en Anatolie Turque, une pièce sur trois était utilisées dans des buts rituéliques. Le labour et les semailles peuvent être perçus comme des renonciations rituelles, selon Bukert, une forme de répression systématique accompagnée par un élément sacrificiel. Parler de sacrifice, le meurtre d'animaux domestiques (ou même d'humains) dans le but d'un rituel, est répandu dans les sociétés agricoles et ne se retrouve que là.

Certaines des religions principales du Néolothique ont souvent tenté de soigner la rupture agricole avec la nature grâce au mythe de la terre mère, et il est inutile de préciser que cela ne permet pas de restaurer l'unité perdue. Les mythes de la fertilité occupent également une place centrale : Osiris en Egypte, Perséphone en Grèce, Baal à Canaan, et Jésus dans le Nouveau Testament, des dieux dont la mort et la résurrection témoignent de la ténacité du sol, sans parler de l'âme humaine. Les premiers temples impliquaient l'émergence de cosmologies basées sur un modèle de l'univers comme une arène de domestication ou une basse-cour, qui à son tour sert à justifier la suppression de l'autonomie humaine. Alors que la société précivilisée était, comme le souligna Redfield, "maintenue par des conceptions éthiques largement non déclarées mais continuellement réalisées," la religion se développait de façon à créer des citoyens, en plaçant l'ordre moral sous contrôle public.

La domestication entraina l'initiation de la production, augmenta largement la division du travail, et l'achèvement des fondations de la stratification sociale. Ceci déboucha sur une mutation périodique à la fois dans le caractère de l'existence humaine et de son développement, qui ternit la dernière avec encore plus de violence et de travail. Soit dit en passant, contrairement au mythe des chasseurs-cueilleurs violents et aggressifs, des preuves récentes montrent que les non-fermiers actuels, comme les Mbuti (les "pygmés") qu'étudia Turnbull, et qui apparemment tuent, le font avec un esprit dénué d'aggressivité, et même avec une sorte de regret. D'un autre côté, la guerre et la formation de toute civilisation ou état, sont irrémédiablement liées.

Les peuples primitifs ne se battaient pas pour des zones vers lesquelles des groupes distincts pouvaient converger pour la cueillette ou la chasse. Du moins, les luttes "territoriales" ne font pas partie de la litérrature éthnographique, et il semble improbable qu'elles aient eu lieu à la préhistoire alors que les ressources étaient bien plus nombreuses et le contact avec la civilisation inexistant.

En fait, ces peuples n'avaient aucune conception de propriété privée, et le jugement figuratif de Rousseau, qui la divions sociale était fondé par l'homme qui ensemençait le premier une parcelle de terre, en disant "Cette terre m'appartient," et trouvait d'autres personnes pour le croire, est essentiellement valide. "A moi et à toi, les graines du mal n'ont pas leur place avec eux," lit-on dans le compte-rendu de Pietro (1511) sur les indigènes rencontrés lors du second voyage de Colomb. Des siècles plus tard, les Amérindiens ayant survécu demandaient, "Vendre la Terre ? Et pourquoi pas aussi vendre l'air, les nuages, la mer ?" L'agriculture cré et élève les possessions ; songez à la racine anglaise, longing (envie) de belogings (possessions), comme si elles en compensaient la perte à jamais.

Existence Sédentaire et Servile

En outre, le travail, en tant que catégorie distincte de la vie, n'existait pas avant l'agriculture. La capacité humaine à être enchaîné aux cultures et aux troupeaux, se transmit plutôt rapidement. La production de nourriture triompha de l'absence commune ou de l'indigence ou du rituel et de la hiérarchie dans la société, et introduisit des activités civilisées comme le travail forcé pour la construction des temples. Voici la véritable "rupture Cartésienne" entre la réalité intérieure et extérieure, la séparation par laquelle la nature devint juste quelque chose à "exploiter". Sur cette capacité à une existence sédentaire et servile repose l'entière superstructure de la civilisation avec son poids de répression sans cesse grandissant.

La violence masculine envers les femmes provient de l'agriculture, qui transforma les femmes en bêtes de somme et en reproductrices. Avant l'agriculture, l'égalitarisme de la vie de fouilleurs "s'appliquait autant aux femmes qu'aux hommes," jugeait Eleanor Leacock, dû à l'autonomie des tâches et au fait que les décisions étaient prises par ceux qui les accomplissaient. En l'abscence de production et de travaux laborieux pour les enfants comme le désherbage, les femmes n'étaient pas consignées à de pénibles corvées ou à la production constante de bébés.

Avec la malédiction du travail perpétuel, via l'agriculture, lors de l'expulsion de l'Eden, Dieu dit à la femme, "j'augmenterai la souffrance de tes grossesses ; tu enfenteras dans la douleur ; et tes désirs se porteront vers ton mari, et il te dominera". De la même façon, les premières lois codifiées connues, celles du roi summerien Ur-Namu, prescrivaient la mort pour toute femme assouvissant ses désirs hors du mariage. Puis Whyte fit référence au motif que les femmes "perdirent leur lien avec les hommes lorsque les humains abandonnèrent pour la première fois le mode de vie simple de chasse et de cueillette," et Simone de Beauvoir vit dans l'équation culturelle du labour et du phallus un symbole parfait de l'oppression des femmes.

Alors que les animaux sauvages sont convertis en machines à produire de la viande, le concept d'être "cultivé" est une vertue imposée au peuple, impliquant l'élimination de la liberté d'avoir sa propre nature, au service de la domestication et l'exploitation. Comme le souligne Rice, à Summer, la première civilisation, les premières cités possédaient des usines avec leur organisation élevée et leur réfraction des techniques caractéristiques. A ce point, la civilisation exige le travail humain et la production en masse de nourriture, de constructions, la guerre et l'autorité.

Pour les Grecs, le travail était une malédiction et rien d'autre. Son nom - ponos - possède la même racine qu'en Latin poena, la peine. La fameuse malédiction de l'agriculture de l'Ancien Testament lors de l'expulsion du Paradis (Genèse 3:17-18) nous remémore l'origine du travail. comme le souligna Mumford, "Le conformisme, la répétition, la patience, étaient les clés de cette culture (Nélothique)... la patiente aptitude au travail". Dans cette monotonie et cette passivité à cultiver et à attendre sont nées, selon Paul Shepard, "les ressentiments profonds et latents, les mélanges rudimentaires de rectitude et de lourdeur, et l'absence d'humour" du paysan. On pourrait également ajouter une insensibilité stoïque et un manque d'imagination, inséparables de la foi religieuse, une humeur maussade et de la suspicion, parmi les traits largement attribués à la vie domestiquée de la ferme.

Bien que la production de nourriture inclut, de par sa nature, une acceptation latente de la domination politique, et bien que la culture civilisatrice constituait dès le départ sa machine de propagande, le changement impliqua une lutte monumentale. Against His-Story, Against Leviathan !, de Fredy Perlman, sans égal sur le sujet, enrichit largement l'attention de Toynbee concernant le "prolétariat interne" et "externe," mécontent à l'intérieur et à l'extérieur de la civilisation. Cependant, en suivant l'axe de la plantation dans le fermage, du labour dans l'agriculture, jusqu'aux différents systèmes d'irrigation, un génocide presque total des chasseurs-cueilleurs se produisit par nécéssité.

La formation et le stockage des surplus font partie de la volonté domestiquante de contrôler et de faire des statistiques, un des aspects de la tendance à symboliser. Remparts contre le flot de la nature, les surplus prennent la forme de troupeaux et de greniers. Stocker le grain fut le premier véhicule d'équivalence, la plus ancienne forme de capital. Ce ne qu'avec l'apparition de la richesse sous forme de grains entreposable que la progression du travail et des classes sociales avança. Alors qu'il y avait certainement des grains sauvages avant tout ceci (et le blé sauvage, en fait, contient 24 % de protéïnes contre 12 % pour le blé domestique) la tendance à la culture fait toute la différence. La civilisation et ses cités reposaient plus sur les grains que sur la symbolisation.

Les Origines de l'Agriculture

Le mystère autour de l'origine de l'agriculture semble bien plus impénétrable à la lumière du récent renversement des notions de longue date faisant de l'ère antérieure, celle de l'hostilité à la nature et de l'abscence de loisirs. "On ne peut plus prétendre," écrit Orme, "que les premiers hommes domestiquèrent les plantes et les animaux afin d'échapper aux travaux pénibles et à la famine. En fait, le contraire s'avèra plutôt exact, et la venue de la culture vit la fin de l'innocence". Durant longtemps, la question fut de savoir "pourquoi n'avait-on pas adopté l'agriculture plus tôt au cour de l'évolution humaine ?" Depuis peu, nous savons que l'agriculture, selon les termes de Cohen, "n'est pas plus facile que la chasse et la cueillette et n'offre pas de nourriture de meilleure qualité, au goût plus agréable, ni plus saine". Alors, la question consensuelle est désormais, "pourquoi l'avoir adopté dans ce cas ?"

De nombreuses théories furent avancées, aucune ne s'avérant convaincante. Childe et d'autres prétendent que l'augmentation de la population poussa les sociétés humaines à des contacts plus intimes avec les autres espèces, menant à la domestication et au besoin de produire afin de nourrir les personnes supplémentaires. Mais il a été prouvé de manière plutôt concluante que l'augmentation de la population n'a pas précédé l'agriculture mais en fut la cause. "Je ne vois aucune preuve de par le monde," conclut Flannery, "qui suggère que la pression de la population fut responsable du commencement de l'agriculture". Une autre théorie veut que des changements climatiques majeurs survinrent à la fin du Pléistocène, il y a environ 11 000 ans, ce qui surpris le vieux monde des chasseurs-cueilleurs et mena directement à la culture de certaines denrées survivantes. Les méthodes de datation récentes ont permis de démolir cette approche ; il ne se produisit aucun changement climatique de ce genre qui aurait pû déboucher sur un nouveau mode de vie. A côte de celà, il existe un grand nombre d'exemples où l'agriculture a été adoptée - ou refusée - sous tout type de climat. D'après une autre hypothèse majeure, l'agriculture fut introduite par une découverte fortuite ou par invention comme s'il n'était jamais arrivé aux espèces avant un certain moment que, par exemple, la nourriture pousse à partir de graines plantées. Il semble que les humains du Paléolithique avaient une connaissance virtuellement inépuisable de la flore et de la faune depuis plus de dix mille ans avant que ne commence la culture des plantes, ce qui rend cette théorie plutôt faiblarde.

Se rattacher à la synthèse de Carl Sauer prétendant que "l'agriculture ne provient pas de la culture ou du manque répétitif de nourriture" suffit, en fait, à écarter virtuellement toutes les théories originaires qui ont été avancées. Une idée persistante, présentée par Hahn, Isaac et d'autres, soutient que la production de nourriture démara à la base comme activité religieuse. Cette hypothèse est la plus convaincante.

Les moutons et les chèvres, les premiers animaux domestiqués, sont réputés pour avoir largement été utilisés lors de cérémonies religieuses, et pour avoir été élevés dans des prés clos afin d'être sacrifiés. Cependant, avant qu'ils ne soient domestiqués, les moutons n'avaient pas de laine permettant des usages textiles. La principale utilisation de poules en Asie du Sud-Est et dans la Méditerranée Orientale - les premiers centres de civilisation - "semble avoir été," selon Darby, "sacrificielle ou divinatoire plutôt qu'alimentaire." Sauer ajoute que les qualités de la ponte d'oeuf et la production de viande de la volaille apprivoisée "sont plus des conséquences tardives de leur domestication". Les bovins sauvages étaient féroces et dangereux ; ni la docilité des boeufs ni la texture modifiée de la viande de ces oeunuques n'étaient prévisibles. La traite des bovins ne se produisit que plusieurs siècles après leur captivité initiale, et les représentations indiquent que leur premiers harnachements servaient à tirer les chariots lors de processions religieuses.

Les plantes, qui furent contrôlées par la suite, présentent des éléments similaires pour autant que l'on sâche. Prenons les exemples de la courge et de la citrouille du Nouveau monde, utilisées à la base comme hochets de cérémonies. Johannessen examina les mobiles religieux et mystiques liés à la domestication du maïs, la culture la plus importante du Mexique, et au centre de la religion indigène du Néolithique. De même, Anderson effectua des recherches sur la sélection et le développement de types distincts de diverses plantes cultivées pour leur signification magique. j'ajouterai que les chamanes se trouvaient bien placés dans leurs positions de pouvoir pour introduire l'agriculture via l'apprivoisement et la plantation impliqués dans les rituels et la religion, superficiellement mentionés ci-dessus.

Même si l'explication religieuse des origines de l'agriculture fut quelque peu oubliées, elle nous amène, à mon avis, sur le seuil de la véritable explication de la naissance de la production : cette force aliénatrice non rationelle et culturelle qui se répand sous les formes du temps, du langage, du nombre et de l'art, pour finalement coloniser la vie matérielle et psychique dans l'agriculture. La "religion" est une conceptualisation trop étroite de cette infection et de son développement. La domination est trop pesante, trop omniprésente pour avoir été uniquement véhiculée par la pathologie qu'est la religion.

Mais les valeurs culturelles de contrôle et d'uniformité qui font partie de la religion font certainement partie de l'agriculture, et ce, depuis le départ. En remarquant que la pollinisation croisée des variétés de maïs se faisaient très facilement, Anderson étudia les agriculteurs primitifs d'Assam, la tribu Naga, et leur variété de maïs qui ne présente aucune différence de plante à plante. Conforme à la culture, montrant qu'elle est complète dès le début de la production, les Naga conservèrent leurs variétés aussi pures "uniquement grâce à une adhésion fanatique au type idéal." Ceci illustre le mariage de la culture et de la production dans la domestication, et son inévitable progéniture, la répression et le travail.

L'entretien scrupuleux des variétés de plantes trouve son parallèle dans la domestication des animaux, qui défie également la séléction naturelle et rétablit le monde organique contrôlable à un niveau dévalorisant et artificiel. Comme les plantes, les animaux sont de simples choses que l'on manipule ; une vache, par exemple, est considérée comme une sorte de machine transformant l'herbe en lait. Transmuer de l'état de liberté à celui de parasites sans défense, ces animaux deviennent complètement dépendant de l'homme pour leur survie. Chez les mammifères domestiques, en règle générale, la taille du cerveau devient relativement plus petite puisque les spécimens sont produits pour fournir plus d'énergie à la croissance et moins à l'activité. Placides, infantilisés, peut-être caractérisés par les moutons, les troupeaux les plus domestiqués ; l'intelligence remarquable des moutons sauvages se perd totalement dans leurs équivalents domestiques. Les relations sociales chez les animaux domestiques sont réduites au plus strict minimum. Les parties non-reproductive du cycle de vie sont minimisées, les parades de séduction sont écourtées, et les véritables capacités de l'animal à reconnaître sa propre espèce sont diminuées.

Le fermage créa également le potentiel pour une destruction environnementale rapide et la nouvelle domination de la nature a déjà commencé à transformer le vert manteau qui recouvrait les lieux de naissance des civilisations en zones stériles et sans vie. "De vastes régions ont complètement changé d'aspect," estime Zeuner, "toujours pour des conditions presque plus sèches depuis les débuts du Néolithique". Des déserts occupent désormais la plupart des endroits où fleurirent jadis les grandes civilisations, et l'on trouve beaucoup d'indices historiques prouvant que ces formations ruinèrent inévitablement leurs environnements.


Dans le Bassin Méditerranéen et dans les régions avoisinnantes du Proche Orient et de l'Asie, l'agriculture transforma des terres luxuriantes et hospitalières en terrains épuisés, secs et rocailleux. Dans Critias, Platon décrivit Attica comme "un squelette ravagé par la maladie," en faisant réference à la déforestation de la Grèce et en la comparant avec ses richesses premières. Le pâturage de chèvres et de moutons, les premiers ruminants domestiqués, fut l'un des principaux facteurs du dépouillement de la Grèce, du Liban et de l'Afrique du Nord, ainsi que de la désertification des empires Romain et Mesopotamien.

Les Humains Firent Long Feu

Un autre aspect plus immédiat de l'agriculture, mis à jour de façon croissante ces dernières années, implique le bien-être physique de ses sujets. Les recherches de Lee et Devore montrent que "le régime des cueilleurs était bien meilleur que celui des cultivateurs, que la famine est rare, que leur état de santé était générallement supérieur, et qu'il y avait un plus faible effets de maladies chroniques". De même, Farb résuma, "La production fournit un régime alimentaire inférieur basé sur un nombre limité d'aliments, bien moins fiables à cause des saccages et des caprices du temps, et bien plus coûteux en terme de travail humain".

Le champ nouveau qu'est la paléopathologie a atteint des conclusions bien plus catégoriques soulignant, comme Angel, le "brusque déclin de la culture et la nutrition" provoqué par le changement entre la cueillette de nourriture et la production de nourriture. Des conclusions antérieures sur la durée de vie ont également été revues. Malgré les compte-rendus de témoignages visuels espagnols du 16ème siècle, parlant des pères, chez les Indiens de Floride, qui voyaient leur cinquième génération avant de trépasser, on a longtemps cru que les primitifs mourraient vers 30 ou 40 ans. Robson, Boyden et d'autres ont dissipé la confusion entre la longévité et l'espérance de vie, et découvert que les chasseurs-cueilleurs moyens, sauf en cas de blessure et d'infection grave, survivaient souvent à leurs contemporains civilisés. Depuis l'époque industrielle, ce n'est que très récemment que la durée de vie s'est allongée pour l'espèce, et il est maintenant largement reconnu qu'à la période du Paléolithique, les humains vivaient longtemps, une fois que certains risques étaient passés. DeVries a raison en considérant que la durée de vie est brusquement retombée au contact de la civilisation.

"La tuberculose et les maladies diarrhéiques ont dû attendre le développement des fermes, la rougeole et la peste bubonique, l'apparition des grandes cités," écrivit Jared Diamond. La malaria, probablement la plus grand tueuse de l'humanité, et presque toutes les autres maladies infectieuses sont l'héritage de l'agriculture. Les maladies nutritionelles et dégénératives apparaissent généralement avec le reigne de la domestication et de la culture. Le cancer, la thrombose coronarienne, l'anémie, les carries dentaires, et les troubles mentaux ne sont que quelques-unes des empreintes de l'agriculture ; auparavant les femmes accouchaient sans difficultés et avec peu ou pas de douleur.

Les gens étaient bien plus vivants dans tous les sens du terme. Les !Kun San, reporte R.H. Post, entendent le moteur d'un avion passant à100 m d'altitude, et beaucoup d'entre-eux parviennent à voir les quatre lunes de Jupiter à l'oeil nu. Le jugement sommaire de Harris et Ross, d'"un déclin général de la qualité - et probablement dans la durée - de la vie humaine chez les fermiers comparé aux premiers groupes de chasseurs-cueilleurs," est minimisé.

L'une des idées les plus persistantes et universelles est qu'il y eut jadis un Age d'Or de l'innocence précédant le début de l'histoire. Hésiode, par exemple, se réferra à "la terre nourricière, qui produisisait ses fruits abondants non corrompus par le labeur." L'Eden était clairement le foyer des chasseurs-cueilleurs et le désir exprimé par les images historiques de paradis doivent avoir été celles de laboureurs désillusionés par la perte d'une vie de liberté et de confort relatif.

L'histoire de la civilisation montre le déplacement croissant de la nature dans l'expérience humaine, en partie caractérisé par une diminution du choix de nourriture. Selon Rooney, les peuplades préhistoriques tiraient leur nourriture de près de 1500 espèces de plantes sauvages, alors que, "Toutes les civilisations", nous rappelle Wenke, "ont été basées sur la culture de six sortes de plantes : le blé, l'orge, le millet, le riz, le maïs, et les patates".

Il est criant de vérité qu'au cours des siècles "le nombre d'aliments comestibles différents qui sont réellement mangés," souligne Pyke, "a régulièrement diminué". La population mondiale dépend désormais pour la plus grande partie de sa subsistance, de seulement une vingtaine de sortes de plantes alors que leurs variétés naturelles sont remplacées par des hybrides artificielles et que le pool génétique de ces plantes devient beaucoup moins varié.

La diversité de la nourriture tend à disparaître ou à se restreindre au fur et à mesure qu'augmente la proportion de nourriture manufacturée. Aujourd'hui on distribue dans le monde entier les même articles alimentaires de sorte qu'un Inuit et un Africain pourront bientôt manger du lait en poudre fabriqué dans le Wisconsin ou des sticks de poissons surgelés provenant d'une usine Suédoise. Quelques grosses multinationales telles qu'Unilever, la plus grosse entreprise de produits alimentaires du monde, président un système de service hautement intégré dont l'objectif n'est pas de nourrir ni même d'alimenter, mais d'imposer au monde entier une consommation toujours plus importante de produits fabriqués et transformés.

Lorsque Descartes énonça le principe de l'exploitation complète de la matière pour n'importe quelle utilisation comme fonction unique de l'homme, notre séparation de la nature était virtuellement complète et dressait le décor pour la Révolution Industrielle. Trois cent cinquante ans plus tard cet esprit perdure en la personne de Jean Vorst, conservateur du Musée Français d'Histoire Naturel, qui proclame que notre espèces, "à cause de l'intellect", ne peut plus retraverser un certain seuil de civilisation et faire à nouveau partie d'un habitat naturel. Il déclare en plus, exprimant parfaitement l'impérialisme originel et persistant de l'agriculture, "Comme la terre, dans son état primitif, ne suis pas notre expansion, l'homme doit l'enchaîner pour remplir la destiné humaine."

Les premières usines ont bel et bien imité le modèle de l'agriculture, indiquant encore qu'à la base toute prodcution de masse c'est la ferme. Il faut briser le monde naturel et lui imposer le travail. On pense aux prairies du centre des Etats-unis où les colonisateurs durent atteler six boeufs à un joug afin de creuser le sol pour la première fois. Ou à une scène des années 1870 dans La Pieuvre de Franck Norris, dans laquelle les convois de charrues étaient conduits comme "une grande colonne d'artillerie de campagne" à travers la Vallée de San Joaquin, creusant 175 sillons à la fois.

L'Organique est Mécanisé

Aujourd'hui, l'organique, du moins ce qu'il en reste, est pleinement mécanisé sous l'égide de quelques compagnies pétrochimiques. Leurs engrais, leurs pesticides, et leurs herbicides chimiques ainsi que le quasi-monopole des stocks de graines mondiaux définissent un environnement total qui intègre la production de nourriture depuis les semis jusqu'à la consommation. Même si Lévi-Strauss a raison en disant que "La civilisation produit la monoculture comme celle de la betterave à sucre", ce n'est que depuis la Seconde Guerre Mondiale qu'une orientation complètement synthétique a commencé à dominer.

L'agriculture fait ressortir du sol plus de matière organique qu'elle n'en fait rentrer, et l'érosion du sol est la base de la monoculture de plantes annuelles. En ce qui concerne ces dernières, certaines sont développées avec des résultats dévastateurs pour la terre ; c'est le cas du coton et du soja, du maïs, qui sous sa forme de culture actuelle est totalement dépendant de l'agriculture pour sa survie, ce qui est particulièrement mauvais. J. Russel Smith l'appelait "la tueuse de continent ... et l'une des pires ennemies de l'avenir de l'humanité." Le coût des érosions d'un boisseau de maïs en Iowa correspond à deux boisseaux de couche arable, ce qui met en évidence la destruction plus générale des terres agricoles à l'échelle industrielle. Le labour continuel de vastes monocultures, avec en plus l'utilisation massive de produits chimiques sans aucune application de fumier ou d'humus, va évidemment provoquer la détérioriation du sol et une perte énorme à des niveaux plus importants.

Pour le mode d'agriculture dominant, le sol a besoin d'infusions massives de produits chimiques, supervisées par des techniciens dont l'objectif primordial est de maximiser la production. Les engrais artificiels et tout le reste nécessaire à cette récolte élimine le besoin du sol pour la vie complexe et le convertit en fait en un simple instrument de production. La promesse de la technologie c'est un contrôle total, un environnement complètement artificiel qui ne fait que remplacer l'équilibre naturel de la biosphère.

Mais on consacre de plus en plus d'énergie pour financer les grandes récoltes de monocultures qui commencent à décliner, sans se préoccuper de la contamination du sol, des nappes phréatiques et de la nourriture par des produits toxiques. Le Département Américain de l'Agriculture prétend que l'érosion due à l'agriculture dans ce pays survient au niveau de deux milliards de tonnes de terre par an. L'Académie des Sciences estime que plus d'un tiers de couches arables a déjà définitivement disparu. Le déséquilibre écologique causé par les monocultures et engrais sythétiques provoque un important développement des maladies dues aux parasites et aux cultures ; depuis la Seconde Guerre Mondiale, la perte de récoltes dues aux insectes a en fait doublé. La technologie répond, bien évidemment, en faisant monter en flèche l'utilisation d'engrais synthétiques, mais aussi d'herbicides et de pesticides, accélérant ainsi le crime contre la nature.

Un autre phénomène d'après-guerre, la Révolution Agraire, annoncée comme le salut du Tiers Monde appauvrit par le capitalisme et la technologie Américaines. Mais plutôt que de nourrir les affamés, la Révolution Agraire transforma des millions de pauvres des campagnes d'Asie, d'Amérique Latine et d'Afrique en victimes d'un programme favorisant les grandes fermes industrielles. Cela se conclut par une énorme colonisation tehnologique créant une dépendance envers l'agro-business capitaliste-intensif, détruisant un communalisme agraire plus ancien, nécessitant une consommation massive d'énergie fossile et détruisant la nature à un niveau sans précédent.

La désertification, ou la perte des terres due à l'agriculture, augmente régulièrement. Chaque année, de par le mode, une zone équivalent à deux fois la Belgique est recouverte par les sables. Le destin des forêts tropicales est un facteur dans l'accélération de ce assèchement : la moitié d'entre-elles ont été rasées durant les 30 dernières années. Au Botswana, la dernière région sauvage d'Afrique a disparu comme la jungle d'Amazonie et plus de la moitié des forêts tropicales d'Amérique Centrale, principalement pour y élever du bétail destiné aux marché du hamburger aux USA et en Europe. Les quelques zones ayant échappé à la déforestation sont celles où l'agriculture ne souhaite pas aller ; la destruction de la terre aux USA s'étend sur une surface plus large que celles comprenant les 13 colonies d'origine, au fond, c'est comme les graves famines en Afrique au début des années 80 et l'extinction d'espèces d'animaux et de plantes sauvages l'une à la suite de l'autre.

Pour en revenir aux animaux, on se souviendra des mots de la Genèse où Dieu dit à Noé,"Vous serez un sujet de crainte et d'effroi pour tout oiseau du ciel, pour tout ce qui se meut sur la terre, et pour les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains". Lorsqu'un territoire nouvellement découvert était visité par l'avant-garde de la production, comme le démontre une littérature largement descriptive, les mammifères et les oiseaux sauvages ne montrèrent aucune peur face aux explorateurs. Cependant, la mentalité agricole, si bien prédit par le passage biblique, projette une croyance exagéré en la férocité des animaux sauvages, provenant d'un éloignement et d'une perte de contact avec le monde animal ainsi que du besoin d'y maintenir une domination.

Le destin des animaux domestiques est défini par le fait que les techniciens agricoles prennent continuellement les entreprises comme modèles pour affiner leur systèmes de production. La nature est bannie de ces systèmes commme de plus en plus les animaux de fermes sont maintenus largement immobiles tout au long de leur vie déformée, confinés dans un environnement à haute-densité et complètement artificiel. Des milliards de poulets, de porcs et de veaux, par exemple, ne voient même plus la lumière du jour et vont encore moins paître dans les champs - les champs poussent dans le silence puisque de plus en plus de pâturages sont labourés pour y cultiver afin de nourrir ces êtres honteusement enfermés.

Les poulets haute-technologie, dont l'extrémité du bec a été coupée pour éviter les morts dues aux combats provoqués par le stress, vivent souvent à quatre ou cinq dans des cages de 30 x 45 cm et sont régulièrement privés de nourriture et d'eau pendant presque dix jours pour réguler leurs cycles de pontes. Les porcs vivent à même les sols en béton et sans paillasse ; les pieds gangrenés, les queues coupées et le cannibalisme sont endémiques à cause des conditions physiques et du stress. Les truies allaitent leurs petits en étant séparées par des grilles métalliques, la mère et sa progéniture se voient ainis privées de contacts naturels. Les veaux sont souvent élevés dans l'obscurité totale, enchainés à des stalles si étroites qu'elles les empêchent de tourner ou d'adopter toute autre position. Ces animaux sont généralement soumis à des régimes constants de médicaments à cause des tortures et de leur sensibilité accrue aux maladies : la production animale automatisée repose sur les hormones et les antibiotiques. Une telle cruauté, aussi systématique, en plus du genre de viande qui peut en résulter, nous rappelle que la captivité et toute forme d'esclavage a pour concepteur ou modèle l'agriculture.

Projet de Maîtrise de la Nature

La nourriture a été l'un de nos plus directs contacts avec l'environnement naturel, mais nous nous sommes rendus de plus en plus dépendant du système de production technologique dans lequel, finalement, même nos sens sont devenus redondants ; le goût, jadis vital pour juger de la valeur ou de la sûreté d'un aliment, n'est plus expérimenté, mais plutôt certifié par un label. Généralement, la salubrité de ce que nous consommons décline et la terre jadis cultivée pour la nourriture produit désormais du café, du tabac, des graines pour les alcools, de la marijuana, et d'autres drogues qui favorisent les contextes de famine. Même les aliments non-transformés comme les fruits ou les légumes sont désormais cultivés pour devenir sans goût et identiques parce que les demandes de manutention, de transport et de stockage, sont des considérations plus essentielles que les demandes en nutrition et en plaisir.

La guerre totale s'inspira de l'agriculture pour défolier des millions d'acres en l'Asie du Sud-Est durant la guerre du Vietnam, mais le pillage de la biosphère devient même encore plus mortel dans ses formes quotidiennes et globales. La nourriture, en tant que fonction de production a également lamentablement échoué au niveau le plus évident : la moitié de l'humanité, comme chacun le sait, souffre de malnutrition et de famine.

Pendant ce temps, les "maladies de la civilisation", dont parlaient Eaton et Konner dans le New England Journal of Medecine du 31 Janvier 1985, une fois comparées aux régimes sains pré-agricoles, mettent en valeur le monde d'inadaptation persistante, triste et mal en point dans lequel nous vivons, en étant les proies des fabriquants de médicaments, de cosmétiques, et de nourriture. La domestication atteint de nouveaux sommets dans la pathologie avec l'alimentation génétique, avec de nouveaux types d'animaux en perspective, ainsi que l'invention de plantes et de microrganismes. Logiquement, l'humanité finira elle aussi sous une domestication de cet ordre puisque le monde de la production nous transforme autant qu'il dégrade et déforme tout autre système naturel.

Le projet de maîtrise de la nature initiée et menée à bien par l'agriculture, a pris des proportions gigantesques. Le "succès" du progrès de la civilisation, un succès que l'humanité première n'a jamais voulu, a de plus en plus un goût de cendres. James Serpell le synthétisa de cette façon : "En résumé, il apparaîtrait que nous ayons atteint le bout de la ligne. Nous ne pouvons plus nous étendre ; il semble que nous soyons incapables d'intensifier la production sans déclencher de nouveaux chamboulements, et sans que la planète ne deviennent rapidement un terrain vague". Lee et Devore notèrent comment tout cela arriva vite, et à quoi ressemblera le destin probable de la civilisation pour les archéologues interplanétaires du futur : "... une période longue et stable de chasse et de cueillette à petite échelle fut suivie par une efflorescence apparemment instantanée de technologie ...menant rapidement à l'extinction. 'Stratigraphiquement' l'origine de l'agriculture et de la destruction thermonucléaire apparaîtront essentiellement simultanées".

Le physiologiste Jared Diamond désigne le début de l'agriculture comme "une catastrophe dont nous ne nous sommes jamais remis". L'agriculture a été et demeure une "catastrophe" à tous les niveaux, une catastrophe qui étaye la matière et la culture spirituelle de l'aliénation qui est en train de nous détruire. La libération est impossible sans sa dissolution.

John Zerzan


Y2k anti-© 02

Ecrit par libertad, à 22:09 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
02-08-04
à 01:45

Re: Re: Re: John Zerzan et la confusion primitive

Merci,

Personnellement, il m'avait suffit de lire cette charge imbécile contre le langage pour savoir à qui j'avais affaire.

"La représentation commence avec le langage, un moyen de brider le désir. En remplaçant les images autonomes par des symboles verbaux, la vie est réduite et placée sous un contrôle strict ; toute expérience directe, non médiatisée est subsumée par ce mode suprême d'expression symbolique, le langage. Le langage découpe et organise la réalité, comme le souligne Benjamin Whorf, et cette segmentation de la nature, un aspect de la grammaire, prépare le terrain pour l'agriculture. Julian Jaynes conclut en fait que la nouvelle mentalité linguistique menait tout droit à l'agriculture. Indiscutablement, la cristalllisation du langage en écriture, principalement amené par le besoin de tenir les comptes des transactions agricoles, est le signal du commencement de la civilisation."

L'auteur confond maîtrise des choses et maîtrise des hommes. Au point de vouloir détruire nos outils...
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  Cercamon
02-08-04
à 02:16

re: La mise en page du joue et le boxon...

Rakshasa, tu n'as pas fait d'erreur, seulement l'éditeur de Joueb pédale dans la choucroute pour générer du code correct dès qu'il y a des images (en l'occurence la photo de Zerzan de l'article original). Normal, un ordi sait pas trop à quoi ça ressemble, une page lisible ;-)

J'ai mis l'article que tu proposes en "une", j'indique le lien ici : http://endehors.org/news/5671.shtml. Voilà, pour que ça soit plus clair, tu peux supprimer ton commentaire si tu le souhaites (moi j'ai pas les droits). Sinon, il faut attendre que Dieu reçoive son modem tout neuf pour remettre un peu d'ordre ici...

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  Cercamon
02-08-04
à 02:40

Re: re: La mise en page du joue et le boxon...

Je me rends compte que j'ai oublié ce que je voulais dire à l'origine ! Sur le site de Ken Knabb, vous pouvez trouver aussi une critique (et des polémiques : Knabb et Zerzan ont l'air de s'adorer ;-) sur le primitivisme (La Misère du Primitivisme entre autre). Je ne poste pas ces textes ici car ils sont encore à l'état de brouillon et il faut avoir lu les ouvrage de l'un et l'autre pour suivre, mais c'est sympa...

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  Rakshasa
03-08-04
à 17:12

Re: Re: re: La mise en page du joue et le boxon...

A la fois je trouvais que l'article sur les magouilles intellectuelles de Zerzan avait sa place ici, mais c'est pas grave. En tout cas les textes auxquels tu renvoies Cercamon sont intéressants et drôle. C'est pour moi toujours un réel plaisir quand des menteurs se font déboiter par l'analyse de leurs propos.
Sinon comment je fais si je veux retirer mon commentaire, c'est possible ça?
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  libertad
04-08-04
à 08:10

Re: Re: Re: re: La mise en page du joue et le boxon...

Il est retiré Rakshasa
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