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L'actualité récente des faits divers concernant plusieurs infanticides en série, montre le traitement différent de la société face au crime selon que l'on soit homme ou femme. L'infanticide est d'ailleurs devenu un crime invisible puisqu'il a disparu du code pénal. On parle aujourd'hui d'« homicide aggravé sur mineur de moins de quinze ans ».
Ce processus "d'invisibilation" du crime a pour résultat de supprimer les satistiques le concernant, on n'a plus désormais aucune idée de l'ampleur du phénomène, même si des faits divers viennent nous rappeller régulièrement son existence.On pourra comparer, avec profit, cette situation avec celle faite aux violences sur les femmes. Il sera en effet difficile d'organiser des pétitions et des manifestations pour protester contre le fait que X bébés sont tués chaque semaine ou chaque mois, étant donné que la société ignore volontairement leur nombre.Evidemment on ne pourra brandir à toute occasion la grande enquête sur les violences faites aux nourrissons montrant le "continuum" entre les violences psychologiques et les infanticides en passant par les violences physiques aboutissant à un bon chiffre bien rond que personne ne peut oublier.
La société en effet, juge l'infanticide comme le crime d'une victime, l'un des arguments principaux pour l'excuser, étant de dire que les femmes infanticides considèrent le bébé non comme un être humain mais comme un objet. On pourra s'étonner qu'un tel argument puisse être retenu à la décharge d'une femme, on n'ose imaginer que l'on puisse faire de même, à la décharge d'un homme dans le cas d'un crime "passionnel", argument qui serait, à juste titre rejeté. Justifier le crime "passionnel" par le fait que la femme ne serait plus que "l'objet" de la passion et non un être humain sera retenu à charge contre l'homme, le nouveau-né devenu objet et non être humain, sera retenu à décharge de la femme. C'est ce que l'on peut appeller une différence de traitement selon le sexe.
Dernier
sujet d'étonnement : le fait que l'infanticide soit politiquement
correct et invisible en France et soudainement sexocide et scandaleux
lorsqu'il se passe en Asie et concerne les filles uniquement. Ainsi des campagnes de protestation s'élèvent pour stigmatiser l'infanticide féminin dans certains pays exotiques mais nulle voix ne s'élève, ici, pour dénoncer le silence sur ce qui se passe chez nous.
Comme quoi infanticide de bébés masculins et féminins n'ont pas le même poids. Il est vrai qu'en France l'ampleur du phénomène n'est pas comparable et que les infanticides concernent filles et garçons. Mais avant de donner des leçons et de s'indigner à bon compte et sans frais, ne vaudrait-il pas mieux balayer devant sa porte ?
On constate que selon le sexe du criminel, les circonstances atténuantes sont acquises quoi qu'il arrive et refusées d'emblée dans l'autre cas. Crime de "victime" d'un côté, crime de "dominant" de l'autre, sans s'interroger un instant sur la capacité de défense du nourrisson comparée à celle d'une adulte que l'on affuble, du statut "d'éternelle victime".
Loin de réclamer la répression, comme c'est trop souvent le cas aujourd'hui ( c'est à l'antipode de nos conceptions anarchistes ), cette différence de traitement est l'occasion de réfléchir sur le sexisme caché de notre société, au-delà des apparences : le droit de vie et de mort du Pater familias sur ses enfants a changé de main, le premier était l'apanage du patriarcat triomphant. Le droit de vie et de mort sur les nourrissons, serait-il le symptôme d'une forme de domination encore aujourd'hui invisible mais déjà réelle puisqu'elle peut en prendre les pires caractéristiques ? L'infanticide du passé avait l'excuse de l'avortement et de la contraception interdits. De quelle légitimité peut-il se prévaloir aujourd'hui, sinon celui de la force pure du droit de vie et de mort ?
Libertad
A lire, pour compléter l'information sur le sujet : Infanticides en série : étrange clémence des décisions judiciaires
Commentaires :
mireio |
crime politiquement correctEffectivement, pourquoi un crime, qui pourrait être considéré par le sens commun comme particulièrement affreux, reçoit - il un traitement aussi indulgent de la part de la société ? Je ne suis pas du tout sûre que la piste sexiste soit la bonne. Par contre, il me semble que le pivot de tolérance sociétale vis à vis de l'infanticide en série réside précisément dans son caractère à la fois horrible et incompréhensible. L'anthropologie moderne a exclu de son horizon la question du mal et celle de la responsabilité. Un individu donné n'est que le produit d'un déterminisme ou d'un autre : Pour la droite c'est le déterminisme du gène, pour les progressistes c'est celui de la société ou de l'inconscient ou les deux à la fois. Quand un crime est particulièrement horrible et semble ne pas entrer dans des catégories rationnelles, son auteur sort ipso facto de la catégorie "sujet de son acte" pour rentrer dans celle de victime de...( ses pulsions, son éducation, ou son absence d'éducation etc...) C'est le processus qui a eu lieu il y a environ trente ans lorsque sont apparues les premières affaires d'abus sexuels sur de touts petits enfants par les parents directs corrélativement avec l'explosion des affaires d'enfants martyres. Ceux qui ont un peu de mémoire se souviennent d'un double mouvement dans l'opinion : la réaction populaire classique " la mort pour les bourreaux d'enfant" s'affaiblit ou devient moins audible à mesure que le nombre d'affaire augmente et que s'impose le discours du spécialiste : psychologue, sociologue, psychanalyste... Il se met un place un récit consolant qui va devenir rapidement la doxa non pas dominante mais unique "Tous les bourreaux d'enfant sont d'anciens enfants martyres" "tous les parents abuseurs sont d'anciens enfants abusés". Et pendant de nombreuses années les tribunaux ont été très indulgents y compris dans des affaires particulièrement horribles. Depuis, toutes les études réalisées d'après le suivi d'anciens enfants martyres ou abusée ont démontré que, contrairement à ce que prétendaient les modèles, très peu d'entre eux "reproduisaient le schéma familial" et devenaient à leur tour maltraitants ou abuseurs; mais si l'ancienne indulgence a disparue, le récit consolant est toujours l'explication de référence. Par définition, il est impossible de recycler le récit classique "la victime devenue bourreau" dans le cas de l'infanticide en série. Le quidam a la nausée, le journaliste glose sans fin et le spécialiste appelé à la rescousse produit une théorie de spécialiste : le fœtus objet. Exit le sujet criminel et la mère infanticide devient un objet médical (psychiatrique, plus précisément)... le diable ayant perdu toute crédibilité, l'opinion s'en contente. Par delà l'horreur et le dégoût (car je suis comme le quidam), je peux me risquer à une réflexion politique à partir de ce fait divers : Nous vivons dans un monde qui repose sur le principe : tu peux avoir tout ce que tu veux (à condition d’être solvable) ou même : tu a le droit d’avoir tout ce que tu veux ! face à ce principe proprement fondateur de la modernité, toute modération venue de la morale, de la civilité ou de la sympathie n’a plus aucun poids. Car on se tromperai de ne voir dans l’illimitation du désir que le désir lui – même… que serait le phantasme de son assouvissement s’il ne contenait celui de l’omnipotence ? Mais cette promesse est constamment trahie. La jouissance se reporte sans fin d’un objet à un autre et le misérable ersatz de pouvoir procurée par « la maîtrise » des systèmes techniques est incapable de compenser ce qui définie le moderne : son impuissance c'est-à-dire son anéantissement en tant que sujet politique. Si on prend au sérieux l’hypothèse précédente, le moderne est constamment confronté à une situation insupportable : La promesse constamment répétée de la toute- puissance, de la toute- jouissance et la frustration permanente de ce désir. Ma conclusion c’est que Libertad a raison d’évoquer la jouissance narcissique de la « force pure du droit de vie et de mort » mais tort d’y introduire le sexisme. L’impuissance moderne affecte tous les humains modernes.
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à 12:49