Les derniers évènements en France nous obligent à nous interroger sur le sens que peut prendre le terme de « dialogue social » dans la bouche des gestionnaires du système marchand.
Une volonté de dialogue
n’est pas synonyme de volonté de compromis, encore moins d’acceptation
de la volonté de l’autre. C’est tout cela qui se joue aujourd’hui dans une
atmosphère délétère d’autoritarisme paternaliste et de démagogie.
LE SENS DU DIALOGUE
Le fondement de tout dialogue
est, en principe, l’expression d’une bonne volonté en reconnaissant l’autre comme
un interlocuteur valable.
Si dialoguer c’est
simplement échanger des idées, cela peut être fort intéressant, mais n’a
aucun intérêt concret surtout si le dialogue, l’échange, se situent dans les
limites d’une rationalité comptable et financière qu’il est exclu de remettre
en question. Dans ce cas, le dialogue est purement formel. On sait, avant de
commencer, quel sera le résultat… à quoi donc bon dialoguer sinon à se livrer à
un pur exercice de style
Le dialogue n’a donc pas de valeur
en soi si c’est pour n’aboutir à rien de concret.
S’agit-il de dialogue ou
de négociation ? La distinction est subtile entre les deux. En
effet, un dialogue peut n’engager à rien, sinon à un échange, alors qu’une
négociation engage à trouver une solution entre les deux parties, donc aboutir
à un compromis…
Le pouvoir politique,
contrairement aux apparences n’a jamais été neutre et n’est pas neutre, pas
plus hier qu’aujourd’hui. Il représente toujours les intérêts du système
dominant.
Accepter pour lui le dialogue
n’est pas forcément faire preuve de faiblesse, au contraire, celui-ci peut-être
un signe d’ouverture entrant dans une stratégie de séduction. Le
dialogue est d’ailleurs d’autant plus franc, ce qui ne veut pas dire utile,
qu’il n’y a aucun enjeu, et qu’au moins une des deux partie évite d’aborder
l’essentiel.
Le dialogue change de nature
lorsqu’il est imposé par un rapport de forces… il ne s’agit alors plus pour le
pouvoir de plaire, mais de résister à des revendications, des
mises en demeure, voire des remises en question.
De quoi s’agit-il
aujourd’hui ?
UN « DIALOGUE-SPECTACLE »
BIAISE
Deux facteurs sont à la base du « dialogue »
du pouvoir actuel : plaire et gérer…. Et plus précisément
« plaire pour pouvoir gérer ».
Le système marchand a développé
une véritable culture du dialogue dans laquelle sont tombées, à
différents niveaux, la plupart des organisations politiques… et syndicales.
Cette culture est essentiellement articulée autour de l’acceptation du formalisme
politique que représente l’échange formel dans un cadre imposé… aboutissant
à l’élection. Ne pas accepter cette logique est terriblement mal vu et
irrémédiablement condamné par les « vrais » démocrates. Pourtant, accepter
le « dialogue formel » comme expression fondamentale de la pratique
démocratique, l’expérience nous le montre chaque fois, c’est capituler sur
l’essentiel : la possibilité de la remise en question des rapports sociaux
et en particulier de la logique économique. Une fois accepté cela,… tout est
possible.
Le pouvoir actuel a un besoin
impérieux de plaire et ce pour deux raisons :
- combattre l’image qu’il a de
droite dure ;
- préparer à des mesures
impopulaires.
Pour cela il a utilisé, et
utilise, habilement une méthode qui fonctionne parfaitement : le débauchage
qui est une forme de dialogue biaisé : l’adversaire, le clan adverse n’est
pas convié à un dialogue,… mais le dialogue, et plus que le dialogue, se fait
par le débauchage de ses éléments les plus corruptibles. Cette méthode est
doublement payante :
- l’argument du sectarisme
tombe ;
- le clan adverse est déstabilisé et
ridiculisé (cocufié) aux yeux de l’opinion.
Reste la gestion. C’est la
partie la plus difficile car, une fois le spectacle des lampions et des
paillettes éteint, la réalité sociale reprend ses droits et interpelle les
naïfs éblouis un temps par la politique-spectacle…
Mais le pouvoir peut compter sur
un autre paramètre, le temps… en effet il est alors trop tard…. Dans la moiteur de
l’été et des nouvelles politico-people, il a fait passer nombre de ses
réformes… et dans la foulée, sachant les mobilisations pas crédibles et
impopulaires, prépare les suivantes…
Le but, l’objectif essentiel de
toute cette stratégie est toujours le même : gérer le système marchand.
Aujourd’hui cette gestion
est difficile pour le pouvoir car ses marges de manœuvre, dans le cadre de la
mondialisation marchande, sont réduites, les compromis qu’il peut passer,
quasiment inexistants. L’abandon des prérogatives économiques au profit d’une conception
mondialiste de la marchandise laisse peu de place aux politiques nationales
de compromis, comme ce fut le cas, jusqu’à ces dernières années, avec les
salariés. Il est donc absolument nécessaire pour lui de séduire tout en restant
ferme sur ses objectifs. Et la fermeté passe d’autant plus facilement qu’il a
séduit ses victimes.
Il a pour cela un facteur qui
joue en sa faveur : la débilité de l’opposition et l’impuissance
des syndicats. Pas simplement de l’opposition officielle qui n’est qu’un
clan parmi les gestionnaires du système, mais l’opposition qui se veut alternative,
celle qui s’entredéchire dans l’indifférence quasi générale… et prépare
assidûment des élections (municipales) qu’elle va perdre… de même que les
syndicats qui obsessionnellement reconduisent les mêmes actions aussi inutiles
que finalement désespérantes.
Le faux dialogue se réduit donc,
de manière biaisée avec l’opposition officielle dans le cadre d’un bipartisme
de fait qui ne dit pas son nom, laissant l’autre opposition dans ses agitations
stériles et ses rêves de grandeur, et avec les syndicats à un pseudo dialogue –
pas même une négociation - qui consiste à dire « on vous consulte mais
on passe outre ».
UNE CULTURE DE L’INDIGENCE
Le dialogue social n’existe donc
plus.
Le système marchand n’a plus les
bases et les conditions économiques et historiques de le mener. Les mesures
« sociales » prises ont encore moins de fondement que celles qui ont
constitué pendant des décennies les « acquis sociaux »
aujourd’hui mis consciencieusement et résolument en pièces.
Une nouvelle culture est entrain
de naître, celle de l’indigence fondée sur le respect strict des règles de
la marchandise et de la valorisation du capital,… et la soumission de toutes et
tous à celles-ci.
Cette nouvelle culture apparaît
aujourd’hui sournoisement – instillée par les médias et les
« experts » - et s’installe petit à petit dans les consciences vidées,
affaiblies et corrompues par la politique-spectacle. Ses manifestations
sont : le phénomène des travailleurs pauvres, des retraités pauvres, les
jeunes sans emploi, un accroissement considérable des inégalités, un
appauvrissement généralisé des nouveaux salariés, une protection sociale
réduite, la liquidation des services publics, la réapparition d’anciennes
maladies liées à la pauvreté, …
Tous ces phénomènes nous sont
présentés comme « naturels » et « inévitables »… Intégrés
et acceptés par l’ « opposition officielle » ils ne font même
plus véritablement l’objet d’interrogation… Ils entrent peu à peu dans notre
quotidienneté, deviennent des habitudes de vie au sujet desquelles on
s’offusque de moins en moins et que finalement on accepte comme une fatalité.
En l’absence d’une prise de
conscience sérieuse, la marchandise est en passe de gagner la partie… sans même
combattre.
Patrick
MIGNARD
Voir aussi les articles :
« VERS LE BIPARTISME »
« ILS NE CEDERONT PLUS
RIEN ! »
« LES NOUVEAUX ROIS
MAUDITS »