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Cette école, c'est l’Avenir social, et elle compte déjà, garçons et fille, treize petits pensionnaires que j'ai pu voir dernièrement s'ébattre sur les pelouses de la villa de Neuilly-Plaisance (1). Madeleine Vernet était parmi eux qui leur parlait en sœur aînée, persuasive et rieuse Je l'ai interrogée sur les origines de son œuvre et sur ses espérances, et je dirai tout ce que j'ai appris.
D'abord Madeleine Vernet n'est pas une débutante. Il y a six ans, étant avec sa mère en un village normand, elle eut l'idée de recueillir et d'élever un certain nombre d'enfants assistés. L'entreprise allait à souhait; pourtant elle eut l'infortune de déplaire à l'administration. Un bureaucrate stupide et méchant jugea que mesdames Vernet ne préparaient pas convenablement leurs bureautins à la vie de misère qui devait être leur lot; les enfants leur fusent donc retirés. Le récit de cette aventure a paru autrefois tout au long en Pages libres.
Madeleine Vernet ne se découragea pas. Mais ayant réfléchi que ceux qui désirent travailler activement au bien de l'humanité, doivent ne compter que sur eux-mêmes, elle résolut de se passer désormais, eu tout ce qu'elle pourrait entreprendre des coûteuses «faveurs » de l'administration. Elle attendit avec patience, se préparant à travers mille difficultés matérielles à ce noble rôle d'éducatrice libertaire qu'elle voulait pour sien.
Enfin, il y a quelques mois, se jugeant prête, elle lançait un premier appel, en avril, elle louait pour deux ans la villa de Neuilly-Plaisance. Madeleine Vernet touchait le but : L'Avenir social était fondé.
Quel est son programme ? Ici j'emprunte à un article publié par Madeleine Vernet elle- même dans le Libertaire du 27 mai, les renseignements suivants :
« Notre but : 1° Prendre des enfants de 3 à 8 ans, garçons et filles. Les conserver jusqu'à l'âge de 15 ans.
« 2° Leur donner : L'éducation et l'instruction en rapport avec les idées que j'ai jusqu'alors professées. Leur donner également l'éducation professionnelle en rapport avec leurs aptitudes.
« 3° Nous avons fixé la pension mensuelle à 30 francs. Pour cette somme, nous nous engageons à tout fournir à l'enfant : nourriture, vêtements, entretien, instruction. En plus de cela, nous demandons une somme de 50 francs à l'entrée de l'enfant, pour couvrir son premier trousseau, lequel sera renouvelé à nos frais. Toutefois dans un cas d'extrême nécessité nous pourrions ne point demander cette somme, ou accorder qu'elle soit versée en plusieurs fois.
« 4° Naturellement pour prendre des enfants dans ces conditions, nous demandons qu'ils puissent justifier de leur situation nécessiteuse. »
Cependant ce n'est encore là que la première partie de l'œuvre qu'a rêvée Madeleine Vernet. Tant que l'Avenir social ne sera qu'une école, il ne devra pas, vu la modicité de la rétribution mensuelle exigée, espérer subsister par ses propres ressources et il sera obligé d'invoquer la solidarité pécuniaire des camarades qui, pour6 francs par an, pourront en devenir membres adhérents.
Mais l’Avenir social a hâte de trouver en lui-même les ressources nécessaires à son existence, et pour y arriver, il entend se transformer par la suite en une société coopérative agricole et artisane. L'école resterait le centre de l'œuvre ; mais autour d'elle, et l'alimentant du produit de leurs travaux, fonctionneraient une exploitation agricole et de petits ateliers coopératifs où les enfants feraient leur apprentissage, s'initieraient à leur rôle futur de producteurs.
« Ainsi, a écrit M. Vernet, nous formerons une grande famille, une petite société dans la grande ; nous pourrons faire rayonner autour de nous nos idées ; nous pourrons agrandir nos ateliers, notre exploitation agricole et grâce aux fruits du labeur commun, nous pourrons alors agrandir également l'œuvre bienfaisante d'éducation en ouvrant notre famille aux petits déshérités qui n'auraient même pas la modique pension nécessaire pour devenir nos enfants. »
J'ai tenu à présenter l'Avenir social à nos lecteurs, comme je leur ai naguère présenté la Ruche de Sébastien Faure. Comme la Ruche, l'Avenir social témoigne du haut souci d'éducation intégrale qui anime les anarchistes et les différencie heureusement des politiciens de la révolution.
Mais s'il est nécessaire que de tels témoignages apparaissent et durent, il ne faut pas non plus oublier qu'ils ne sont que cela : des témoignages de cette vocation au rôle d'éducateurs à peu près constante parmi les anarchistes.
Il ne faut pas oublier que ni la Ruche, ni l’ Avenir social, ni aucune des diverses tentatives actuelles de colonisation communiste (le Milieu libre de Vaux, l’Essai d'Aiglemont, l'Expérience de Stockel-Bois) ne sont appelés à résoudre, même partiellement, le problème social. Celui-ci demeurera intact tant que l'organisation économique de la société, fondée sur la propriété individuelle et sur le salariat, n'aura pas été transformée de fond en comble. Cette transformation économique, qui sera l'œuvre de la force, est le grand but auquel toute autre transformation doit, très humblement, être subordonnée ; y préparer les hommes, y préparer surtout les prolétaires qui en seront les artisans désignés, voilà donc la tâche essentielle de l'heure présente, celle à laquelle je sacrifierais toutes les autres. Les tentatives de colonisation communiste et d'éducation libertaire sont intéressantes en ce qu'elles anticipent partiellement l'avenir communiste et libertaire que nos enfants verront; nous les aiderons de note mieux dans leur effort d'idéalisme pratique, tout en sachant bien que la révolution sociale, qui est avant tout désorganisation et destruction, ne sera pas leur œuvre, mais la nôtre, à nous qui luttons, dans le présent, contre tous les modes de l'exploitation et de l'autorité.
AMÉDÉE DUNOIS.
(1) 42, rue de la Pelouse, Neuilly-Plaisance (Seine-et- Oise).
Les Temps nouveaux 25 août 1906
Photos provenant de l'Ephéméride anarchiste et de Cartoliste
Commentaires :
libertad |
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à 11:31