Après de brillantes études secondaires au lycée Dupuis du Puy (ville dont sa mère est maire), Bruno Julliard entamait des études de droit à Lyon II. Ce n'est pas que la chose le passionnât. Il aurait bien voulu y échapper (et trouver ses diplomes dans une pochette-surprise).
Mais tout le monde ne s'appelle pas Rachida Dati, et à quelque chose malheur est bon : Bruno fait trainer (il est à 28 ans encore en master), ce qui permet au mouvement étudiant de bénéficier d'un leader qui, certes, n'est plus tout à fait un jeune homme, mais (justement) a déjà de l'expérience.Bruno, perso, ce qui le passionnait, c'était la danse.
Non pas, j'en vois qui se méprennent, passer ses nuits en boite avec des amis louches et des filles de mauvaise vie, mais le ballet, la danse (socialiste) classique, celle des étoiles (du PS) et des petits rats (si bien nommés).
Dès qu'il a un moment, il file à l'Opéra.
Il assiste aux répètes, tape la discute avec les chorégraphes, et tout seul dans sa chambre refait les mouvements qu'il a vu dans l'aprèm'.
Ça s'en ressent dans ses activités.
Je n'irai pas jusqu'à dire qu'il néglige l'Unef, non : de ce point de vue, Bruno est consciencieux. Chacun de ses instants reste consacré à l'accomplissement de son sacerdoce syndical.
Mais façon danse.
Voilà.
C'est comme ça qu'il le vit.
Prenez le dernier truc, la réforme (Pécresse) de l'Université.
Premier tableau
Bruno fait son entrée en scène pendant la campagne des présidentielles avec un
Royal (un «royal» est un saut. Il commence en cinquième devant et se croise en avant pour atterrir en cinquième derrière.) :
«Pour Nicolas Sarkozy (...)On voit dans son discours une idéologie élitiste libérale et réactionnaire de l’école. (...) il propose l’autonomie totale des établissements d’enseignement supérieur (...) pour organiser la concurrence.»
Les élections passées,
Tour en l'air (c'est un soubresaut ou un changement de pied qui tourne en l'air.) :
"On prend acte de l'élection de Nicolas Sarkozy, on respecte les résultats du scrutin, d'autant plus que sa victoire est large avec une très forte participation"
et
Changement de pied (saut de la famille des soubresauts, qui part des 2 pieds et arrive sur 2. Pendant le saut on change le pied de devant.), quand démarre la grève à Tolbiac, contre la réforme promise par Sarkozy :
«Il n'y a aucune raison de contester cette victoire ou d'appeler à des assemblées générales dans les universités ou des manifestations (...)»
Fouetté (il y a différentes sortes de fouettés) :
«on participera d'autant moins à ce type de manifestation que c'est contre-productif, et que cela risque de faire apparaître les jeunes comme anti-républicains.»
avec, pour terminer, visite à Sarkozy, reception chez Pécresse et
Écart (grand) (le grand écart part d'un fendu puis on tend la jambe de devant pour arriver à une ligne droite au sol formée par les jambes) :
"(concernant la loi Pécresse) nous notons des inflexions et des amendements considérables. Avec les amendements acceptés aujourd'hui, nous sauvons l'essentiel".
Réhaussé d'un petit
Rond de jambe (position fixe, les 2 pieds au sol, puis il suffit de pointer devant soi et de «dessiner» un demi-cercle vers l'extérieur en passant bien par une seconde en arrière) :
"Nous notons des inflexions propres à apaiser les esprits (...)même si (...)nous pensons que cette réforme n'est pas la priorité».
Fin du premier tableau.
Pendant les vacances d'été, entr'acte.
Deuxième tableau
Le rideau se lève sur la nouvelle grève étudiante contre la loi Pécresse.
Julliard entre en scène sur une
Pirouette (On parle de pirouette lorsque la rotation est rapide) :
«Nous avons toujours dit que la loi n’était pas acceptable en l’état (...) Ce n’est pas l’Unef qui change de position quant à la loi sur l’autonomie, c’est le gouvernement qui ne tient pas ses promesses»
suivie d'un
Port de bras (le port de bras est, comme l'indique son nom, un porté, c'est-à-dire qu'on soutient l'action des bras et qu'on reste dans la position où on est pour les déplacer harmonieusement) :
(l'Unef appelle les étudiants à) "participer aux assemblées générales", "s'informer sur la loi sur l'autonomie des universités", "décider de leurs modalités d'actions"
avec un
Balancé (changement de jambe d'appui par le balancement du corps de gauche à droite (ou de droite à gauche) ou d'avant en arrière (ou d'arrière en avant)) :
"On ne veut pas faire une mobilisation exclusivement sur ce motif (l'abrogation de la loi), car c'est un objectif qui ne nous semble pas atteignable"
et une
Surrection (action courte consistant à marquer le temps en se mettant sur la pointe des pieds) :
«On est très mécontent parce qu’on a l’impression de s’être fait tromper sur la question des bourses»
Comme on voit, la surrection est le contraire-même de l'insurrection, ce qui justifie un nouveau
Fouetté"Il faut respecter le vote majoritaire" ,
Brisé (le brisé consiste à lancer une jambe à 15 cm du sol (ex. : jambe gauche) et à sauter avec l'autre jambe en croisant les 2 jambes en l'air (d'abord gauche devant puis droite devant en l'air) et en retombant comme au départ (gauche derrière)) :
"Les étudiants peuvent continuer de faire des assemblées générales, peuvent encore voter la grève, mais le blocage, il n'est possible que s'il est décidé par une majorité d'étudiants»
(sous-entendu : au vote à bulletin secret organisé par l'administration, tant il est naturel que ce soit aux patrons d'organiser les grèves),
Attitude (l'attitude est une position où le danseur a une jambe plié en l'air assez haut) :
"Mais même si nous pouvons avoir des divergences avec les assemblées générales sur cette question de l'abrogation, nous n'en faisons pas un point de rupture"
et enfin
Manège (le manège consiste à faire une succession de pas autour d'un cercle (...) Les manèges peuvent se faire seul ou à plusieurs) :
"(nous demandons) des moyens supplémentaires et des modifications du budget 2008 pour l'enseignement supérieur afin de répondre à l'urgence sociale des étudiants et d'améliorer la réussite en licence"
qui enterre toute contestation de la loi Pécresse.
Fin du deuxième tableau
D'autres tableaux sont à venir, et leur déroulement apportera sans doute bien des surprises, mais d'ores et déjà la prestation de Bruno Julliard lui assure une place de choix à l'Opéra de Paris, son nom est :
«évoqué pour rejoindre l'équipe de Bertrand Delanoë » (Le Monde du 10 novembre)
La semaine prochaine, nous parlerons de Bernard Thibault, ancien élève du Bolchoï et du Cirque de Moscou, qui se produit en ce moment à Bastille (et République) en qualité de contortionniste, avaleur de sabres et trapéziste volant.
okounine