L'ANNEE DERNIERE à Fribourg diverses actions encourageant le principe de ville gratuite ont été menées: squats, fêtes libres, ouverture d'un magasin au KTS (centre culturel, politique autonome) reposant sur le principe de gratuité absolue. La dernière action, menée par des militants anarchistes, qui visait la gratuité des transports et des loisirs, a été visée par la répression.
Ainsi une perquisition a eu lieu le mercredi 8 décembre 2004, à 8 heures du matin. Six fonctionnaires du « Staatsschutz » (sécurité d'État) et une personne de la ville de Fribourg, mandatée en tant que témoin ont pénétré dans un appartement. Étaient alors présents trois des quatre habitants. La perquisition allait durer trois heures et se solder par la confiscation de quatre ordinateurs, des fichiers, des notes manuscrites, des photos et d'un drapeau antifasciste.
Dans le mandat de perquisition délivré par le juge Nolm Ertelt, il y avait ordre de confisquer les ordinateurs personnels et de rechercher le tract « Libre circulation pour tous » , l'appel pour l'action « baignade gratuite » et pour finir de se saisir de tous les éléments écrits en lien avec ces actions.
La perquisition a été justifiée par une enquête qui est en cours contre un des locataires (un militant antifasciste). Celui-ci aurait prétendument appelé publiquement à commettre des délits. Dans le justificatif il est précisé
« Suivant l'enquête menée jusqu'à maintenant, on soupçonne l'accusé d'avoir fait passer sur le site internet www.antifa-freiburg.de du 1- novembre 2004 un appel à une action « baignade gratuite » dans une piscine à Fribourg [...1. L'accusé s'est retrouvé le 14 novembre 2004 [...] avec une vingtaine de personnes dont les noms sont inconnus. Le groupe ne s'est pourtant pas dirigé vers la piscine, mais suivant les directives de l'accusé, est allé vers le pont ferroviaire [...J. Une partie du groupe a diffusé sur la ligne 6 du tramway, direction centre ville, des tracts que l'accusé avait apportés. »
Le tract incriminé (sur les transports gratuits) soulignait le fait que se déplacer est une nécessité et que du fait des prix exorbitants des transports, nombre de personnes se trouvent exclus de la mobilité pourtant nécessaire dans notre société et que bientôt se déplacer allait devenir un luxe. À cela on oppose une alternative, la fraude, en insistant sur le fait que beaucoup de personnes mettent déjà en pratique ce concept et en expliquant comment se comporter face aux contrôleurs et dans quelle mesure il est possible d'aider un fraudeur. L'appel pour l'action « baignade gratuite », paru sur le site internet, constituant un des motifs de la perquisition, partait du même principe: « Tout pour tous ». Les loisirs ne doivent pas être réservés à une minorité de privilégiés...
Pour protester contre la perquisition et la répression en général, une manifestation a eu lieu le 18 décembre à Fribourg. Cette manif a rassemblé environ 250 personnes. Lors de cette dernière des incidents ont éclaté entre manifestants et farces de l'ordre. Un manifestant a été blessé à la tête, et plusieurs personnes ont été arrêtées.
La perquisition et « l'affaire » autour des actions de gratuité s'inscrivent dans un climat de durcissement de la répression à Fribourg qui à pu être observé au fil des derniers mois.
Ainsi, contre des squats ouverts sur le Vaubangelände et dans la Basler Suasse (à cause de la pénurie de logements), des procédures judiciaires ont été ouvertes. Récemment, la lutte pour le logement a mené à de nombreuses condamnations sur Fribourg. En janvier 2004, c'était le KTS qui â failli être expulsé. Mais, grâce à la mobilisation, l'expulsion de celui-ci a pu être évitée. Lors du « Southek-Technofestivals » (free-party) en juin dernier, un déploiement policier exagéré avait été mis en place, et les accords de Schengen avaient même été suspendus...
Fribourg n'est pas la seule ville en Allemagne où la police se montre particulièrement zélée ces derniers temps.
À Stuttgart le 30 novembre 2004 l'« Infoladen » (librairie et lieu de rencontre militant) ainsi qu'un domicile privé ont été perquisitionnés pour une croix gammée détruite (naturellement) qui figurait sur un tract de l'Action révolutionnaire de Stuttgart (antifascistes). Le ridicule ne tuant pas, ce prétexte avait déjà servi pour des perquisitions le 9 septembre 2004 à Stuttgart. Au même moment, à Göttingen les locaux du serveur internet militant PUK ont été perquisitionnés car celui-ci hébergeait le site de l'Action révolutionnaire de Stuttgart. Il faut encore ajouter à cette liste les six perquisitions du 8 novembre 2004 qui ont eu lieu à Homburg et à Munich et qui ont visé des militants de la « Rote Hilfe » (l'aide rouge) et l '« Infoladen » de Munich.
Pour en revenir à Fribourg, ce qui a certainement dû inquiéter les pouvoirs publics, c'est que ces actions et les discours sur la gratuité trouvent en général un écho favorable parmi la population. Cette tentative d'intimidation se solde par un échec: dix jours après, 250 personnes manifestaient contre la répression.
Olynx
groupe Juillet 1936 de la Fédération anarchiste, Strasbourg
Le Monde libertaire #1383 du 27 janvier au 2 février 2005