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L'En Dehors


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Fracasser la boite de Pétri
Ce qui suit vient de questions que je me suis récemment posées à moi-même.
Pourquoi abandonner la culture ? Il y a d'innombrables raisons pour commencer à remettre en cause, voire à sérieusement redresser notre relation avec le concept de culture et peut-être à nous écarter de cet assemblage historique, contemporain et en projet de dynamiques et de caractéristiques sociales par lequel nous nous définissons nous-mêmes et qui nous structure collectivement en tant que groupements sociaux. La culture contient les par trop familières notions civilisées d'espérance, de projections, de coutumes, de tabous, de valeurs, de moralité, et de rituels tout en étant anthropocentrique par nature et, en général, limitée dans le sens où elle définie la condition humaine dans un lieu, un temps et un contexte uniquement en termes de relations humaines ou de comment nous utilisons d'autres choses. L'animal humain, dégagé d'une telle vision de la réalité, et en accord avec le souci concret de subsistance collective et de jeu dans la curiosité, n'a pas de besoin de la culture comme d’une chose à laquelle appartenir ou par laquelle être guidé. Non, il n'est que lui-même : une composition de tout ce avec quoi il est en relation, mais malgré tout unique. Et si les relations sont fluides, non contraintes par des concepts artificiels, et basées sur un désir mutuel, alors quel usage ou besoin y a-t-il de la culture, si ce n'est pour définir et brider ces mêmes relations ? Il se pourrait alors que notre quête de libération se situe en dehors des paramètres du concept de culture et soit peut-être en contradiction avec son existence même. La culture, qu'elle soit ethnique, religieuse, nationale, tribale, pop, alternative ou contre-culture, détermine plus qu'elle ne réduit les frontières en nous et entre nous, en chacun de nous, et toute notre vie.

Pouvons-nous remettre en cause les habituels fondements de base de notre relation aux autres ? Pour de nombreuses personnes, abandonner la culture semble être un projet trop intimidant, choquant et opposé à ce à quoi nous avons peut-être toujours cru. Mais alors qu’il s’agit de défaire toute la civilisation, y a-t-il des questions trop colossales pour être posées et des matériaux trop compacts pour être déconstruits ? Questionner la culture elle-même, et la matérialité de sa forme politisée – la société – revient à attaquer les prémisses de la civilisation, au fait que nous soyons contrôlés et manipulés par des forces externes aux desseins incompatibles avec ceux des individus, sans égards pour leurs désirs (bien qu'il y ait d'illusoires moments de concordance). Qu'il existe des lignes directes liant des individus ou groupes au pouvoir, ou qu’il y ait formation rigide de textures et schémas à travers le temps, la culture contrôle. Elle le doit ou bien elle cesse d'exister. La culture peut être vue soit comme le total de ce que nous sommes en tant qu'être sociaux soit comme les paramètres qui structurent notre vie. Les deux options sont insatisfaisantes pour celui qui s'essaye à une existence non civilisée et non réprimée. Si nous devons vivre une vie totalement différente, alors ce qui semble être le fondement et agglomère tous ces éléments (la société) doit être démantelé. L'empreinte doit être effacée. Les structures doivent être fracassées pour ouvrir l'espace à l'errance sans entrave de notre être sauvage libéré.

Y a-t-il un élément intrinsèque à la culture qui mène à la formation d'une socialisation rigide ? La moisson et le labourage de la terre créent un contexte différent, le nôtre, de celui de l'animal humain pré-civilisationnel. Avec la domination de la terre, la stratification de la société, le développement de l’énergie, la création de l'économie et la mystification religieuse du monde, la culture s'est installée comme moyen de contrôle totalisant. Pour le dire simplement, quand il faut maintenir les choses en ordre, une société ordonnée est préférable. Avec cela vient la standardisation de la société, la suggestion de valeurs, l'introduction de codes, la mise en œuvre de règlements, qu'ils soient matériels, intellectuels ou spirituels. La force manifeste n’est jamais très loin (tout au moins sa menace), mais pour convaincre les gens qu'ils sont un élément d'un groupement abstrait, et qu'il est supérieur à tous les autres, l'identité culturelle est un moyen de contrôle bien plus efficace. Et même : les persuader qu'il leur faut considérer les aspirations déviantes ou contraires à leur système de croyance en tant qu’Autre, voilà qui fonde effectivement la défense de la culture. Avec l'abstraction des relations directs, nous en sommes peut-être venus à considérer les concepts de la culture comme nécessaires. Sinon (ou en dehors de cette perspective), quel but auraient-ils pu servir ?

Faut-il considérer le processus de domestication comme inévitable dans la culture ? Le développement des humains en tant qu'individus et des sociétés en général à travers l'éducation, la discipline et l'entraînement semble nécessiter l'obéissance au normes sociétales, largement reconnues comme culturelles. Le but, comme avec n’importe quelle autre forme de domestication, est d'obtenir une récolte ou un rendement uniforme et productif avec des moyens aussi efficients que possible. L'individualité et la fluidité sont vues comme des risques à maîtriser ou à juguler. Éventuellement, en cas de récolte particulièrement prolifique pour une saison donnée ou en fonction des moyens accumulés par un éleveur, certaines graines non-classifiées sont tolérées à la marge, mais encore sont-elles largement contrôlées, ne serait-ce que par la proximité des domestiquées.

La socialisation et le contrôle vont-ils nécessairement de pair avec la perpétuation et l'acceptation de la culture ? La culture essaye d'exprimer et de prescrire un sens à notre monde. Ce sens est typiquement, et je dirais même inévitablement, utilisé pour obtenir et maintenir le pouvoir et le contrôle. La culture présente généralement une approche à la fois conservatrice et progressiste. À la fois en sécurisant la société et en la faisant avancer : stabilité et innovation. Les valeurs culturelles traditionnelles qui soutiennent les buts actuels de la société, c'est-à-dire l'influence et la force d'inertie, sont bien souvent encouragées alors même que le futur est, pour cette société, souvent décrit comme sa direction intrinsèque. La tension entre ces valeurs maintient l’ensemble en mouvement. À n’importe quel stade du progrès dans une civilisation, les traits caractéristiques d’un tel stade sont décrits comme étant sa culture. Ainsi, ce qui est décrit comme permanent ne l’est jamais et ce qui est présenté comme temporaire est souvent une illusion du changement. En fin de compte, la voie d’une société et ses aspects culturels sont plutôt arbitraires, bien que présentés comme prédéterminés. Celui qui ne consent pas à cette construction se retrouve, pour de multiples raisons pratiques, en dehors de la réalité culturelle. Mais le rejet de la culture n’est certainement pas un rejet de l’interaction sociale. L’humain isolé n’est que rarement un être en bonne santé, socialisé et fonctionnant correctement (quelque soit le standard) : il est le produit-type d’une aliénation extrême et d’un traumatisme. Une attitude anti-sociale est souvent décrite comme telle dans le contexte d'une société donné, mais elle doit être considérée comme une déconnexion de la capacité à vivre avec les autres plutôt qu’un rejet des valeurs de cette société. On peut être assurément un être social (et si possible, on se doit de l’être) tout en essayant de démanteler cette société et ses caractéristiques sociales, en particulier si notre processus de socialisation provient de l’extérieur de la société. Quand l’interaction et les relations extirpées des méthodes civilisées aliénantes et médiatisées tendent à être plus directes, fluides et intuitives, sans les procédés dominants débiles, souvent insincères, instillés en nous, elles semblent être des clés pour de multiples alternatives positives.

Avez-vous déjà songé que dans culture il y a la racine « culte » ? Socialement, il y a une grande pression, qui peut aller de l’autoritarisme aux tensions entre « civils », pour créer un comportement moutonnier à travers toute la société. Cela pousse à l’adhésion de complices qui adoptent complètement les systèmes de croyances de la société. Ceux qui s’approchent trop des marges sont considérés et traités comme étrangers, en correspondance précisément aux définitions appliquées à une culture. De plus, la continuité modulée de la sophistication culturelle et du raffinement produits par un certain dressage intellectuel et esthétique se dessine à tous les niveaux, de la mode à la philosophie. Les détails et motivations de nos actions qui sont obtenus, enregistrés, et mémorisés à travers des perceptions très différentes et en des perspectives biaisées, acquises dans un certain contexte culturel et depuis des points de vue individuels, sont filtrés, aplanis et distillés pour créer un système de réponses prépondérantes et routinières.

Mais que penser alors des peuples primitifs et des traditions utiles ? Il faut conserver probablement autre chose de ce passé que nous avons négligemment oublié, que ce que nous avons repoussé volontairement, et apprendre particulièrement des peuples sédentaires issus de rassemblements de chasseurs, d’horticulteurs, de cultivateurs pré-technologiques et de colons (à mon avis, il y a moins à observer aux stades avancés de domestication, mais par rapport au temps présent, il y a encore un intérêt à faire une évaluation critique des systèmes de production des petits paysans et d'en conserver quelques aspects utiles). Examiner les dynamiques et méthodes de ces différents types de groupements, depuis la recherche de nourriture jusqu’à l’organisation sociale (ce qui ne veut pas dire qu’elles ne sont pas inévitablement liés) révélera l’immense diversité entre les peuples et les stratégies et schémas qui ont été développés, et qui ont typiquement, malheureusement, construit une culture. Une telle enquête peut également révéler une trame commune dans la manière dont les situations, les besoins et les problèmes sont réglés, manières que nous pouvons passer au filtre de nos désirs et contextes personnels et collectifs pour les appliquer à nos vies, sans adopter des paramètres et définitions culturels. Les techniques ont une valeur alors que les explications culturelles sont inutiles, à moins qu’elles ne révèlent un lien entre les choses pouvant être utilisé sans socialiser.

La vie contient une stabilité sous-jacente de circonstances, bien qu’en elle existe une infinité de changements, fractures et soutiens imbriqués dans le temps. Une improvisation incessante de consolidations, d’interférences, mais sans répétition. Même les parties en apparence solidement structurées sont composées de variables infinies. Nous pourrions être inspirés par la manière dont la tribu Kaluli du plateau Papoua perçoit et interagit avec le monde. Par exemple, ses membres n’entendent pas de sons isolés dans la forêt humide mais à la place, un paysage sonore étrange qu’ils nomment dulugu ganalan, ou « son qui soulève par delà », des millions de cycles sonores simultanés, commençant et s’arrêtant indépendamment les uns des autres. Les voix soutiennent et jouent de cette réalité, tout comme les tambours, les guitares, et les assemblages vocaux se mélangent en rythmes et en thèmes pour créer un vocabulaire instinctif compris par le groupe.

Alors à quoi la vie en dehors de la culture pourrait-elle ressembler ? Pour commencer, elle serait libre des cadres moraux et sociaux qui limitent notre liberté d’explorer, d’expérimenter et de socialiser. Nous serions toujours « tenus » par certaines limitations biologiques et géographiques, mais pas celles déterminées par quelque expert ou meneur que ce soit. Au contraire, nous ressentirions directement ces limitations, et tout en partageant ces expériences avec d’autres, développerions nos propres et uniques compréhensions. L’expérience collective ne tiendrait pas dans des cadres préfabriqués ni ne procéderait d’un sens unique. Elle serait l’infinie intersection de croisements et divergences qui font ce que nous appelons la vie. Plutôt que de penser en termes culturels, peut-être pouvons nous observer d’autres animaux sociaux et nous en inspirer. Les troupeaux, les hordes, les meutes peuvent être étudiés dans leurs manifestations et dynamiques de modes de vie. Instinctifs plutôt qu’intellectualisant leurs motivations et stables bien que souples d’un point de vue organique, plutôt que contraints ou corrompus par des outils mécaniques ou des prothèses. Ceci n’est-il pas plus proche de la manière dont les humains vivent ou vivaient hors de la civilisation ?

Pouvons-nous fracasser la boite de Pétri et abandonner le concept étouffant de culture au profit d’une réalité plus ouverte ? Si nous nous contentons du rôle de micro-organismes nourris par des nutriments médiatiques ou par les produits d’une telle culture, alors la vie au sein d’une culture est acceptable, même désirable et profitable. Si nous ne sommes pas satisfaits en tant que bactéries, segments de tissu, ou moisissure dans la fiole d’un test scientifique, alors nous avons besoin de revoir sérieusement comment nous nous associons, nous coordonnons, et de nous regarder nous-mêmes, chacun de nous, et le monde autour de nous. Nous pouvons remplacer l’abstraction, le symbolique, l’efficacité, le contrôle et la complétude d’une culture surimposée par une existence socialisée, directe, dynamique, ouverte et non aliénée.

C’est à nous de choisir.

A. Morefus

Texte en anglais traduit par Totof avec l'aide de Borogove et publié dans Green anarchy #24
Ecrit par libertad, à 20:39 dans la rubrique "Pour comprendre".



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