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L'En Dehors


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Folliculaires "citoyennistes"
"Le journalisme, ce n’est pas une science mais un art, c’est-à-dire un mélange de techniques et de bricolage ".Andreas Freund

La social-démocratie relookée en citoyennisme qui semble vouloir renvoyer aux poubelles de l’histoire l’idée d’émancipation sociale et d’auto-organisation se trouve visiblement peu à peu dépassée par les événements. Anarchistes, communistes libertaires, anarcho-syndicalistes et syndicalistes révolutionnaires, existent, persistent et leurs idées font leur chemin. Alors, si d’aventure, quelques " citoyens " se laissaient séduire par un autre modèle de société que celui qui consiste à " maîtriser la globalisation ", hors de question pour les petits chefs d’apparaître à la remorque des libertaires. Le prosélytisme déployé par leurs plumitifs est éloquent.

Ainsi Politis (1). Devant la nécessité de trouver un ersatz à leur projet de " régulation " du capitalisme, le label " d’autogestion " a été décerné lors du contre-sommet d’Evian au Village intergalactique (Vig) … financé en partie par l’Etat Chiraquien, la Mairie de Paris et le PCF (Mairie de Saint-Denis). Rien n’est antinomique ni impossible pour qui veut, coûte que coûte, occuper l’espace social et racoler tout esprit flottant, en supplantant les libertaires au moyen de l’habituel épouvantail " anarchiste ". L’édifiante définition  de l’autogestion donnée par un étudiant de Science-Po (participant au Vig), " l’autogestion, c’est gérer démocratiquement les ressources dont on dispose, sans forcément produire nos propres ressources "(2), ne réussit-elle pas ainsi la prouesse d’établir clairement le concept " révolutionnaire " d’auto-gestion écolo-réformiste ? Telle est bien la rhétorique consensuelle apte à séduire les amateurs de révolution " douce ", " bon enfant " et n’en doutons pas " festive ". Cette loghorrée dispense d’approfondir un sujet que les journalistes de Politis ne maîtrisent, pour l’essentiel, que du point de vue de la doxa citoyenne, révélant par là leur incapacité à faire un vrai travail de professionnel. On est bien dans le cas de la " mésinformation " telle que la définit Andreas Freund (3). Or, lorsque l’on tient compte, comme nous le rappelle cet auteur, que l’information " exerce une influence […] sur celui qui la reçoit régulièrement - une influence qui le conditionnera par accumulation, jusqu’à modifier ses idées et son comportement avec elles "(4), on pourrait être étonné par la façon dont le " reportage " de ces deux journalistes est mené : après avoir consacré l’essentiel de leur article à l’éloge du Vig, ils nous apprennent enfin qu’il existe un autre lieu de rassemblement : le " village anticapitaliste, alternatif et antiguerre " (Vaaag) animé par " les radicaux ". Ce mot piégé, fourre-tout, à la connotation politicienne, contribue à la " mésinformation " d’une manière très pernicieuse, en véhiculant l’idée contradictoire d’un vague conformisme liée à celle d’un regrettable extrémisme marqué cependant comme obsolète. Ces soi-disant " radicaux " réunissaient libertaires, communistes libertaires, anarchistes, anarchosyndicalistes et syndicalistes révolutionnaires. Mais, les deux contempteurs le concèdent tout de même, ces militants seraient " "tout aussi" préoccupés par l’actualité " et au Vaaag, " "là aussi" ,  les expériences sont alternatives et autogestionnaires ". C’est le monde à l’envers, mais qu’on se rassure : au Vig, " "au-delà" des  préoccupations autogestionnaires, les jeunes militants sont aussi "ancrés dans la réalité". Les retraites, la réforme de l’Education nationale sont les sujets de débats des ateliers " (5). L’autogestion ne serait au fond rien de plus qu’une " préoccupation " relevant des tourments de l’âme ou de l’utopie. En réalité, il s’agit bien plutôt de récupérer le concept en vogue parmi les militants du PSU et de la CFDT dans les années 60, slogan forgé par les " nouvelles couches moyennes intellectuelles et techniciennes " pour revendiquer leur participation à la gestion de la société bourgeoise.

Pour l’Humanité (6) également, le Vig est " autogéré " et a pour " voisins " les " libertaires du Vaaag ". Ce qui est nouveau, par rapport au contre-sommet de Gênes, où tous se qualifiaient " d’anti-mondialistes " (aussitôt assimilés par " les médias bien pensants" à des " groupuscules ultra "), est que les villages du contre-sommet d’Evian n’unissaient que des " altermondialistes " en " rupture avec la mondialisation capitaliste mais "participant" au premier chef à l’élaboration de solutions alternatives à ces politiques néo-libérales ".

Dans cet écart d’anti- à alter - a donc fleuri comme par enchantement la raison. D’amalgame en oxymore, d’utopie en voisinage, de " rupture participative " en " révolution réformiste ", le brouillage topologique est réussi : qui est qui, qui pense quoi et propose quoi dans ce salmigondis - on n’en saura pas davantage sinon que " paillettes sur la joue, assorties au vernis bleu de sa main droite, un militant de "l’écologie radicale et de l’anarchie" sic) trouve que […] l’alternative, c’est d’arrêter de travailler ", (Politis, 05/06/03) .

Toutefois, l’unanimité de la presse progressiste " de gauche " semble se faire sur un point : " les anarchistes privilégient l’action. Ainsi, Politis rapporte " "qu’un copain du Vaaag" vient lui aussi faire une annonce à l’AG : "Il y a une réunion du PS à Annemasse […] On organise une action et on y va maintenant" " (7) Aussi surprenant que cela puisse paraître, c’est le Monde qui se fera l’écho d’un véritable couac entre Vig et Vaaag : lors de l’assemblée générale de la préparation de la manifestation du 1er juin, en présence de Christophe Aguiton et de Bernard Cassen " une centaine de jeunes militants du mouvement No Border envahit la salle " et, " renforcée sans cesse par de nouveaux arrivants " poursuivra Bernard Cassen " dans les couloirs aux cris de "Chirac, Attac, même combat, Attac partout, Action nulle part" " (8).

Pour Libération, le Vaaag est un repaire " "arpenté" par les tenants de l’anarchisme pur. Ou nourri de marxisme revu et corrigé par les libertaires "(9). Au Vig, les " enfants du zappatisme et du sous-commandant Marcos " (sic), les écolo-warriors, les Tutte bianche, le MIB, Greenpeace, le G10, la LCR et d’autres encore. Mais, si le Vaaag n’accepte toujours pas " qu’un débat soit pollué par les politiques " (ainsi la venue de Voynet à un débat du Vig), il ne faut plus y voir " les archéos, les méchants, les radicaux qui flirteraient avec l’action directe parfois violente ". Hélas, parmi les " anarcho-arpenteurs " du Vaaag, " quelques militants de la CNT (syndicat anarchiste), remontés comme des coucous suisses, ont grillé la priorité à la tête du cortège "… ce qui est, là encore, pure désinformation, puisqu’il était entendu que le groupe des grévistes de l’Education prennent la tête de la manifestation, et que c’est à ce titre que la CNT est venue imposer le collectif Réseau des Bahuts en tête du cortège. Mais, pire, les " éléments autonomes " coupables d’avoir inondé le service d’ordre du PS " d’urine et d’excréments " avaient " fomenté  la veille " cette " opération kamikaze " au Vaaag (10).

Au Vig  la pensée, responsable, adulte, d’initiatives " autogérée " - au Vaaag  l’action " vague ", erratique.

Mais ne désespérons pas, on nous aime, tout " emmerdeurs " que nous soyons, " zélateurs de la violence symbolique ", " trouble-fête qui perturbons les rassemblements responsables " et " effrayons les honnêtes citoyens ", Bernard Langlois ne peut se " défendre " d’éprouver pour nous " une certaine tendresse "… car " le monde est tellement dégueulasse "(11). N’est-ce pas.

Dès qu’il s’agit d’imposer comme légitimes leurs représentations du monde social et d’améliorer la position de leur groupe d’appartenance, la presse " de gauche " progressiste (12), du Diplo à Politis en passant par Charlie Hebdo (entreprises commerciales par ailleurs) se comporte comme les médias dominants. L’information devient propagandiste voire parfois mensongère. Un bref retour en arrière sur les événements de Gênes (juillet 2001) révélait déjà de manière exemplaire l’intérêt des agents en présence (porte-parole légitimes, intellectuels, journalistes, etc.) : considérant les anarchistes comme "manifestants  illégitimes ", c’est sans aucune analyse ou information objective que ces journaux glosaient sur les pratiques et l’idéologie libertaires. Pour Politis, " les cagoules ", n’avaient pas la moindre légitimité : " on n’ose pas imaginer de quelle société ils peuvent rêver ! " On pouvait lire, en revanche, que les organisations citoyenne du Genoa social forum (dont Attac est membre) avaient " elles, une vraie élaboration démocratique " : " humaniser le capitalisme " (sic). Les propositions politiques concrètes anarchistes et syndicalistes révolutionnaires que défendent d’ailleurs aussi les Black Blokcs  (autonomie ouvrière, lutte des classes, refus de la délégation, auto-détermination des fins et auto-organisation des moyens, autogestion, refus du capitalisme, de l’argent, des Etats, du patriarcat, du sexisme, etc.), étaient et restent une hérésie pour la " petite bourgeoisie intellectuelle " qui souhaite réformer et non pas abolir le capitalisme. Loin d’elle l’idée d’une société fondée sur le principe d’une démocratie directe consistant en une réelle élaboration collective des décisions qui verrait, hic et nunc, la disparition de sa classe avec son cortège de privilèges (13). La structure d’Attac, verrouillée et hiérarchique, exprime fort bien l’idée de démocratie " directe " que prônent ses responsables. Le collège des fondateurs est composé à 85 % par des organisations et pèse pour 60 % des voix au conseil d’administration. Pour y rentrer, une personne doit être cooptée et élue par les 2/3 des fondateurs (14). Par ailleurs, l’opuscule publié par l’association en janvier 2002 brille par son absence de références au social (chômeurs, sans-papiers, etc.) et aux lois sécuritaires (15). La proximité entre Bernard Cassen, l’ancien président d’Attac aujourd’hui responsable des relations internationales, et Jean-Pierre Chevènement, dont on se souvient des lois sur l’immigration et la sécurité, est connue. Les types d’économies solidaires ou autres " alternatives " qu’Attac propose  - coopératives agricoles, mutuelles, commerce équitable, etc. - ne remettent pas en question l’économie de marché. Selon ce projet, s’opposeraient deux formes de croissance : une mauvaise et une bonne (16). Or, dans la mesure où le terme de " croissance " ne désigne en réalité rien d’autre que l’accumulation, on conviendra qu’il ne saurait exister de " bonne " accumulation. Enfin, Attac, qui se réclame de " l’Education populaire " ne s’adresse pas pour autant au peuple et encore moins aux gueux. Pour participer à son université d’été, il est nécessaire de débourser 300 euros, si vous n’êtes pas membre de l’association, outre l’hébergement et le voyage. Qui plus est, pour saisir le jargon de ses penseurs, il est préférable d’être doté d’un certain capital culturel. Il n’est d’ailleurs pas surprenant que la plupart des adhérents d’Attac soient des cadres, des étudiants, des enseignants. Lors d’un débat à l’Auditorium des Halles (Hiver 2000-2001), Ignacio Ramonet donnait pour réponse à une personne qui avait le courage de lui avouer ne pas toujours comprendre les infos du Diplo que l’équipe faisait déjà beaucoup d’efforts pour rendre accessible leur publication au plus grand nombre, mais qu’il ne pouvait décemment pas adopter " un niveau de sixième ". Difficile de trouver meilleure pédagogie ! Pierre Bourdieu, leur tête pensante et " chef de file " (17), ne disait-il pas pourtant qu’il revenait aux " dominants " de réduire la distance qui les sépare des " dominés " ? Pour autant, le même Bourdieu traitait de " cons " les jeunes du Val Fourré (Mantes) qui ne voulaient pas lire Abdel Malek Sayad. Pour les chantres de la sage voie réformiste, qui n’aboutira jamais, dans le meilleur des cas, qu’au capitalisme d’Etat, mettre en œuvre - et surtout en partage - les principes dont ils se réclament est sans doute tâche difficile. L’égalité républicaine a ses limites : " elle s’arrête là où commence l’élitisme néo-petit-bourgeois " (18). Bakounine, qui, lui, considérait " comme un enseignement mutuel et fraternel " l’éducation des masses populaires et dont l’objectif était de " former des hommes libres ", était un des orateurs révolutionnaires les plus écoutés de son époque par le peuple.

Nous en sommes bien loin. Gardons présent à l’esprit que les médias partie prenante de la fondation d’Attac sont ceux-là mêmes qui traitent et diffusent les " informations " qui nous concernent et que le jour où ils se constitueront en représentants légitimes, voire légitimement élus, de la " bonne dominance " n’est peut-être pas loin.

Anne Vernet 

Valérie Minerve Marin

1 Politis, 5 juin 2003.

2 Politis, ibid.

3 " La "mésinformation" couvre un domaine plus large que la "désinformation" […] car elle inclut également l’induction en erreur involontaire, innocente et conditionnée de loin, laquelle explique, sans nécessairement l’excuser, une bonne partie de ce qui dysfonctionne dans l’information médiatique ", in Andreas Freund, Journalisme et mésinformation, la Pensée sauvage, 1991.

4 Ibid, p.52.

5 Politis, op. cit.

6 Humanité hebdo , 31 mai - 1er juin 2003.

7 Politis, op. cit.

8 Le Monde, Lundi 2 juin 2003, p. 4.

9 Libération, 31 mai -1er juin 2003 p. 8.

10 Libération, 2 juin 2003, p. 6.

11 Politis, op. cit.

12 Rappelons que le Monde Diplomatique, Politis et Charlie Hebdo entre autres, sont membres fondateurs d’Attac.

13 Plusieurs journalistes du Diplo, de Charlie Hebdo cumulent ou ont cumulé deux emplois et donc deux salaires. Bernard Cassen s’étonne que les chômeurs ne soient pas encore adhérents de son association. Les raisons de cette réticence sont pourtant faciles à démontrer.

14 Lire également à ce propos Courant alternatif, hors-série n°9, 2e trimestre 2003.

15 Rappel : les 144 parlementaires d’Attac ont voté sans broncher la loi sécurité au quotidien (LSQ).

16 A la différence de Bakounine, pour qui, une véritable réforme économique avait pour but de délivrer les travailleurs " du joug du capital et des propriétaires ".

17 Patrick Champagne cité par Libération, 6 juin 2003.

18 JP Garnier, L Janover, Je réécris ton nom Révolution, Paris-Méditérannée, coll. " Les Pieds dans le plat ", à paraître.

Ecrit par libertad, à 11:23 dans la rubrique "Pour comprendre".



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