Lu sur
la révolution du désir :
"La révolution du désir est une exploration de la nébuleuse qui a donné vie aux mouvements de libération sexuelle en France et une interrogation sur le passage de la révolte à la normalisation des homos. Au travers des actions de commandos délirants et d’essais aux titres évocateurs (Le rapport contre la normalité, Trois milliards de pervers), s’esquissent les portraits de Guy Hocquenghem et de Françoise d’Eaubonne, intellectuels étonnants et partisans inconditionnels de la révolution du désir.
On y retrouve le philosophe René Schérer, Catherine Deudon, photographe du MLF, Carole Roussopoulos, cinéaste militante, Joani Hocquenghem, frère de Guy, Marie-Jo Bonnet, historienne, les Panthères Roses et d’autres intervenants.
LE POINT DE DEPART
Les deux auteurs de ce film ont été captivés par l’aventure humaine et intellectuelle représentée par le FHAR (Front Homosexuel d’Action Révolutionnaire), ce mouvement décisif dans l’histoire des homosexuels français et européens.
C’est en 1971 que les homos parisiens descendent dans la rue pour la première fois, osant ainsi prendre part, à visage découvert, à une manifestation publique. Les slogans : « Notre corps est politique ! », « Famille = pollution », « Prolétaires de tous les pays, caressez-vous ! ». En quelques années, on oublie les vieux refrains, du genre « pour vivre heureux, vivons cachés », et avec une grande liberté le mouvement du FHAR rend visibles les homosexuel/les en France.Le film se concentre sur la lutte croisée des homos et des féministes, qui venaient elles aussi de faire leur coming-out avec le naissant MLF (Mouvement de Libération des Femmes). Dans leurs discours politiques, les femmes et les homosexuels se retrouvaient sur un terrain commun, la libre disposition du corps, et luttaient ensemble contre l’archaïque système patriarcal, qui les opprimait.
LE FHAR ?
Le FHAR fut principalement créé par des lesbiennes. Mal à l’aise dans un MLF centré sur des problématiques hétéro, elles cherchent un nouvel espace d’expression. Elles commencent alors à se réunir séparément et se font accueillir par le groupe homophile, mais légèrement misogyne, d’Arcadie.
Le moment déclencheur de la naissance du FHAR est représenté par le boycottage de l’émission de Ménie Grégoire sur RTL, en direct de la Salle Pleyel, le 10 mars 1971. Intitulée L’homosexualité, ce douloureux problème, l’émission vire très vite à la digression homophobe décomplexée, ce qui pousse les lesbiennes et les quelques homos présents, à se révolter et à attaquer la célèbre présentatrice, qui se voit obligée à prendre la fuite.
Suite au succès de cette action et à son écho médiatique, le groupe féminin qui s’était constitué est rapidement élargi par l’arrivée de nombreux homosexuels, ce qui va petit à petit donner de l’ampleur au mouvement et permettre pour la première fois un changement radical de la vision du « douloureux problème » par la société. Soudain, on pouvait être pédé et gauchiste, tout en accusant la pensée unique bourgeoise des « hétéro-flics ».
Le MLF et le FHAR naissent des cendres de Mai 68, tout en se révoltant contre ce mouvement machiste qui avait refusé les amalgames avec des instances de libération sexuelle. Il a fallu trois ans aux membres du FHAR pour retrouver l’esprit qui les avait animés sur les barricades du Quartier Latin ou dans la cour de la Sorbonne. Des militants plus jeunes, des intellectuels, des écrivains et des anarchistes rejoignent le mouvement. On y croise Daniel Guérin, Jean-Louis Bory et Françoise d’Eaubonne, qui organise les premières réunions.
Guy Hocquenghem rejoint le groupe en cours de route et en devient assez vite une figure emblématique, par la rigueur de sa pensée et par la cohérence de ses théories révolutionnaires. Le FHAR exprime une philosophie en rupture déclarée contre la société bien-pensante de l’époque : la sexualité homo, centrée sur l’anus, peut détruire les schémas freudiens simplistes et castrateurs. La différence des homosexuels va être revendiquée et va devenir un model alternatif au couple hétéro et aux divisions de genre imposées par la famille procréatrice.
La pensée du FHAR demeure aujourd’hui révolutionnaire et garde intact son esprit provocateur. Toute une partie des réflexions développées en ces années-là, ont été trop vite oubliées. La tendance normalisante du mouvement gay et le bouleversement causé par le fléau du Sida ont beaucoup contribué à cela.
Au travers des extraits d’archives vidéo de l’époque, des journaux du FHAR (L’antinorm, Le fléau social, Sexpol) ou de ses essais (Le Rapport contre la normalité, Trois milliards de pervers), on découvre la face cachée d’une révolution culturelle explosive qui a déchiré les clichés sexuels de toute une génération. Un nouveau langage a vu le jour (« phallocrate », « cellule familiale »), toutes les mœurs secrètes ou refoulées pendant des siècles, sont devenues sujets de débats philosophiques et d’analyses sociales : la prostitution masculine, les lieux de drague, le sexe en plein air, les orgies et l’amour avec des arabes ou avec des jeunes éphèbes. Les salles des Beaux-arts, où les militant/es se retrouvaient tous les jeudis soir, deviennent très vite un lieu de séduction et de consommation sexuelle immédiate, un lieu de libération.
La conséquence est que aussi vite les revendications et les priorités politiques changent. Au fil du temps, les lesbiennes du FHAR se rendent compte que leur parole est limitée et que les combats divergent : au-delà de la base commune de l’acceptation sociale de l’homosexualité, elles luttent contre les oppressions qu’elles subissent même en tant que femmes, alors que les garçons se concentrent sur une liberté sexuelle, déculpabilisée et revendiquée. La séparation semble inévitable et le FHAR s’éteindra à petits feux.
« Le FHAR a été un feu follet », affirme un des intervenants du documentaire. Malgré ce constat, ce mouvement anarco-libertaire a déclenché au tout début des années 1970 une véritable révolution des mœurs et un incontestable changement d’horizon politique des homos français.
LES INTERVENANT/ES
La révolution du désir recueille donc des témoignages inédits de protagonistes des mouvements de libération homosexuelle en France :
• René Schérer, philosophe et professeur émérite à l’Université Paris VIII, confie pour la première fois ses mémoires et partage avec nous ses souvenirs de l’existence courte mais intense de son disciple, Guy Hocquenghem. Joani Hocquenghem, son frère, nous permet de découvrir les côtés les plus intimes de cet écrivain dont les œuvres, étudiées aux Etats-Unis dans le cadre de la Queer theory et des Gays studies, demeurent un peu oubliées en France. La cause de cet oubli remonte peut-être à sa Lettre ouverte à ceux qui sont passé du col mao au Rotary (1986), pamphlet où il osait critiquer l’intelligentsia parisienne des années Mitterrand. Anne Querrien, une des proches de Guy Hocquenghem, et Roland Surzur, son dernier petit ami, nous aident à esquisser le portrait de ce personnage-clef et à remettre en perspective ses écrits.
• Carole Roussopoulos, réalisatrice de films militants (FHAR 1971, dont les extraits ponctuent les propos des interviewé/es) et Anne-Marie Faure, cinéaste féministe, explorent avec nous la naissance de la vidéo, instrument qui a accompagné leurs luttes et a contribué à leur émancipation personnelle. Catherine Deudon nous explique à quel point son engagement féministe allait de pair avec sa passion pour la photo.
• Les moments marquants de la vie de Françoise d’Eaubonne, écrivaine récemment disparue, sont esquissés avec tendresse et nostalgie par ses proches, notamment Alain Lezongar, Marc et Magali Payen. Son humour reste vif dans l’évocation du célèbre commando saucisson ou dans les sourires de Marie-Jo Bonnet, historienne, ou d’Angelo Pezzana, un des fondateurs du mouvement gay italien, qui se souviennent de son engagement lors du sabotage du congrès de psychiatrie à Sanremo, en 1972. Un des amis de Françoise d’Eaubonne, André Piana, nous rappelle le rôle qu’elle a joué dans le combat féministe et dans celui des homos.
Le film poursuit sa recherche historique tout en se promenant régulièrement dans l’actualité et en cherchant une trace de cette rébellion dans un des jeunes groupes qui poursuivent ces luttes, les Panthères Roses. Leurs revendications transpédégouines contre l’ordre moral nous permettent de comprendre comment le message révolutionnaire de Guy Hocquenghem peut trouver un écho aujourd’hui dans les luttes altermondialistes et dans l’exploration des politiques du désir, au-delà du retour unilatéral à la conjugalité. Le but : faire sortir l’homosexualité de l’image patinée et marketing telle qu’elle est perçue dans la société et relayée par les médias.
Le film, présenté en avant-première lors du dernier Festival des films gays et lesbiens de Paris, a reçu un accueil très chaleureux. Le public, nombreux, tous âges confondus, a participé au débat très animé qui a suivi la séance.
LA PRODUCTION
Créée par trois auteures, Hystérie Prod est une société indépendante de production de films, dont la vocation première est de révéler et d'accompagner de nouveaux talents, de promouvoir un cinéma engagé à travers des courts-métrages, des longs métrages et des documentaires.
La révolution du désir est un film historiquement très intéressant car il raconte une histoire marquante qui a eu une grande importance sur l’évolution des mentalités par rapport à l’homosexualité, mais également sur l’avancée des droits de la communauté homosexuelle. Mais qui aujourd’hui connaît le FHAR ? Peu racontée, mal connue, encore taboue, l’histoire des homosexuel/les reste malgré tout encore assez cachée. L’histoire a une importance énorme pour le mouvement lui-même, qui est toujours « en construction » et qui doit, pour avancer, connaître et analyser sa propre histoire.
Ce film, qui constitue un témoignage important de l’histoire française contemporaine et qui recherche l’écho de ces batailles dans la société actuelle, peut intéresser tout un chacun.
à l'occasion de la sortie nationale du DVD LA REVOLUTION DU DESIR "1970 : la libération homosexuelle"
de Alessandro Avellis et Gabriele Ferluga
(France - 2007 -52 min.)
en présence des réalisateurs et des intervenant/es du film
le VENDREDI 29 JUIN À 20h30
Cinéma Le Brady
39, bd de Strasbourg Paris 10è - Métro Château d'Eau
Tarif: 6€50 & Tarif adhérent: 5€40