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Après de nombreuses années de clandestinité du fait de la répression des gouvernements (dictatoriaux ou « démocratiques ») ces pratiques sont réapparus au grand jour durant ce que l’Histoire retient aujourd’hui comme la deuxième décade infâme (1) : les dix ans de présidence de l’administration de Carlos Saul Menem. La violence des restructurations et des privatisations de cette période (qui fit passer, à titre d’exemple, le nombre de salariés de l’entreprise nationale pétrolifère YPF de 52000 salariés à 6000) obligea les récents travailleurs licenciés et donc, désoccupés (2) à re-trouver et adapter à leurs circonstances des modes d’organisation qui n’ont jamais été perdues par le peuple argentin. Dès 1995 donc, apparaissent sur la scène sociale du pays les premières coupures de routes (los cortes) organisées par le proto-mouvement piquetero. Organisés par quartiers et regroupant de quelques dizaines à quelques dizaines de milliers de militants, les MTD (parfois nommés UTD ou CDT) jouèrent un rôle primordial, notamment dans la re-légitimation de la résistance (y compris violente) à la terreur économique d’Etat. Ce « processus d’accumulation de force » connaîtra son point d’orgue durant les journées du 19 et 20 décembre 2001, alors que le président social-démocrate de l’époque, Fernando de la Rúa, souhaitait mettre en place l’état de siège. Deux jours de mobilisation populaire et d’émeutes contraindront ce pouvoir à démissionner. Six mois de mobilisations populaires et d’émeutes se terminant en juin 2002 par l'assassinat pur et simple des militants piqueteros Darío Santillán et Maximiliano Kosteki (de la CTD Aníbal Verón) forceront le caudillo péroniste Eduardo Duhalde ayant succédé à de la Rúa à organiser des élections que gagnera par défaut Nestor Kirchner (avec 22% des votes).
Se découvrant bon stratège et (plutôt) fin politique, Kirchner su louvoyer afin de se gagner la confiance de gros mouvement piqueteros tels la FTV de Luis d’Elia, faisant désormais passer en arrière plan ces mouvements.
Pour autant, tous les MTD ne sont pas inféodés au pouvoir et c'est ce que s’attache à démontrer le documentaire Desde Abajo.
Il est
question ici de la FOB (pour Fédération d’organisations de base), le
seul groupe revendiquant un fonctionnement fédératif comme principe
organisationnel et regroupant au moins sept mouvements chacun présents
dans plusieurs quartiers des villes de Buenos Aires et Rosario ainsi
qu'un centre social dans la capitale (justement nommé Desde Abajo),
impulsé par l’ex collectif Desalambrando.
En 45 minutes bien tassés
et extrêmement didactiques, Desde Abajo nous montre la vitalité de trois
des MTD fédérés au sein de la FOB : le Front d’unité populaire de
Berezategui (banlieue sud de Buenos Aires), Lutte et Liberté de Villa
Lugano (Buenos Aires) et Oscar Barrios de José C Paz (banlieue Ouest de
Buenos Aires). Nombre de leurs activités sont passées en revues :
- merenderos (cantines/goûters pour les enfants),
pizzeria ou boulangerie,
- ateliers de sérigraphie et projets de
petit artisanat,
- auto-construction,
- projets de bibliothèques
ou de radio communautaire inspirée de la Radio Insurgente zapatiste,
- ateliers
d’éducation populaire traitant de la prévention sexuelle ou de
l’histoire sociale et du mouvement anarchiste argentin (notamment,
l’histoire de la Patagonie rebelle dont on peut voir un extrait du film
d’Héctor Olivera datant de 1974 et que les locuteurs espagnols peuvent
voir à cette adresse : http://www.elortiba.org/patag.html (3).
Donnant la parole aux acteurs et actrices des divers MTD, Desde Abajo établit un panorama roboratif et à la valeur démonstrative exceptionnelle pour les futurs habitants de la « tierce-Europe » que nous sommes et dont nous ne pouvons que nous inspirer en ces heures on ne peut plus tendues de notre histoire afin d’aller de l’avant vers un futur noir et rouge, autonome « de l’Etat, de tous partis et de toute religion » ainsi que le dit Carla, membre du MTD Lucha y Libertad dans le film.
Car, et je conclurai là-dessus, l’une des grandes qualités de ce documentaire et de remettre les points sur les « i » d’un mouvement qui devrait plutôt se rebaptiser « piqueterA » du fait de la surreprésentation des femmes en son sein.
Notes:
1-
en référence à une première période dictatoriale de répression et de
corruption tous azimuts allant de 1930 et 1943.
2- le terme «
chômeur » (parado en castillan) n’est pas utilisé par les mouvements
argentins qui préfèrent maintenir le lien symbolique et pratique des «
travailleurs et travailleuses désoccupé-e-s » avec le monde du travail.
3-
qu’il faudrait d’ailleurs un jour se décider à sous-titrer en français.
Guillaume de Gracia.
Pour des informations sur la FOB consulter (en espagnol) : http://www.fob.org.ar, (presque tous les groupes de la FOB ont un blog qui sera bientôt consultable depuis le site de la FOB). pour l'ex collectif Desalambrando (toujours en espagnol) il existe encore une page un peu délaissée cela dit : http://desalambrando.org.ar et pour les francophones, consulter : http://amerikenlutte.free.fr/.
* Documentaire de 45 minutes.
Production
et réalisation de David S. et Fabrice G. 2009
Le film sera bientôt téléchargeable gratuitement (copyleft).