L'En Dehors

J'attendais le nouveau numéro du Monde Libertaire en me demandant si l'on y lirait quelque chose sur Ba Jin. Je n'ai rien vu. Mais il était peut-être trop tard pour cette édition, on verra la semaine prochaine. Parce que Ba Jin quand même...je crois bien qu'il mérite quelques lignes...vous ne pensez pas ?

Et puis tout à coup je me suis laissé tenter par les plaisirs des moteurs de recherche, le Monde Libertaire est en ligne et son moteur de recherche est rapide.

J'ai tapé Ba Jin, Pa Kin, essayé en collant les syllabes, rien. Rien sur Ba Jin ? Jamais ? Bon, soit, certains pourraient aller jusqu'à penser qu\'encore la semaine dernière Ba Jin était peut-être le plus grand, ou du moins un des plus grands - plus grand ça ne sonne pas très anarchiste mais ça fera l'affaire ici - des anarchistes vivants, en plus d'être le plus grand écrivain chinois, mais peut-être cette opinion n'était pas partagée de tous.

J'ai mis Ba Jin de coté et je suis alors parti à l'exploration du monde graçe au moteur de recherche de notre ML. J'ai tapé "Chine". J\'ai compté moins d'un article par an environ, encore que si les archives et leur moteur couvrent toutes les années mentionnées la réalité semble plutôt être du coté d'une dizaine d\'articles en 30 ans.

Je me suis dit alors au diable Ba Jin et la Chine, allons visiter d'autres pays. J'ai voulu rester en Asie, de si gros pays, 50% de la population du monde, pour sur que le ML n'était pas passé à coté de ça ! Sur le Japon j'ai compté un article tous les cinq ans. C'était peu, mais déjà beaucoup plus que pour l'Inde, petit pays coincé entre le Pakistan et le Sri Lanka, qui d’après ma rech
erche, compte à son actif un nombre impressionnant de 0 articles, à égalité avec les Philippines, la Thaïlande, le Cambodge, et quelques autres. L'Indonésie ça va, deux articles en 30 ans, c'est déjà pas mal pour un pays qui n'est en fait qu'une mosaïque de petites îles disséminées.

J'ai alors compris que c'était moi qui faisait fausse route, et que le Monde Libertaire était un journal qui tout naturellement tendait d'abord à s'occuper de ce qui passe près de chez lui, c'est-à-dire en France. Hélas, le moteur de recherche me mis à nouveau le nez dans mes erreurs, en effet le ML ne parle pas que de la France, non, mais l'horizon géographique couvert par ses colonnes semble se restreindre pour l'essentiel à l'Occident, avec quelques rares percées du coté de l'Amérique Latine plus quelques incursions du coté d'anciennes colonies françaises, en Afrique principalement. Si par international on entend Italie ou Espagne, Autriche ou Etats-Unis, alors effectivement on peut dire que le ML parle du monde.

Beaucoup de libertaires savent qu'un certain occidentalo-centrisme n'est pas absent des rangs anarchistes. Certes c'est probablement involontaire, on tend souvent à parler de ce que l'on connait le mieux, de ce qui est le plus proche, de ce dont on a l'habitude de parler, néanmoins il faudrait peut-être songer, puisque nous sommes désormais, nous dit-on, dans un village planétaire, et que par ailleurs un certain nombre de véhicules de l\'information font un effort certain vers l\'international, à corriger progressivement le tir.

Il ne s'agit pas ici de porter un jugement négatif sur la valeur des articles qui sont publiés dans le ML, mais simplement d'exprimer le souhait que cet hebdomadaire ouvre un peu plus ses colonnes à l'ailleurs. Et puis ce repli sur l'Occident, qui je le répète est, en tout cas je l'espère, probablement involontaire, ne donne pas une image très fidèle de l'anarchisme, de sa capacité à comprendre et penser le monde.

Il est possible aussi, c'est une hypothèse comme une autre, que cet occidentalo-centrisme apparent soit du en partie à une sorte d'anarco-centrisme, à une difficulté à aborder ce qui ne semble pas porter de traces anarchistes apparentes, rapidement identifiables, et donc d'une certaine façon sécurisantes.

Pour être juste, il faudrait peut-être ajouter que ces remarques pourraient en fait s'adresser à d'autres titres anarchistes que le ML, et pas seulement des titres francophones. Mais on ne saurait déroger à la règle qui veut que dès qu'il s'agit de critiquer la presse anarchiste c'est toujours le ML qui prend en premier. C'est la rançon de la gloire.

Yayoi