Cours camarade ! Le travail est devant toi.
Il est toujours amusant lorsque l'on reçoit sa dose quotidienne de propagande sur les vertus des idéologies - autant les appeler comme ça - qui régissent nos vies, de consulter la table des repères chronologiques pour apprécier la modernité tant vantée des dogmes. Mais au rayon des vieilleries, il en est une qui, elle aussi, ne s'y trouve toujours pas et dont on peut être certains que le mont-de-piété ne nous en donnerait pas cher : le travail. Qu'il ne faille pas dépasser la dose prescrite est une chose qui commence à se savoir, en revanche rares sont ceux qui prêtent attention à la date limite étiquetée sur le produit alors que pourtant les dégâts qu'il provoque sur la santé des gens augmentent dramatiquement lorsque cette date est dépassée. Les anti-CPE veulent du travail, c'est bien ça ?
Cours camarade ! Le travail est devant toi.
Certes l'ambition de la jeunesse française a de quoi réjouir, elle est prête à affronter jusqu'aux ateliers-prisons chinois, rien ne l'effraie, aucun obstacle ne saurait l'arrêter dans sa quête de travail. On dit que les paysans sont têtus, si c'est vrai alors les jeunes urbains le sont au moins autant. Dans l'arène libérale, les gladiateurs combattent avec une determination qui ne cesse de surprendre, il faut dire que devant un public aussi enthousiaste on a toujours envie de se surpasser, d'autant plus que le public est connaisseur car contrairement à un Zidane qui joue devant des footballeurs en charentaises plantés devant leurs postes, le gladiateur en quête de travail exhibe ses talents devant des professionnels, certains à la retraite, la plupart en activité.
Les experts disent que bien souvent les auteurs de certains crimes ont été eux-mêmes victimes dans leur enfance de méfaits similaires, cela doit être vrai, sans nul doute. Mais puisque les temps encouragent chacun à se faire procureur, alors cédons à la tentation et disons sans hésiter : plus de circonstances attenantes pour les amis du travail !
Ceux qui n'aiment pas les prisons, et qui n'aiment pas non plus les travaux forcés - fussent-ils d'intérêt général - demanderont probablement quelles sont les sanctions les mieux appropriées aux reconnus coupables du crime
d'apologie du travail. Sévères mais indulgents, cédons à la facilité chrétienne : que les criminels se repentent !
Dans des sociétés ou l'individu est sommé de se repentir à chaque coin de rue, ou accablés de fautes les pénitents circulent entre les temples - religieux ou athées - et les ANPE, on pourrait croire qu'il sera facile d'ajouter au fardeau un pêché supplémentaire, hélas il n'en sera rien, les avocats sont nombreux, le procès vient tout juste de commencer et il va durer longtemps.
Les accusés vont être nombreux dans le box, mais en attendant de lire les chroniques judiciaires que les jeunes sachent une chose : nous ferons tout pour qu'ils ne soient pas un jour accusés à leur tour, c'est ce qu'on appelle la prévention.
Des faits, des chiffres, des études, réclame la foule. C'est bon signe, la faute s'installe, elle gagne du terrain. C'est pour cette raison aussi que ces jeunes anti-CPE qui réclament du travail ne peuvent que nous remplir d'espoirs, s'ils ne sont pas encore Spartacus cela ne tient plus qu'à des statistiques, et il faudra d'ailleurs leur en donner, avis aux amateurs ; lorsque la foi ne repose plus que sur des graphes, on sait déjà que l'athéisme n'est plus loin. Et les clergés s'inquiètent, oh ça oui!
Rokakpuos