Le procès des trois inculpé-e-s s'est déroulé hier à Evry, devant la 10è chambre correctionnelle. Nous vous enverrons bientôt des comptes rendus détaillés d'audience, mais voici un bref résumé. (très bref, car l'audience, après 7 heures d'attente dura 3h30, de 20h30 à minuit)
160 personnes y ont assisté après avoir assisté aux procès de comparution qui ont précédé.
Notons que le proviseur qui avait porté plainte n'était pas là, comme il n'était pas lors de la première audience du 16 décembre, alors qu'il avait insisté le 18 novembre en comparution immédiate en tonnant haut et fort : "Je serai là!"
Désavoué par le rectorat qui n'a pas souhaité le soutenir et lui payer un avocat, il ne s'est même pas fait représenter par un conseil. L'accusation, dans ce contexte était seulement représentée par le procureur de la République. Ainsi, la demande d'indemnités de 20 000 euros du proviseur est rendue nulle et non avenante, car selon la loi, pour demander des dommages et intérêts ou réparations, il faut au moins se déplacer au tribunal (Sans oublier que la preuve d'achat donné par le proviseur consistait seulement en un devis avec la mention "bon pour essai" et non une facture, ce qui ne permettait pas de justifier de l'achat réel de la machine par le lycée)
ACTE 1 :
Le tribunal a beaucoup insisté sur les détails de la journée du 17 novembre, lors de laquelle 2 bornes biométriques avaient été détruites à la cantine du lycée de Gif-sur-Yvette.
Les juges ont cherché, en vain, les traces d'un groupuscule qui aurait préparé de manière précise cette action.
On les sentait en position de défense, coupant court à toute volonté d'expression des inculpé-e-s au sujet de la biométrie.
La juge principale a tenté de comprendre l'allusion au terme de "sabotage" présent dans le tract distribué ce jour-là, mais les inculpé-e-s ont pris le parti d'expliquer que leur venue n'étant pas focalisée sur ce point, cette question ne les avait pas entravé-e-s dans leur volonté de venir jouer une saynète et d'informer les élèves au sujet de la biométrie.
Les trois inculpé-e-s ont bien expliqué en quoi la responsabilité de la destruction directe ne pouvait leur être imputée, mais à quel point chacun-e restait fortement solidaire envers la destruction.
ACTE 2 :
L'unique témoin des faits, témoin de l'accusation convoqué par la défense, a créé un réel coup de théâtre dans la salle en venant disculper l'un des trois inculpé-e-s, celui qui risquait le plus dans cette affaire en raison de la déposition que ce témoin avait faite en gendarmerie le jour des faits. S'il avait été formel en accusant le prévenu lors de sa déposition, il se trouve qu'entre temps, après discussions auprès de ces collègues, il s'est rendu compte de son erreur et il a déclaré formellement devant le tribunal l'innocence de la personne incriminée. Ce témoin est donc venu rétablir la vérité, en courant le risque de répercussions de sa hiérarchie sur son emploi. De plus, il a courageusement tenu tête au procureur, descendu de son perchoir pour lui murmurer "avez-vous subi des pressions?"... Le procureur de la République associant certainement résistance au déferlement technologique et pratiques mafieuses. Mais le témoin a bien insisté sur le fait qu'il était venu de son propre chef disculper une personne qui n'avait pas directement détruit la machine biométrique.
ACTE 3 :
La juge n’a pas laissé les témoins de moralité, professeurs, pédopsychiatres, et premier directeur de la CNIL, expliquer en quoi ils légitimaient l'élan des inculpé-e-s contre la biométrie. La juge ne tolérant pas de leur part qu'ils s'écartent d'un discours portant sur la moralité des inculpé-e-s, ils ont du batailler pour faire entendre les méfaits de la biométrie sur les enfants et les pratiques sournoises des industriels(GIXEL) et du gouvernement (OPPIDUM) pour imposer la biométrie dans la vie courante sous couvert de convivialité et de divertissement.
Chacun des témoins a néanmoins brillé par sa façon de réussir à dire ce que la censure du tribunal ne voulait pas entendre.
ACTE 4 :
La plaidoirie du procureur, intéressante par les allusions à sa quasi-bienveillance envers les inculpé-e-s, rappela qu'il était un temps où l'on se battait politiquement avec des bombes à clous, et qu'il existe aujourd'hui des pays où il en va de sa vie de combattre pour la liberté. Ce qui ne l'a pas empêché de traiter les inculpé-e-s de petits bourgeois lâches, capricieux et romantiques. Viles accusations auxquelles les prévenu-e-s ont pu in extremis répondre pour sauver leur dignité.
Le procureur a requis 3 mois avec sursis et 105 heures de TIG.
La plaidoirie de Maître Terrel, avocate de la défense fut aussi longue qu'implacable, montrant la nullité du dossier adverse, tant sur les faits que sur le droit.
Les accusé-e-s ont été attrapé-e-s au hasard d'une foule et ne peuvent être condamné-e-s pour des actes pour lesquels aucune preuve ni aucun témoignage n'ont été apportés lors de l'audience.
Elle aussi plaidé l'état de nécessité, eu égard à l'intérêt supérieur de l’enfant pour montrer que l'intrusion des inculpé-e-s dans l'enceinte du lycée était justifiée, étant donné que le système biométrique était installé illégalement, et qu'il peut avoir de graves répercussions sur la construction psychique et sociale des lycéen-ne-s.
Elle n'a pas hésité à mettre en procès l'ensemble de l'idéologie biométrique, délire scientiste et sécuritaire qui promet une transformation de notre société en un vaste champ d'expérimentation robotique et numérique à l'encontre de nos libertés et de nos désirs les plus élémentaires. Sans compter le pourrissement des liens sociaux de solidarité et de parole que viennent couronner ces technologies.
Elle a demandé la relaxe pure et simple des inculpé-e-s.
La juge a interdit aux inculpé-e-s de faire une ultime déclaration, pour éviter encore une fois que l’on parle de biométrie. Ce droit est pourtant élémentaire (rappelons la déclaration de René Riesel contre les O.G.M.).
Le délibéré durera jusqu'au 17 février, et sera rendu à Evry.
Le combat commence.
Un comité contre la biométrie
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