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L'En Dehors


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Commentaires sur « Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable », de René Riesel.

Déjà, au début des années 70 le débat faisait rage au sein des écolos au sujet de "l’éco-fascisme". Nous voyions bien que des écolo-technocrates pourraient se saisir des problèmes écologiques de la biosphère pour imposer des mesures tatillonnes et bureaucratiques. J’étais alors opposé à la candidature de l’agronome René Dumont aux présidentielles, pensant qu’aucune solution ne devrait venir d’en haut, et qu’au contraire il fallait multiplier les expériences d’alternatives à la base, en multipliant les lieux de sécession, lieux d’accueil des déserteurs fuyant la vie urbaine et la société de consommation en tant qu’"objecteurs de conscience", expression que je créais alors à partir de mon expérience de militant lycéen pour l’objection de conscience. Cette stratégie de la multiplication des communautés à la campagne était alors partagée par le mouvement écolo-situationiste "Survivre et Vivre "dont une vingtaine de numéros sont accessibles en ligne... [1]

Nous sommes en tant qu’anarchistes primitivistes profondément attachés à la vie libre, sans aucune organisation coercitive, sans aucune mégamachine sociale de type "État". La catastrophe écologique qui se profile à l’horizon ne sera jamais pour nous un argument pour obéir à "Papa-État" au nom de la peur de la catastrophe. Loin de tout citoyennisme, nous sommes contre "l’Union Sacrée", la discipline masochiste de la restriction et du sacrifice, cette austérité religieuse et contrite prônée par les "décroissants". Nous sommes pour la subversion festive, la débauche orgiaque, le dévergondage des sens, l’apologie des plaisirs... relire Vaneigem... et ... Wilhem Reich.

Nous sommes pour l’indiscipline, l’effronterie et les éclats de rire. Nous sommes pour la destruction ludique et luddiste des usines et de toute cette société "spectaculaire-marchande" : pour la destruction de la société industrielle. Pour que les riches pissent de trouille et soient obligés de se sauver, face à notre colère insurrectionnelle, armée de bric et de broc, en participant partout, sans mots d’ordre, aux coups de main spontanés et jouissifs. Que les incendies éclatent partout !

Il n’ y a rien de respectable dans leur monde criminel qui mène à la Sixième extinction massive des espèces. Soyons déchaînés ! Non aux chaînes de la soumission ! Non à la retenue, la politesse bourgeoise, au formatage de nos comportements lissés et policés. Soyons mal-polis, intrépides, violents, casseurs, fouteurs de merde. Il n’y a rien à respecter dans leur monde ignoblement injuste. Arrêtons de nous frustrer, de nous retenir... Cassons tout ! Sabotage généralisé, et fuite dans nos maquis de la résistance, maquis les plus planqués possibles, au fond des forêts les plus impénétrables, et autres marges sauvages de leur civilisation de merde. Fuir pour mieux revenir inopinément, en les prenant par surprise, en multipliant nos attaques et nos replis stratégiques immédiats. Insaisissables et partout à la fois. À chaque fois, nous entraînerons dans nos maquis des hordes de jeunes fugueurs que guettait la désespérance des cités... À chaque fois, nous créeront de nouvelles communautés hilares et festives, pleines de joyeuses luronnes et gais lurons, pour y vivre le "Grand Soir" tous les matins. Ne rentrons jamais dans le salariat. Insoumission totale. Désertion. Faisons sécession. Fuyons ! Ne perdons pas notre vie à la gagner ! À bas l’argent, à bas la richesse ! À bas tous les rêves de vie bourgeoise ! En finir avec le carriérisme, l’espoir imbécile de l’ascension sociale, du métier qui rapporte... (voir sur www.google.fr le texte : "choisir la résistance, prendre le maquis." et le texte "Rencontre écolo-anar tout juillet en Pologne" paru sur le site de l’En Dehors le mardi 10 juin à 21 H 40)

Ne pas tomber dans le piège du catastrophisme, devenu le dernier argument à la mode pour imposer aux citoyens inquiets et affolés la soumission à l’État, le citoyennisme bon chic bon genre, le "bon geste" écolo quotidien, la "consommation" éthique et équitable en tant que "consomm’acteur", alors qu’il faut carrément cesser de consommer, boycotter tout, ne plus rien acheter dans leur système de merde, car de toute façon, consommer, c’est être sommé d’être con (livre de Marie Bénilde, On achète bien les cerveaux, éditions Raison d’ agir, 2007).

Le situationiste intrépide René Riesel, un de ces "Enragés" de 18 ans en mai 68, toujours indécrottablement indomptable, vient de publier (juin 2008, éd. Encyclopédie des nuisances) : Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, où il s’acharne à démontrer les pièges de ce catastrophisme qui sert d’alibi pour obtenir l’obéissance des foules, alors qu’il faudrait mener de front « une critique sociale qui serait à la fois anti-étatique et anti-industrielle » (page 9), donc ne rien attendre de l’État ni des boyscouts du milieu associatif face au désastre qui se met en place... Au contraire : être rebelle jusqu’au bout des ongles.

J’ajouterai : ne pas être indomptable juste pour la gloire et la noblesse du geste, tel un héros désespéré, mais être dans l’insoumission absolue pour échapper au désastre, nous donner le maximum de chances de survivre, au lieu d’être dans le fatalisme de Riesel qui évoque « l’écroulement de la société industrielle, AVEC NOUS DESSOUS », ajoutant qu’il n’y a donc pas lieu de supputer ses chances et de spéculer sur un "après"...

On se réunit justement en Pologne en Juillet car on ne veut pas crever dessous ! Ce rassemblement doit nous servir à comploter entre nous pour mettre en place les moyens de survivre en continuant à proclamer notre indéfectible attachement à la liberté propre aux anarchistes.

Nous ne serons jamais des animaux domestiques (cf. René Riesel, Du progrès dans la domestication, EdN 2003) gentiment parqués par l’État dans les cages de la soumission. Nous sommes des animaux sauvages, indomptables. Nous n’irons jamais nous cacher en bon ordre dans les abris anti-atomiques de l’État, en bons citoyens disciplinés, épris d’austérité religieuse et non-violente, (la « retenue » des « décroissants »), obéissants, tétanisés par les discours catastrophistes...

On lira aussi en annexe de ce livre de René Riesel qui contient aussi de bons commentaires sur Mai 68, des écrits de Jaime Semprun, dont on se rappelle son essai de 1997 (L’abîme se repeuple, EdN). Ceux qui on eu la chance de lire la revue de Mandosio Nouvelles de nulle part reconnaitront ces deux textes de Semprun, et faute d’avoir lu cette revue, on se reportera au dernier livre de Jean Marc Mandosio, D’or et de sable, EdN, 2008, qui reprend aussi des articles de Nouvelles de nulle part, et revient longuement sur son livre dénonçant la technophilie naïve des situationistes des années 60 (Mandosio, Dans le chaudron du négatif), en commentant toutes les réactions à son « chaudron ». Comme J. Semprun dans cette annexe, Mandosio évoque aussi l’essayiste états-unien Crosby dans son chapitre « La Mesure de la réalité, ou la Grande Transformation expliquée aux golden boys ». Jean-Marc Mandosio exécute en quelques remarques assassines les auteurs de la revue Tikkun et du manifeste L’insurrection qui vient.

Jaime Semprun dans Catastrophisme, administration du désastre et soumission durable, commente Michel Bounan, Jean-Claude Michéa, le Manifeste contre le travail du Groupe allemand Krisis, manifeste qu’il critique en lien avec une discussion autour des Aventures de la marchandise de Anselm Jappe.

Comme Riesel, Jaime Semprun est conscient « du cours catastrophique de l’histoire présente ». Que faire alors ? : « Quand le bateau coule, il n’est plus temps de discuter savamment sur la théorie de la navigation : il faut apprendre à construire un radeau, même très rudimentaire » (page 124) et Semprun cite le conseil de Riesel à la fin de Remarques sur l’agriculture génétiquement modifiée et la dégradation des espèces : il ne reste plus pour sortir du « monde clos de la vie industrielle » qu’à « partir cultiver son jardin ». Et de fait, Riesel est passé aux actes en Lozère. Semprun ricane au passage des « railleries stéréotypées des progressistes sous-marxistes et des ânes qui semblent craindre par dessus tout "le retour à la traction animale" ». Mais pour Semprun comme pour moi, cette idée de Riesel est un « programme des plus ambitieux, à prendre dans son sens aussi bien littéral que figuré ; y compris en pensant au "jardin d’Épicure". » et de conclure : « qu’un bon manuel de jardinage serait sans doute plus utile pour traverser les cataclysmes qui viennent que des écrits théoriques persistant à spéculer imperturbablement sur le pourquoi et le comment du naufrage de la société industrielle » (p.125).

D’où notre idée de pratiquer le jardinage itinérant sur brûlis dans la propriété de 2 millions d’hectares qu’on nous offre dans le sud de la Guyane française, à la façon des populations aborigènes de la forêt amazonienne, une méthode de permaculture éprouvée depuis 8000 ans dans ce milieu aux sols fragiles. Cette planque, ce maquis, est en quelque sorte notre « radeau » pour échapper au naufrage qui vient. Il y a assez de place pour des dizaines de villages écologiques, pleins de rebelles fuyant l’ordre policier du sarkozysme actuel.

Thierry Sallantin

tsallantin(arobase)hotmail.com


[1] Voir la revue Survivre et vivre parue dans les années 1970 autour de Grothendiek, et qui est totalement en ligne sur le site http://www.grothendieckcircle.org/ Il faut aller dans "Biographicals Texts", puis sur cette page, vers le bas. Tous les numéros sont en français.

Ecrit par libertad, à 21:50 dans la rubrique "Pour comprendre".



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