L'En Dehors

En effet, si l’homme providentiel, à qui France Télécom devrait sa survie plutôt qu’à tous ceux qui font marcher la « boutique » au quotidien, peut du jour au lendemain faire ses valises pour aller faire son petit numéro à Bercy (où d’ailleurs les fonctionnaires se contrefichent des ministres qui vont et viennent), n’est-ce pas parce que le vénérable opérateur téléphonique peut parfaitement se passer de lui ?

On remerciera donc Thierry Breton de faire de manière éclairante la démonstration que la société pourrait faire l’économie des individus dans son genre si elle était plus adulte* en considérant les « hommes providentiels » pour ce qu’ils sont : des imposteurs.

Dernière minute : selon Le Monde, le nouveau ministre déclare souhaiter inscrire son action « dans la continuité de celle de son prédécesseur ». Voilà qui augure donc d’un petit scandale d’ici trois ou quatre mois.

Tiberi, l’affaire se corse

Tout fraîchement bénéficiaire d’un non-lieu quant aux magouilles de rigueur dans l’attribution des marchés publics de l’OPHLM de Paris, le harcelé Jean Tiberi, victime de l’ostracisme de la justice jacobine, vient de nouveau d’être mis en examen dans l’affaire des faux électeurs du Vème arrondissement (son « fief », comme dit la médiature officielle, toujours friande de tradition moyenâgeuse) qui lui valurent réélection lors des municipales de 95 et des législatives de 97.

L’offusqué Tiberi, qui argue de sa récente bonne fortune judiciaire comme s’il s’agissait d’une bénédiction papale ferait peut-être bien de se souvenir qu’un non-lieu ne consiste pas à blanchir un gredin, mais à renoncer provisoirement à prouver qu’il en est un.

Conseil d’ami

Entendu sur Inter un gus mandaté par je ne sais qui prodiguer des conseils en matière d’habillement et de sobriété (l’alcool, c’est traître) aux SDF afin d’éviter à ceux-ci de mourir de froid sur la voie publique, ce qui est du plus mauvais effet pour les DF (les gens qui savent où ils habitent et boivent de l’eau minérale).

« Couvrez-vous bien et picolez modérément car il ne fait pas chaud », voilà à quoi, depuis environ vingt-cinq ans, se résume à peu près la politique économico-sociale de ce pays en direction des plus démunis, comme dit la rengaine.

Qui veut noyer son chien syrien…

On ne professera ici aucune sympathie pour la dictature al-Assad transmissible de père en fils depuis 35 ans sous couvert d’une de ces peudo démocraties dont raffolent nos amis staliniens, mais le fait qu’Israël l’accuse de tous les drames (comme le récent attentat de Tel-Aviv) depuis celui qui a coûté la vie à Rafic Hariri va finir par devenir une ficelle aussi grosse qu’un câble d’amarrage pour supertanker.

Aparté - Le pouvoir syrien n’a vraiment aucun intérêt a provoquer des représailles de la part d’un axe Jérusalem-Washington qui n’attend qu’un geste déplacé pour en découdre, mais ce n’est pas forcément le cas de certains de ses protégés, comme le Hezbollah ou le Jihad islamique, que la récente élection d’un Mahmoud Abbas prompt au dialogue avec Sharon risque de priver de leur crémerie apocalyptique : la guerre avec l’Etat hébreu jusqu’à l’anéantissement de l’un ou l’autre des protagonistes.

Bien entendu, on n’excluera nullement que, téléguidés ou non par les plus hautes instances de l’Etat, certains éléments radicaux des services secrets israéliens puissent jouer la même partition avec l’onction des hallucinés de l’administration Bush.

Partisans ou nazifiants ?

Alors que l’attentat le plus « réussi » en Irak depuis un an vient de faire aux alentours de 250 victimes civiles –dont plus de 120 morts-, parions qu’il va encore se trouver des nostalgiques de Saddam et de sa collection de Rolls ou du mollah Omar et de sa motocyclette pour évoquer un acte courageux de « la résistance » à l’occupation étrangère.

Mais non, chères petites crapules néostals ou fondamentalistes, la résistance en Europe consistait à lutter contre les nazis, pas à se faire nazis soi-même.

Les chiites et les Kurdes qui tiennent le Parlement ne sont pas des amis du roi Ubush, mais ils ne sont pas non plus les alliés de vos idoles –Saddam Hussein ou Oussama Ben Laden au choix-, va falloir vous y habituer.

Tout fout le camp

Tandis que son fondateur, l’inestimable Peter Benenson, vient de décéder, Amnesty International lance une grande campagne mondiale contre l’excision.

Aïe ! aïe ! aïe ! voilà qui ne va pas être du goût de tous nos amis réactionnaires, admirateurs de cultures primitives et vénérant la tradition.

Marketing

On ne répétera jamais assez que dans la mise en scène permanente du spectacle du monde, la représentation de la vérité varie au gré de l’imagination du scénariste et du culot de ses attachés de presse.

Ainsi, on meurt aussi épouvantablement en Irak aujourd’hui qu’il y a un an et la soldatesque étasunienne est toujours aussi incapable d’assurer la sécurité des citoyens de ce pays, qui ont par ailleurs élu majoritairement à la députation des chiites pro-iraniens et des Kurdes pro-indépendantistes qui ne représentent pas exactement les partenaires que l’Amérique semblait souhaiter.

Dans le même temps, « la guerre au terrorisme » n’a fait que radicaliser un peu plus celui-ci, comme on a pu le constater à Madrid ou à Beslan.

Echec sur toute la ligne ? Pas du tout ! puisque l’Histoire renâcle à lui donner raison, Ubush 1^er la réécrit à sa manière en se félicitant bruyamment de la tournure prise par des événements qui devraient le glacer, tandis que ses partenaires européens, loin de crier au fou, lui donnent du « sacré George ! tu as rudement bien manœuvré, hein ! »

Et voici que Chirac, qui manœuvre lui aussi très bien comme on l’a constaté en Côte-d’Ivoire, lui emboîte le pas afin d’inciter les Libanais à se débarrasser de la tutelle syrienne, ce qui n’est sans doute pas un mal en soi, mais un jeu tout de même un peu risqué dans un pays qui se relève tout juste d’une guerre civile particulièrement atroce à laquelle participèrent déjà en sous-main les grandes puissances via leurs alliés régionaux.

Un jour ou l’autre, le Texan de Dieu balancera une bombe nucléaire sur l’un des engrenages de « l’Axe du Mal » rien que pour déclarer ensuite, avec son habituel sourire d’illuminé suffisant : « Vous avez vu ça ? hey ! est-ce que vous avez vu ça ? un bon coup de technologie maison, et voilà le monde remis sur les rails du Seigneur ! »

Le facteur sonne toujours deux fois

Pour une fois aussi exhibitionniste que ses milliers d’admirateurs (pour la plupart tout récents), on se réjouit de découvrir Florence Aubenas vivante grâce à une vidéo transmise par ses ravisseurs, mais le moins qu’on puisse en dire est que tout le soutien aussi publicitairement orienté que péniblement boy scout que nous infligent médias, stars et politiques depuis deux mois n’a pas l’air de lui avoir donné la pêche escomptée.

Les amateurs d’humour noir apprécieront que la prisonnière, plutôt que Delanoë ou July, appelle à son secours le missi dominici occulte de Chirac, le député umpiste Julia, unanimement lâché par ses pairs et son bon maître, moqué par toute la presse après son échec dans sa tentative tintinesque de faire libérer Malbrunot et Chesnot.

Allez, Didier (Julia) ! tu la tiens ta revanche !

Mathias Delfe

* vous croyez que les employés de France Télécom vont observer une grève illimitée pour refuser la nomination d’un nouveau pédégé -surpayé pour les foutre à la porte- et obtenir l’autogestion à la place ?