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Après Les Égorgeurs et deux Trous de mémoire,Benoist Rey nous offre un livre de cuisine pas ordinaire. Entre ses recettes pour cuisiner la tête de veau à la Ravachol ou le g’boma togolais, le cuistot libertaire a finalement écrit un petit manuel de résistance à la morosité. Attention cuisine anarchiste ! À consommer sans modération…
La couverture, signée Siné, donne le ton. Le plus drôle, c’est que Benoist Rey commence son livre de cuisine par la recette correspondante. Ainsi nous dévoile-t-il son vieux rêve. « Cuire dans la même marmite un curé ensoutané, mitré de préférence et un militaire de haut rang, en grand uniforme (un riz-pain-sel si possible). Sans les vider ni les peler. » Les conseils du (non)chef suivent. « Démarrer à l’eau froide un court-bouillon de légumes. Quand arrive l’ébullition, réduire le feu. Assaisonner selon son goût. Surtout ne pas remuer. Laisser cuire longtemps, longtemps. Quand le sabre et le goupillon sont cuits, le curé et le militaire aussi. Servir chaud ou froid, selon la saison. On peut décorer les plats avec des hosties et des médailles. »
Bon, ce n’est pas avec ce genre de festin que Benoist Rey passera dans l’une de ces émissions de cuisine télévisées à la mode. Et c’est très bien comme ça. Que les gastronomes se rassurent, Mieux vaut boire du rouge que de broyer du noir ne contient pas que des recettes cannibales surréalistes dignes des meilleures farces anticléricales et antimilitaristes. Testées à La Marmite, restaurant que l’auteur a tenu rue du Théâtre à Paris (où Jean Giraud, Bridenne, Michel Foucault… venaient manger et boire), dans l’auberge de Montfa (Ariège) qui a aussi vu défiler pas mal d’olibrius, chez les nombreux-ses ami-e-s d’ici et d’ailleurs ou dans les rassemblements libertaires, ses recettes ont rempli bien des estomacs et des discussions.
C’est dans l’un de ces lieux de perdition que j’ai eu l’occasion de dévorer son Chili con carne à la mode de Merlieux. Merlieux, c’est un petit bled dans l’Aisne. Là, sévit le groupe Kropotkine de la Fédération anarchiste qui organise régulièrement un salon du livre libertaire qui brasse une foule d’auteurs (Michel Ragon, Didier Daeninckx, Gérard Mordillat, Jacques Tardi, Jean-Pierre Levaray…) et de visiteurs. Le samedi soir, après la remise folklorique du Grand Prix Ni Dieu Ni Maître, c’est banquet général. Ce qui explique que Benoist Rey, le (non)maître du gueuleton, nous livre son secret de fabrication pour… trois cents convives anarchistes affamés. Charge à vous de diviser les proportions pour les ramener à une juste mesure puisque le cuistot part sur la base de trente kilos de haricots rouges secs, de vingt kilos de poitrine de bœuf désossé et dix kilos de poitrine de porc, de dix kilos d’oignons jaunes, d’un kilo d’ail et de trente kilos de tomates. Sans oublier, en fin de cuisson, le « secret » : ajouter trois kilos de chocolat noir et trois kilos de miel toutes fleurs. Servez en chantant Le Triomphe de l’anarchie et vous aurez les clefs qu’il faut pour changer la vie et, dans la foulée, changer le monde.
Au fil des pages organisées comme un « vrai » livre de cuisine (entrées, plats de résistance, fromages, desserts…), on tombe sur une multitude d’anecdotes, de rencontres amicales et amoureuses, de situations drôles ou pas. Les copains (et copines) peuplent les chapitres de l’humaniste gourmand. Un détour par l’île d’Oléron était inévitable pour saluer la mythique églade (ou éclade) de Jean-Marc Raynaud. Tous les souvenirs mènent à la bouffe. Les plats sont souvent simples (œufs cocotte, os à moelle, salade de pissenlits, cuisine des restes…), mais, comme dirait Léo Ferré, toujours fourrés avec des tonnes de sentiments. L’andouillette en papillotes, la caille rôtie au foie gras, les joues de porc au gingembre, le lapin à la moutarde… mettent l’eau - et le vin - à la bouche. Parce qu’en matière de pinard, Benoist Rey en connaît plus d’un rayon. Tous ses plats sont bien arrosés avec de précieuses bouteilles qu’on ne trouve pas au supermarché. Enfin, d’autres gourmandises épicées, mettent le sourire aux lèvres. Comme la tarte aux poils…
Celui qu’on surnommait La Poubelle au collège parce qu’il finissait tous les plats de la cantine, n’a pas perdu son appétit. Jeune, il avait si faim que ses amis assuraient qu’il aurait mangé un curé mort depuis quinze jours. Devenu un solide gaillard, après avoir digéré quelques mauvais fruits verts et pas mûrs, notamment pendant la guerre d’Algérie, Benoist Rey dévore la vie par les deux bouts. Il a raconté quelques épisodes dans les deux tomes des Trous de mémoire. Avec Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir, le cuisinier autodidacte a mitonné un ouvrage qui donne faim et soif… de vivre.
Paco
Benoist Rey, Mieux vaut boire du rouge que broyer du noir, éditions Libertaires, 86 pages. 10 €.
Commentaires :
rackhamlenoir |
"’andouillette en papillotes, la caille rôtie au foie
gras, les joues de porc au gingembre, le lapin à la moutarde… mettent
l’eau - et le vin - à la bouche"
Rien de tel qu'un bon massacre pour combattre la morosité! On imagine que les cochons,cailles, oies ,canards et autres victimes seront égorgés à la mode franchouillarde ,il va sans dire, pour le plus grand plaisir des grands révolutionnaires de France et d'Oléron Répondre à ce commentaire
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à 21:53