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Cent mille signatures contre Edvige

Lu sur LDH Toulon : "Lancée le 10 juillet dernier la pétition demandant l’abandon du fichier Edvige a dépassé aujourd’hui les 100 000 signatures — il n’est pas trop tard pour la signer —, dont 751 d’organisations, collectifs, partis et syndicats.

Vendredi 29 août un recours a été déposé devant le Conseil d’Etat pour obtenir le retrait pur et simple de ce nouveau fichier considéré comme “liberticide”. Mais Edvige n’est pas le seul fichier attaqué en Conseil d’Etat : un recours a également été déposé contre Cristina.

Comme l’expose Hélène Franco, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature, il est important que la mobilisation citoyenne se développe contre ce fichier pour en obtenir l’annulation.


Depuis le début de l’été, associations et syndicats se mobilisent contre le fichier Edvige (Exploitation Documentaire et Valorisation de l’Information GEnérale).

La Haute Autorité de Lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) ont émis des réserves au sujet d’Edvige. Enfin, 12 associations et organisations syndicales ont déposé vendredi 29 août un recours devant le Conseil d’Etat.

Mais une autre catégorie de personnes est également fichée : les politiques. Du coup, la fronde contre Edvige a pris une autre dimension. Après Corinne Lepage et l’adjoint Verts du maire de Lyon, Etienne Tête, François Bayrou, a également déposé un recours contre Edvige devant le Conseil d’Etat. Il appelle même les élus français à participer à un « mouvement de refus républicain » du fichier Edvige en appuyant son recours.

Tous les regards sont braqués sur Edvige, mais un autre fichier de police créé en même temps est moins souvent évoqué : Cristina (Centralisation du Renseignement Intérieur pour la Sécurité du Territoire et les Intérêts NAtionaux ») est destiné à répertorier des données en matière de terrorisme. Mais, cette fois, personne ne sait quelles informations y seront stockées puisque le décret de création n’est jamais paru au Journal officiel — ce fichier étant classé “secret défense”.

________________________

Hélène Franco : « il est important de se mobiliser de manière citoyenne contre ce fichier »

La secrétaire générale du syndicat de la magistrature alerte sur les dangers et les dérives possibles de cette base de données regroupant une multitude d’informations personnelles.

« Il suffira de participer à une manif pour être fiché ! » [1]

  • Le principe du fichage n’est pas nouveau. En quoi ce nouveau fichier, baptisé Edvige, est-il liberticide ?

Ce n’est pas une simple réactualisation de l’ancien décret de 1991 relatif aux fichiers gérés par les services des renseignements généraux. Le nouveau texte va beaucoup plus loin. Prenons un exemple. Jusqu’ici étaient fichées « les personnes majeures qui, par leurs actions violentes, étaient susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat ». Désormais, seront visées toutes les personnes, « âgées de 13 ans et plus, susceptibles de troubler l’ordre public ». La nouvelle formule est beaucoup plus large : il ne s’agit pas de ficher les délinquants mais toutes les personnes susceptibles de troubler l’ordre public. Donc, participer à une manifestation serait, selon le texte, une raison suffisante pour être fiché…

  • En pratique, qui pourra être fiché ?

Impossible à dire, c’est tentaculaire. Le texte vise toute personne de plus de 13 ans, « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif. » Bref, toutes les personnes engagées dans la vie sociale... Et leur entourage ! On voit bien là les risques de dérives. Par ricochet, tout le monde sera un jour ou l’autre fiché.

  • Vous dénoncez aussi l’utilisation qui pourra être faite de ces fichiers…

Oui, là encore, contrairement au décret de 1991, le nouveau fichier Edvige pourra être consulté dans le cadre des enquêtes administratives. Prenons un exemple : vous participez à un mouvement lycéen (vous êtes donc fiché) et quelques années plus tard, vous vous présentez à un concours de la fonction publique. Et bien, le jury disposera d’une multitude de données collectées à votre sujet : déplacements, fréquentations, informations fiscales et patrimoniales voire vos tendances sexuelles et votre dossier de santé.

  • Nos voisins européens disposent-ils de fichiers semblables ?

Non, nous sommes la seule démocratie en Europe où il existe une police politique. Car il s’agit bien de cela. En France, nous avons toujours eu la manie du fichage. A une différence près : au temps de Napoléon, la police politique ne disposait pas des mêmes moyens techniques, son action était donc limitée. Aujourd’hui, c’est autrement plus dangereux. Quoi qu’en dise le gouvernement, l’existence même d’un tel texte est inquiétante. Comment garantir que le fichier Edvige ne tombe pas un jour dans les mains d’un régime comme Vichy ou l’équivalent ?

« Il y a de très grandes chances que le fichier Edvige soit annulé par le Conseil d’Etat » [2]

  • Le décret sur le fichier Edvige a-t-il des chances d’être annulé sur décision du Conseil d’Etat ?

Oui, bien sûr. Il y a de très grandes chances qu’il soit annulé par le Conseil d’Etat. C’est pour cela qu’il est important de se mobiliser de manière citoyenne contre ce fichier. Tout dépend du Conseil d’Etat. Nous verrons ce que vont décider les juges administratifs.

Le Syndicat de la magistrature demande son retrait. Nous allons mener des actions citoyennes pour que le maximum de gens soient informés. Nous allons d’ailleurs organiser une conférence de presse publique le 9 septembre pour expliquer les motifs de notre recours. Le syndicat est déterminé à aller jusqu’à l’obtention du retrait de ce décret car nous jugeons inquiétante la disproportion entre le fait de vouloir maintenir l’ordre public et celui de vouloir répertorier des milliers, voire des millions de gens, sur lesquels la police aura des infos personnelles.

  • Quand le Conseil d’Etat va-t-il rendre sa décison ?

Difficile à dire... À priori, dans l’année qui vient. Je dirais : pas avant trois mois et pas après 18 mois. Le gouvernement attend la décision du Conseil d’Etat pour mettre en place ce fichier mais il peut décider de le retirer sans attendre la décision du Conseil d’Etat. Le Syndicat de la magistrature l’espère.

Non à Edvige !

éditorial du Monde daté du 3 septembre 2008

Nom et prénoms : Edvige, autrement dit Exploitation documentaire et valorisation de l’information générale. Nationalité : française. Date de naissance : 27 juin 2008, par décret publié le 1er juillet au Journal officiel. Profession : fichier de police destiné à collecter des informations sur toute "personne physique ou morale ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique ou qui joue un rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif", mais aussi sur toute personne à partir de 13 ans ou sur tout groupe ou organisation "susceptibles de porter atteinte à l’ordre public". Signe particulier : tendances obsessionnelles à la sécurité.

En deux mois, un véritable front du refus s’est constitué contre ce fichier. Quelque 700 organisations, associations et syndicats, ainsi que 90 000 personnes ont signé une pétition destinée à en bloquer la création. Des recours ont été déposés devant le Conseil d’Etat. Tous les partis de gauche, mais aussi le Modem de François Bayrou, dénoncent désormais cette volonté gouvernementale de fichage généralisé qui pourrait rapidement concerner plusieurs millions de Français.

Ils ont raison. Certes, l’Etat doit garantir la sécurité des citoyens. C’est une de ses principales missions. C’est également sa responsabilité d’adapter ses moyens de renseignement et de police aux évolutions technologiques. A cet égard, Edvige prolonge et "modernise" l’ancien fichier des Renseignements généraux, dans le cadre de la création, cet été, de la nouvelle direction centrale du renseignement intérieur.

Mais la défense de l’ordre public ne saurait justifier pareille menace sur les libertés individuelles. Par principe autant que par respect de la Convention européenne des droits de l’homme, l’Etat a une obligation au moins égale de protéger la vie privée des citoyens. La mobilisation contre Edvige est d’autant plus justifiée que ce nouveau système d’information sur les Français n’est que le dernier en date : depuis quelques années, les fichiers de police se sont multipliés, sans même parler de la vidéosurveillance. Passer ainsi d’une société dans laquelle chacun est présumé innocent à une autre dans laquelle c’est la culpabilité de tous qui est présumée constitue une dérive dangereuse pour l’état de droit.

Notes

[1] Entretien publié sur LIBERATION.FR, le 2 septembre 2008 ; les propos ont été recueillis par Marie Piquemal.

[2] Entretien publié sur Le Post.

Ecrit par libertad, à 12:56 dans la rubrique "Actualité".



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