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Bolivie : après la nationalisation des hydrocarbures, la réforme agraire
À plus de cinquante ans de la première réforme agraire bolivienne, le président Evo Morales s’apprête à terminer ce qui a été commencé. Le vice-ministre des Terres, Alejandro Almaraz, a annoncé que le gouvernement cherchera à abolir les grandes propriétés rurales improductives, spécialement dans les départements de l’orient du pays, Santa Cruz, Pando, Beni et la zone du Chaco. Au travers d’une loi et d’un paquet de décrets, se redistribueront les terres qui ne remplissent pas l’objectif économico-social contemplé dans la Constitution Nationale et, de plus, se résoudra le manque et la fragmentation des terres dans l’Altiplano et dans les vallées en les incorporant à l’intérieur du système de propriété collective et en redistribuant les terres fiscales.

La réforme agraire de 1953 a redistribué les terres de l’Altiplano et des vallées a des propriétaires communautaires, sans toucher cependant à la zone orientale du pays, qui est restée aux mains des grands propriétaires qui ont utilisé des méthodes irrégulières et peu claires pour accumuler leur étendue. Cela a conduit à ce que quarante ans plus tard, la Bolivie soit la première parmi les pays du continent américain avec la plus grande concentration de terres. Comme, l’a établi, l’Institut National de Réforme Agraire (INRA), qui réalise actuellement un audit de terres à Santa Cruz, cette région est dominée par les grands propriétaires fonciers brésiliens, qui ont acquis leurs centaines d’hectares de formes peu claires. Au Brésil, cette donnée n’a pas été ignorée et la presse locale a déjà commencé à controverser sur la future expropriation de ses concitoyens.

"C’est une nouvelle réforme agraire qui va se réaliser mais ce qui est clair c’est qu’il s’agit d’une transformation suffisamment profonde pour changer les structures socio-économiques et institutionnelles de l’agro", a expliqué hier Almaraz au journal bolivien La Prensa. Le vice-ministre a aussi reconnu que cette réforme, qui coûtera environ 20 millions de dollars -provenant d’un prêt de la Banque Interaméricaine de dévelloppement (BID) et de la coopération danoise- provoquera une "résistance" entre plusieurs secteurs, bien qu’il a souligné que le gouvernement ne doutera pas à utiiliser la force publique.

Finalement, le vice-ministre des Terres a expliqué que le but est d’abolir les deux types de grande propriété rurale qui existent actuellement dans le pays. En premier lieu, la grande étendue de terre, acquise en grande partie durant les périodes dictatoriales, qui sont oisives c’est-à-dire qui n’accomplissent pas le but économico-social que stipule la Constitution Nationale. En second lieu, se trouvent les dites "terres ’de engorde’". Ces grandes propriétés rurales ont été acquises par des moyens irréguliers et, plus important encore, sont utilisées à des fins spéculatives, tant pour obtenir des crédits bancaires que pour revendre une partie des terres. C’est avec ce deuxième type, explique Almaraz, que se sont enrichies les personnes qui, dans les dernières années, ont exercé une domination sur le Congrès et influencé la politique du pays.

Pagina/12, 09 mai 2006. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org

 

Bolivie : Santa Cruz s'oppose à la réforme agraire

La nouvelle s'est étendue comme une traînée de poudre et déjà elle occupe les premières pages des journaux boliviens : après la nationalisation des hydrocarbures, le gouvernement d'Evo Morales s'apprête à mettre en place une mesure potentiellement plus explosive : la deuxième réforme agraire qui "élimine la grande propriété rurale improductive", dans un pays dans lequel 40 pour cent de la population vit toujours dans les camapagnes.

La consigne des années 40 était "des terres pour l'Indien, des mines pour l'État", aujourd'hui suffit de changer les mines pour les hydrocarbures pour synthétiser les buts du nouveau nationalisme indigène qui le 22 janvier dernier est arrivé au gouvernement. En s'en prenant à des intérêts  régionaux, la "nationalisation de la terre" menace de réactiver l'offensive autonomiste de l'est bolivien, leaderé par Santa Cruz. Les secteurs patronaux et les hommes politiques cruceños ont déjà anticipé leur rejet de la mesure et ont réclamé que la Commission Agraire Départementale, présidée par le préfet du département, soit chargée de définir la politique de possession de la terre. Une espèce de "blindage" face au gouvernement national aux mains de la gauche. Selon le Ministère du Dévelloppement Rural, entre 11 et 14 millions des 106 hectares cultivables que possède la Bolivie sont suceptibles d'être redistribués.

Promulguée dans la localité du département de Cochabamba d'Ucureña le 2 août 1953, la réforme agraire a été décidée par le gouvernement du Mouvement Nationaliste Révolutionnaire (MNR) face aux pressions des milices paysannes qui occupaient les fermes en demandant une "révolution agraire". C'était la première tentative de résoudre d'une manière radicale le problème de la terre. Cependant, la mesure n'a pas affecté l'orient bolivien, puisque là il n'y avait pas de grandes propriétés rurales, mais des "entreprises agricoles" avec des journaliers salariés, fonctionnels aux buts nationalistes révolutionnaires de laisser derrière le "régime féodal" et d'avancer par le chemin de la modernisation capitaliste du pays. Tout de suite, le dictateur Hugo Banzer Suárez (1971-1978) a utilisé la terre pour payer les faveurs de ceux qui ont soutenu son ascension au pouvoir au travers d'un coup d'Etat, alors que le trafic de stupéfiants se constituait en une des sources d'accumulation de pouvoir économique, politique et d'accès à de grande étendue de terre.

Parallèlement, dans l'occident, les petites propriétés résultantes de la distribution initiale de terres ont été divisées en hérédités successives jusqu'à de petites étendues dénommées 'surcofundios', leur productivité s'est détérioréee devant l'absence de politique de soutien de l'État et les structures de propriété commune ont été dissous en grande partie dans des propriétés familiales. Aujourd'hui les "entreprises agricoles", liées avec l'ago-exportation, selon des chiffres du sociologue Danilo Paz, contrôlent 90 pour cent de la terre productive.

La loi INRA approuvé en 1996 a octroyé aux peuples indigènes, fondamentalement de l'orient du pays, les terres dénommées terres communautaires d'origine -environ 5 millions d'hectares- et il a été proposé de clarifier la situation de la propriété de la terre, d'annuler les titres frauduleux et de donner la priorité aux titres de propriété des terres des peuples indigènes. Dix ans plus tard, les résultats sont frustrants pour la majorité des paysans et les grandes extensions de terres cédées aux communautés pour qu'elles reproduisent leurs habitudes de vie traditionnelles, sans soutien technique et économique, n'ont pas permis de dépasser les conditions de pauvreté chronique des indigènes des terres basses, ce qui s'ajoute à la constante pression des "tiers" -éleveurs, marchands de bois, compagnies pétrolières et les propres paysans colonisateurs de l'occident du pays- sur leurs terres.

- Peut-on parler de deuxième réforme agraire ?, a demandé Página/12 au vice-ministre des Terres, Alejandro Almaraz.

- il serait pertinent de l'appeler ainsi mais nous l'avons nommée "loi de reconduite communautaire de la réforme agraire", pour souligner quelques aspects nouveaux. Dans ce cas, il pourrait se redistribuer trois ou quatre fois plus de terres que durant la réforme agraire de 1953. D'un autre côté, la réforme agraire a distribué des terres de manière individuelle et dans des conditions de libre disponibilité, tandis que nous sommes en train de travailler une répartition collective, la préservant de futurs processus de reconcentration de terres et en renforcant leur dévelloppement productif.

- Quel type de terres va-t-il se redistribuer ?

- Ce qui va se redistribuer ce sont les nouvelles grandes propriétés rurales, qui sont plus agressives et nocives que les anciennes, qui se nomment "engorde de terres", c'est à dire maintenir la terre improductive, comme garantie d'opérations bancaires et comme objet d'actions spéculatives. De toutes manières, seront aussi affectés les vieilles grandes propriétés rurales. Ces terres vont passer aux mains des communautés paysannes et indigènes.

- De quelle surface parlons-nous ?

- ce sont quelques millions d'hectares. Plus de deux millions ont déjà été déclarés terre fiscale et disponible pour l'Institut National de la Réforme Agraire, ce sont les premières terres qui vont se distribuer. D'un autre côté, nous travaillons à  l'expulsion de propriétaires étrangers irréguliers, majoritairement brésiliens, dans la zone frontalière du département de Pando. Son expulsion est déjà en cours, une délégation de notre vice-ministère a remis il y a quelques jours les ordres d'expulsion et ces terres seront distribuées aux communautés de Pando.

La réaction régionale-patronale de Santa Cruz ne s'est pas fait attendre. La confédération des entrepreneurs privés de Santa Cruz a réclamé "sécurité juridique" et a refusé tout type d'expropriation, alors que l'influente Chambre Agricole de l'Orient (CAO) a condamné d'avance la "confiscation de terres”,  signalé qu'au niveau du thème de la terre, "il n'y a pas de vérité absolue”, et réclamé que les politiques agraires soient décidées par consensus et que l'assainissement de la part de l'INRA pour déterminer quelles sont les terres improductives continue.

Hier le gouvernement a annoncé le Plan National de Soutien à la Production, qui a pour objectif de fomenter la mécanisation des campagnes au travers de la cession de 900 tracteurs aux communautés et de favoriser des productions comme la quinoa et l'élevage.

 

Pablo Stefanoni, Pagina/12, 10 mai 2006. Traduction : Fab, santelmo@no-log.org
Ecrit par libertad, à 21:54 dans la rubrique "International".



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