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Le Jura libertaire : "Le gouvernement est en train de faire voter la sixième loi anti-immigrés depuis 2002 ! Le point central de cette loi s’attaque encore une fois au regroupement familial. Il faut croire que, pour ces politiciens, les immigrés, considérés comme des sous-hommes, n’auraient pas le droit de vivre avec leurs proches, leur famille mais seulement de travailler dans les secteurs où l’exploitation est la plus franche (travail pénible, dangereux, mal payé…).
Les tests génétiques pour s’assurer que leurs enfants sont bien légitimes élèvent encore d’un degré le niveau d’ignominie. Tout d’abord, c’est une pratique d’exception appliquée aux immigrés. Ensuite, cela montre bien la conception qu’ils se font de la famille, aussi étriquée que leur idéologie, réduite à la filiation biologique, ignorant la construction sociale et affective de celle-ci. De plus, concrètement, il sera impossible financièrement de faire pratiquer ce test pour la plupart des candidats à l’immigration et il sera tout simplement inaccessible dans de nombreux pays. Enfin, on peut voir encore une fois que lorsque les applications de la recherche génétique finissent entre les mains des politiciens, elles ne servent qu’au contrôle social des populations. Après les étrangers, qui seront les prochains «biomaîtrisés» ? ( D’ailleurs, aujourd’hui, de nombreuses infractions entraînent déjà l’obligation de prélèvement de votre empreinte génétique.) Les députés ont voté cet amendement sans trop rechigner et, oh surprise, les sénateurs ont fait la gueule. Encore un brin de conscience face à cet amendement un peu trop fascisant ou simplement leur vieille morale catho qui les appelle à sauver la famille… un peu des deux vraisemblablement. Quoi qu’il en soit, en plus des autres contraintes, la loi permettra de refuser le regroupement familial si ce test n’est pas effectué.
D’autres mesures font moins la Une des médias et ne soulèvent pas l’indignation des politiciens de droite comme de gauche, comme celle qui restreint encore le droit d’asile (diminution de moitié du délai pour effectuer un recours après un refus de la commission qui examine les demandes). Les réfugiés politiques, des gens persécutés dans leur pays à cause de leurs opinions, ont bien compris que la France ne les accueillerait plus qu’au compte goutte et risquait de les renvoyer chez leurs tortionnaires. Aujourd’hui, ils tentent de passer les frontières d’autres pays pour sauver leur peau.
Dans cette loi, on trouve également l’autorisation de pratiquer des «statistiques ethniques». Ils n’ont pas osé le mot race, mais dans leur délire de «quotas» et d’«immigration choisie», ces études devraient mener nos technocrates à sélectionner un pourcentage d’arabes, un autre de noirs, un d’asiatiques, etc. (et oui, on fait un bond en arrière d’un siècle au moins). En fait, cette pratique d’études statistiques est illégale, puisque ces études ne peuvent «se faire que sur la base du volontariat, de l’auto déclaration, de l’anonymat, et ne peuvent aboutir à la création de catégories ethno-raciales» (selon la Haute Autorité de lutte contre les discriminations — la Halde, qui dit «s’inquiéter» ce qui ne nous rassure pas…).
Pour finir, sans détailler toutes les mesures discriminatoires et liberticides, en voici quelques autres. L’obligation de parler français avant d’arriver en France confine à l’absurde (nos ascendants, arrivés en France le siècle dernier, ne connaissaient souvent que quelques mots de français et cela suffisait pour aller bosser à l’usine…). Quant au baratin sur les valeurs de la République que les candidats à l’immigration doivent ingurgiter ou la signature de «contrat d’intégration», ils montrent bien l’éternelle suspicion envers les étrangers, population qu’il faudrait toujours «civiliser».
Ainsi, pataugeant dans le climat raciste et anti-immigrés qui règne en France, développé et entretenu par tous les gouvernements précédents, Sarkozy et sa bande enfoncent le clou de la politique xénophobe de l’État. De loi en loi, nombreux sont ceux et celles qui n’ont pu renouveler leur carte de résident. Ils ont perdu leurs droits, sont devenus expulsables alors qu’ils avaient construit une partie de leur vie ici. C’est bien l’État qui en a fait des clandestins, qui les a invisibilisés et a rendu leur vie plus difficile et plus précaire.
Ces lois permettent d’accentuer la pression sur les étrangers qui vivent en France, qu’ils soient avec ou sans papiers. La législation sur l’immigration permet aussi au gouvernement de flatter un électorat raciste et semble satisfaire une part de la population, nourrie au fil des années par des politiciens de tout bord et leur porte-voix médiatique d’une tambouille propageant le mythe de l’invasion par des hordes d’immigrés polygames, intégristes, terroristes en puissance… version franchouillarde de la théorie nauséabonde du «choc des civilisations».
La lepenisation des esprits a fait son chemin et le programme d’un fasciste comme Le Pen peut être appliqué en partie par un «gouvernement républicain» comme ils disent. Tout le discours sur l’immigration et les immigrés est sous-tendu par l’idée qu’ils seraient un poids pour le pays, une contrainte, un danger. C’est là la vieille méthode du bouc-émissaire ; pointer du doigt une fraction de la population comme responsable, en vrac, du chômage, de la précarité, de l’insécurité, etc…
Cela contente également un patronat de tendance esclavagiste avide de travailleurs dociles, les étrangers avec ou sans papiers étant une main d’œuvre largement exploitée dans le bâtiment, le nettoyage ou la restauration par exemple. Main d’œuvre-marchandise qu’il suffirait de jeter après usage... tout en jouant la concurrence entre travailleurs.
Nous en sommes donc là, avec un ministère des expulsions qui produit un discours purement administratif et technique à base de chiffres à atteindre, tentant par là de cacher la réalité des drames humains que cette politique engendre quotidiennement. Le sinistre Hortefeux exhorte ses troupes à remplir les camps de rétention puis les charters, et les policiers «font leur travail», «obéissent aux ordres» comme de tous temps, sous tous les régimes. Mécanisme bien connu de la soumission à l’autorité qui ne saurait les dédouaner de leur responsabilité (est flic qui le veut bien !).
Un texte de loi, même lorsqu’il est particulièrement puant, est toujours en deçà de sa traduction bien concrète dans l’action de la police. Alors aujourd’hui, pour faire le chiffre qui permettra d’avoir son susucre, il faut aller au charbon : faire des descentes dans les foyers d’immigrés ou les hôtels miteux, attendre à la sortie des écoles ou bien débarquer au domicile à «l’heure du laitier» pour être sûr d’y trouver quelqu’un et tabasser tous ceux qui s’oppposeraient à leur pratique. Vicieuses, des préfectures envoient des convocations bidons pour interpeller la personne qui croit encore peut-être en une certaine justice. Zélé, un recteur d’académie demande au directeur d’école une liste des enfants non Français. Efficace, la police pratique la rafle, c’est-à-dire le bouclage d’un territoire pour y effectuer des contrôles d’identité (au faciès forcément, illégal mais bon…) et embarquer collectivement les dangereux sans-papiers. Rafles qui, pour être légales (si si c’est possible), seront prescrites par un procureur tout aussi professionnel que ces braves «forces de l’ordre».
La réalité quotidienne de milliers de personnes, c’est donc de vivre dans la peur de l’expulsion. Tandis qu’une part de la population vit dans la peur de l’Autre.
Les lois anti-immigrés n’empêcheront jamais celles et ceux qui fuient la misère, la guerre, un avenir sans espoir de tenter de s’installer ailleurs. Mais, faut-il le rappeler, la majorité des migrations se font entre «pays du Sud». Pour que les populations ne fuient plus les territoires qu’elles habitent, il faudrait qu’elles puissent y vivre, tout simplement.
La responsabilité des États les plus riches est immense dans les désastres humains qui concernent des continents entiers. Aujourd’hui, alors que Chirac, parrain de la Françafrique a quitté le pouvoir, qu’en est-il des relations maffieuses qu’entretiennent les amis-patrons du nouveau chef d’État avec les pires régimes d’Afrique ? Ce n’est certainement pas l’obsédé du pouvoir actuellement à la tête de l’État, ami des Ben Ali et Cie, qui desserrera l’étau des relations occultes entre dictateurs africains et élites économiques, politiques et militaires françaises. Ces relations néo-coloniales permettent encore et toujours le pillage des ressources de ces pays et étouffent le développement économique et social comme l’émergence des libertés les plus fondamentales.
Parce que les gouvernements veulent nous diviser et nous enfermer derrière leurs frontières, notre réponse politique est de nous battre pour la liberté de circulation et d’installation.
Groupe de la Fédération Anarchiste de Chambéry
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