Lu sur
Reset parameters : "Difficile de bloguer sur un sujet aussi sensible... Beaucoup s'y sont déjà essayés. Nombreux sont les lieux de réaction -souvent épidermique-, et épuisant est l'énervement qui découle de la lecture de certains commentaires.
Quelques réflexions quand même.
Il me semble qu'on focalise beaucoup trop sur le terme "racaille" poussé par Sarkozy (cf. l'excellent blog de
Jean Véronis), et même sur le sinistre accident du transformateur de Clichy.
Rapidement, sur le terme "racaille" : Sarkozy a beau jeu de répondre qu'il s'agit (et c'est vrai) d'un mot utilisé par la plupart des jeunes banlieusards eux-mêmes pour se désigner et donc pas une insulte. Plus précisément, ce qu'on dénomme dans le langage
djeunz des "cailleras" n'est en général pas synonyme de "gens dangereux" et/ou criminels, mais plutôt de ce qu'on peut qualifier d'archétype-du-jeune-de-banlieue-baignant-dans-la-culture-hip-hop. C'est long, compliqué, et pourtant réducteur : le mot
caillera est plus approprié.
En fait, Sarkozy a très exactement dit "on va vous débarrasser de ces racailles". Peut-être n'est-il pas si étonnant que les
racailles visées aient mal pris que le ministre de l'Intérieur se propose de se "débarrasser d'eux".
Enfin, il est hautement improbable que Nicolas Sarkozy ait ignoré le double-sens du mot "racaille" : il y a un double-sens dans sa bouche qui n'est pas présent dans la version familière utilisée par les jeunes des cités. Pour faire une analogie un peu légère, c'est un peu comme dire "putain, con" à quelqu'un. Avé l'asseng de marseille, ça passe. Avec un accent parisien et pincé, c'est une insulte.
Mais surtout, il est dangereux de ne s'intéresser qu'à cet arbre (cette feuille ?), qui cache une forêt.
La dernière campagne présidentielle, prônant la "tolérance zéro" (novlangue à l'envers* pour "intolérance"), marquée par un sécuritarisme outrancier et un Front National au deuxième tour n'avaient pas franchement l'allure d'un message de paix du Peuple Français envers sa partie immigrée et/ou pauvre.
La politique de casse systématique du lien social et les cohortes de C.R.S. comme seule réponse des gouvernements successifs de ces dernières années ont également, ça me semble une évidence, eu un poids non négligeable sur la montée de la rancoeur et de la rage des plus démunis.
Cette rage ne s'exprime pas "comme il faut" ? pas "intelligemment" ? Mais évidemment bordel ! c'est de la rage ! pas une réflexion sensée, pas un calcul politique ! Je suis le premier à désapprouver les incendies d'écoles et les caillassages de pompiers. Mais il ne faut pas s'attendre à ce qu'une
émeute , désordonnée, et par définition chaotique, se concerte et décide quelles sont les cibles les plus payantes médiatiquement et politiquement. Il n'y a pas non plus d'accord entre différents groupes, ni entre villes. -Il y a sans doute aussi un effet d'aubaine qui mène certains à "profiter" de ces émeutes pour assouvir des vengeances personnelles-.
Certains réclament un tour de vis supplémentaire, l'armée dans les cités, des répressions toujours plus lourdes, des expulsions... que ceux là ne s'étonnent pas si leur "solution" fonctionne à court terme puis mène à une explosion d'autant plus forte ultérieurement.
Certains ironisent sur le ton du "et maintenant ? vous êtes toujours partisan du
dialogue ? vous voyez bien, là, qu'on ne peut pas dialoguer !". Ben non on ne peut
plus. Et c'est probablement au moins autant de ta faute que la leur, connard. Je ne vois pas non plus d'espoir révolutionnaire dans cette simili-insurrection. Encore plein de choses à dire sur la réaction de la communauté musulmane, qui bien que prévisible me laisse en fait perplexe ; et puis parler longtemps du rôle de la presse comme amplificateur, mais beaucoup font déjà ça
mieux que moi, ce ne sera pas pour cette note. En fait il y a encore des millions de lignes à écrire sur ce sujet et j'ai laissé trop de détails de côté. Mais la réalité est trop complexe pour brâmer des slogans simplistes... Je reviendrai sans doute mettre cette note à jour, mais j'approche de l'overdose.
Par contre, La Reppublica a fait
de jolies photos. C'est toujours ça.
Ah, et si vous voulez répondre pour m'incendier, merci de ne pas hurler victoire si je ne réponds pas tout de suite à vos arguments. Là tout de suite j'en ai ma claque de lire des âneries choquantes.
Quelques liens :
Retrait immédiat du décret du 3 avril 1955 !href="http://www.fluctuat.net/blog/article.php3?id_article=2403">Les Clowns de la BAC nettoient la mairie de Neuilly
href="http://www.inegalites.fr/article.php3?id_article=414">entretien avec Laurent Mucchielli
____________________
*
à l'envers parce qu'en novlangue, "in-" est justement l'unique préfixe privatif disponible.
à 22:04