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Lu sur Cimade : "Contrôles d’identité en masse, arrestations, procès, expulsions… La méthode ne date pas seulement des derniers événements dans nos cités. Depuis Juillet dernier, déjà, elle a cours à Paris une à deux fois par semaine : quartiers « bouclés », rues et métro filtrés, cars de CRS et policiers... Une unique cible semble visée : les sans papiers. Associations et militants s’élèvent contre ce procédé et n’hésitent pas à utiliser un terme de triste mémoire : la rafle.
Restriction et contrôle de l’immigration connaissent un regain d’intensité depuis cet été : publication en juin d’une liste de 12 « pays sûrs » dont les ressortissants ne peuvent plus demander l’asile politique, réduction de l’accès à l’aide médicale d’Etat pour les sans papiers, et, depuis juillet, organisation de charters entre membres du G5 pour les expulsions. Une note du ministère de l’Intérieur publiée au mois d’octobre fait en outre état d’un avant-projet de loi qui durcirait encore les conditions d’immigration. Dans ce contexte particulier, c’est avec inquiétude que les associations considèrent la multiplication des interpellations sur réquisitions du Procureur de la République depuis le début de l’été. Dans un communiqué du 15 septembre, la Cimade, le Gisti et le Syndicat de la magistrature dénoncent ces opérations qualifiées de « rafles ».
Quartiers populaires visés
« Des compagnies de police et de CRS arrivent avec un commissaire. Ils barrent un quartier entier. Il y a des policiers partout, ils contrôlent les commerces, les bars, les sorties de métro… J’ai assisté à la rafle de Château d’eau. On était en bas dans le métro et on disait aux gens de ne pas remonter s’ils n’avaient pas de papiers. Puis ils sont descendus dans le métro pour poursuivre les contrôles. Ensuite il y a eu une manifestation spontanée. » Le 5 octobre dernier, Bahija Benkouka a assisté à l’un des nombreux contrôles d’identité qui surviennent à Paris depuis quelques mois. Déléguée du 9e Collectif de sans papiers et elle-même ancienne « sans », elle trouve la situation alarmante : « boucler tout un quartier, contrôler systématiquement toutes les personnes, je n’ai jamais vu ça ». Travaillant pour la Cimade, Didier Inowlocki pondère cependant : « ce n’est pas du jamais vu en termes de méthodes, mais la fréquence est impressionnante. Ça n’arrête pas ! ». 25 juillet : Château d’eau, 28 juillet : Strasbourg Saint-Denis, 2 août : Strasbourg Saint-Denis, 4 août : Belleville, 9 août : Ménilmontant, etc. Depuis cet été, de telles opérations ont cours en moyenne deux fois par semaine. Et toujours aux mêmes endroits. Les quartiers visés : les Xe, XVIIIe et XXe arrondissements ; des quartiers populaires et à forte concentration de population immigrée. Où les chiffres de la délinquance ne sont pas pour autant particulièrement élevés. Les infractions recherchées par le Parquet pour motiver de telles opérations ne sont d’ailleurs pas précisées dans les réquisitions comme elles sont censées l’être (voir interviews page suivante).
Faire du chiffre
Dans les centres parisiens de rétention administrative, on pense avoir compris à quoi servent les « rafles » : chaque intervention leur amène entre 10 et 20 personnes promises à l’expulsion. Aucune « autre poursuite ne semble avoir été diligentée », précise le Syndicat de la magistrature ; la seule infraction poursuivie semble bien être l’irrégularité au regard de la loi sur l’immigration. Pourquoi mobiliser avec une telle effervescence, tous les deux-trois jours, des dizaines de policiers et de CRS pour rechercher entre 10 et 20 étrangers irréguliers ? Associations et militants ont vite fait d’établir un lien. Les préfets sont tenus à des objectifs chiffrés d’expulsions qu’ils ont bien du mal à atteindre. « Le ministre de l’intérieur annonce un quota d’expulsions de 23 000 par an, explique Didier Inowlocki. Il leur suffit ensuite de mettre la pression : on est pour le moment à 56 % de l’objectif, c’est pas assez ! ». 200 000 à 400 000 immigrés clandestins, tels sont les chiffres avancés par le ministère de l’Intérieur qui veut y mettre bon ordre et incite ses préfets « à utiliser toutes les marges de manœuvre autorisées par la loi ». Et les contrôles d’identité sur réquisitions se multiplient…
Inquiétudes
La Cimade, associée au Gisti et au Syndicat de la magistrature, s’indigne : « Ces méthodes font voler en éclats les règles protectrices qui encadrent le contrôle d’identité, et permettent le contrôle au faciès en toute impunité ». La LDH, le RESF, SOS Racisme, et bien d’autres encore, s’élèvent contre de telles opérations qui pourraient rapidement déraper. En outre, du côté des administrations, de la Justice ou de l’Intérieur, on a bien du mal à suivre, et ce, au risque de voir les dossiers traités de manière expéditive. « La simple garantie des droits n’est plus respectée » explique Jérôme Martinez, délégué régional de la Cimade Ile-de-France, qui voit en outre les centres de rétention se remplir en dépit du bons sens. Et celui-ci de s’interroger sur l’efficacité et les buts des rafles : « Nous voyons moins de monde dans nos permanences. Les gens ont peur et ont tendance à partir de Paris. On peut dire qu’il y a clairement une volonté de déplacer le problème des immigrés vers la banlieue. Les interventions n’ont lieu qu’à Paris et aux portes de Paris ».
Interpellés à maintes reprises par les associations et les collectifs de sans papiers, les élus parisiens n’ont pas ou peu réagi. À l’exception de Christophe Caresche, adjoint au maire de Paris et député du XVIIIe, qui a adressé le 4 octobre 2005 un courrier officiel à Jean-Claude Marin, Procureur de la République. Pour lui demander un « bilan détaillé » des opérations menées sur réquisition du Parquet, il souhaite connaître les « critères de sélection des quartiers concernés (…) et les raisons qui les motivent ». À suivre.
Quant aux centres de rétention administrative, ils sont si bien remplis que certaines rafles n’ont servi à rien. Faute de place pour accueillir les personnes interpellées, on a mobilisé des dizaines de policiers et bouclé tout un quartier, en vain.
Clarisse Bouillet
Le point de vue du droit
Hèlène Franco,
Vice-Présidente du Syndicat de la magistrature
Dans quel cadre ces contrôles sont-ils effectués ?
« Aux termes de l'article 78-2 du Code de procédure pénale, il peut être procédé par les policiers au contrôle d'identité de toute personne, sur réquisitions du Procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d'infractions. Celles-ci sont précisées dans la réquisition, ainsi que les lieux et la période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d'identité révèle des infractions autres que celles qui sont visées dans les réquisitions ne constitue pas une cause de nullité. »
Tout cela est donc légal ?
« Les contrôles d'identité effectués pendant la période et dans le secteur déterminés par le magistrat, sont légaux. Mais ce qui est légal n'est pas forcément irréprochable, et le fait que des contrôles d'identité se déploient aussi souvent dans les mêmes quartiers populaires est évidemment discutable par la stigmatisation des lieux et des personnes. »
Dans un communiqué de presse en date du 15 septembre, vous dénoncez ces interpellations qui « font voler en éclats les règles du contrôle d’identité (...) et permettent le contrôle au faciès ».
« Nous sommes inquiets que des réquisitions de contrôle d'identité se fassent dans ces conditions, au moment même où le Ministre de l'Intérieur donne à son administration des objectifs chiffrés de reconduites à la frontière, et ce, au risque du mépris des situations humaines individuelles. »
Trois questions à Jérôme Martinez,
délégué régional de la Cimade Ile-de-France Champagne
Vous qualifiez ces interpellations de rafles. Ne craignez-vous pas que le terme soit trop connoté ?
« Nous l’avons utilisé volontairement. Selon la définition officielle du Larousse, c’est une arrestation massive par surprise. Il s’agit exactement de cela. Mais il y a aussi le sens symbolique : on part du principe que contrôler des personnes sur la base du faciès et supposer qu’ils ont commis un délit, ça n’est plus du contrôle d’identité habituel. »
Pensez-vous que les réquisitions du Parquet se justifient ?
« Elles sont autorisées par le Procureur de la République. Mais il ne faut pas non plus oublier le rôle du Préfet qui est très important. Nous n’avons jamais vu le contenu des réquisitions donc on ne connaît pas les motifs invoqués pour ces contrôles. Ça peut être, par exemple, une « recrudescence de délits dans le quartier », qui nécessiterait une intervention de la police. Ça peut être n’importe quel motif, c’est difficile de prouver quoi que ce soit. »
Le ministère de l’Intérieur annonce 200 à 400 000 clandestins. Les interpellations sur réquisitions sont-elles une solution adéquate ?
« En faisant des additions et des approximations à la louche, on obtient effectivement ces chiffres. Mais je n’aime pas le terme « clandestin », la plupart d’entre eux sont comme vous et moi : ils bossent, paient des impôts, leurs enfants sont scolarisés. Cessons l’hypocrisie ! Puisque visiblement il y a du travail pour eux. Il faut savoir que l’immigration irrégulière est surtout familiale. Et le durcissement des conditions de regroupement familial, ça provoque de l’irrégularité ! La solution, c’est la régularisation. C’est vrai que ça n’est pas une politique de l’immigration en soi mais c’est une solution comme une autre. La France l’a fait plusieurs fois par le passé et d’autres pays le font régulièrement. »
Propos recueillis par C.B.