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Lu sur Hactivist News Service : "Le gouvernement prépare actuellement un plan de prévention de la délinquance qui prône notamment une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Dans ce contexte la récente expertise de l’INSERM, qui préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge, prend un relief tout particulier.
Les professionnels sont invités à repérer des facteurs de risque prénataux et périnataux, génétiques, environnementaux et liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité [génétique] du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéroagressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Faudra-t-il aller dénicher à la crèche les voleurs de cubes ou les babilleurs mythomanes ?
Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie comportementaliste qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique anglo-saxonne. Avec une telle approche déterministe et suivant un implacable principe de linéarité, le moindre geste, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser au plus vite par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie. A partir de six ans, l’administration de médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs devrait permettre de venir à bout des plus récalcitrants. L’application de ces recommandations n’engendrera-t-elle pas un formatage des comportements des enfants, n’induira-t-elle pas une forme de toxicomanie infantile, sans parler de l’encombrement des structures de soin chargées de traiter toutes les sociopathies ? L’expertise de l’INSERM, en médicalisant à l’extrême des phénomènes d’ordre éducatif, psychologique et social, entretient la confusion entre malaise social et souffrance psychique, voire maladie héréditaire.
En stigmatisant comme pathologique
toute manifestation vive d’opposition inhérente au développement
psychique de l’enfant, en isolant les symptômes de leur signification
dans le parcours de chacun, en les considérant comme facteurs
prédictifs de délinquance, l’abord du développement singulier de l’être
humain est nié et la pensée soignante robotisée.
Au contraire, plutôt que de tenter le dressage ou le rabotage des
comportements, il convient de reconnaître la souffrance psychique de
certains enfants à travers leur subjectivité naissante et de leur
permettre de bénéficier d’une palette thérapeutique la plus variée.
Pour autant, tous les enfants n’en relèvent pas et les réponses aux
problèmes de comportement se situent bien souvent dans le domaine
éducatif, pédagogique ou social.
Cette expertise INSERM intervient précisément au moment où plusieurs rapports sont rendus publics au sujet de la prévention de la délinquance. On y lit notamment des propositions visant à dépister dès les trois premières années de leur vie les enfants dont l’« instabilité émotionnelle (impulsivité, intolérance aux frustrations, non maîtrise de notre langue) [va] engendrer cette violence et venir alimenter les faits de délinquance ». On assiste dès lors, sous couvert de « caution scientifique », à la tentative d’instrumentalisation des pratiques de soins dans le champ pédopsychiatrique à des fins de sécurité et d’ordre public. Le risque de dérive est patent : la détection systématique d’enfants « agités » dans les crèches, les écoles maternelles, au prétexte d’endiguer leur délinquance future, pourrait transformer ces établissements de lieux d’accueil ou d’éducation en lieux de traque aux yeux des parents, mettant en péril leur vocation sociale et le concept-même de prévention.
Professionnels, parents, citoyens, dans le champ de la santé, de l’enfance, de l’éducation, etc. :
Nous
nous élevons contre les risques de dérives des pratiques de soins,
notamment psychiques, vers des fins normatives et de contrôle social.
Nous refusons la médicalisation ou la psychiatrisation de toute manifestation de mal-être social.
Nous
nous engageons à préserver dans nos pratiques professionnelles et
sociales la pluralité des approches dans les domaines médical,
psychologique, social, éducatif... vis-à-vis des difficultés des
enfants en prenant en compte la singularité de chacun au sein de son
environnement.
Nous
en appelons à un débat démocratique sur la prévention, la protection et
les soins prodigués aux enfants, dans un esprit de clarté quant aux
fonctions des divers acteurs du champ social (santé, éducation,
justice...) et quant aux interrelations entre ces acteurs.
Contact : contact@pasde0deconduite.ras.eu.org