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Amiante - Le rapport de la mission parlementaire ou une scandaleuse réécriture de l’histoire pour innocenter industriels et hommes politiques

Lu sur Hacktivist news service : "Le rapport [1]se compose de diverses parties sur lesquelles Ban Asbestos aura l’occasion de revenir. Il s’ouvre sur un « regard sur l’histoire de l’amiante en France » qui donne le ton sur le jugement porté par ces politiques sur le drame de l’amiante. Ainsi réécrite, cette histoire mensongère est destinée à faire croire que les pouvoirs publics n’ont nullement fermé les yeux et ne sont pas restés sans réponse face au risque. Ils sont sans peur et sans reproche. Tout au plus ont-ils été un peu lents à prendre des décisions. Quant aux industriels, jamais cités, ils n’ont pas - sciemment, car ils connaissaient les dangers de l’amiante - mis en danger la vie de leurs ouvriers en les exposant aux risques, sans information et sans équipement de protection .

Les mensonges d’Etat

L’histoire est présentée sous forme d’un tableau, la première colonne devant recenser au fil des années l’évolution des connaissances du risque amiante, la seconde devant relater les « évènements », les troisième et quatrième rendre compte des réponses institutionnelles face au risque en France et à l’étranger.
Pour ne s’en tenir qu’à l’essentiel concernant la connaissance du risque et les évènements nous rétablirons les faits suivants.

En 1930 les deux importants articles de Dhers sur l’asbestose n’était en rien une « étude statistique », mais un travail rigoureux et remarquablement précis sur la description de la maladie et surtout sur l’ensemble des mesures de prévention qu’il convenait d’appliquer. Près de 50 années plus tard médecins du travail, industriels et pouvoirs publics continuaient à faire semblant d’ignorer ce que Dhers considérait comme indispensable pour écarter le risque d’asbestose.

En 1960 la publication de Wagner sur les mésothéliomes se concluait par un avertissement capital non pris en compte par les industriels, les pouvoirs publics et les parlementaires de l’an 2006. Une importante proportion des malades n’avait subi qu’une exposition environnementale, beaucoup plus faible que celle des mineurs, sans manifestation parallèle d’asbestose dont le développement est très lié à la charge pulmonaire en amiante. Dès 1960, il était donc clair que le mésothéliome peut apparaître 40 ans après de faibles expositions à l’amiante.

En 1971 la réunion internationale à Londres des industriels de l’amiante était la seconde du genre et ne s’est pas contentée « de bâtir une stratégie mondiale qui leur permette de continuer à utiliser le minéral ». Pourquoi donc ne pas écrire qu’il s’agissait d’une stratégie de dénigrement, d’isolement et de combat à l’encontre de tous les scientifiques, syndicalistes et militants associatifs susceptibles de révéler la vérité sur les risques liés à l’amiante ? Pourquoi dissimuler que conseil était donné aux industriels de s’adjoindre à tous prix la collaboration de scientifiques réputés pour laisser croire à l’innocuité de l’amiante ? Pourquoi taire la stratégie mise au point d’infiltration de tous les lieux de pouvoir ayant un rapport avec les problèmes de santé au travail pour infléchir toute décision concernant les valeurs limites d’exposition, l’étiquetage, etc. ? C’est à ce niveau et à cette époque qu’on pris corps les principes d’action de ce que serait plus tard en France le Comité permanent amiante (CPA).

En 1973, la déclaration du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC, OMS) affirme avec force que toutes les variétés d’amiante sont des cancérogènes, y compris évidemment la principale d’entre elles, le chrysotile. Et il est proprement scandaleux que les parlementaires français relayant la propagande du lobby international de l’amiante, prétendent aujourd’hui que le CIRC a alors déclaré comme « incertaine » la cancérogénicité du chrysotile.

En 1975 l’événement n’est pas que des chercheurs de Jussieu découvrent qu’ils avaient de l’amiante au-dessus de leur tête, mais que se crée le Collectif Amiante de Jussieu qui déclencha alors, avec l’appui du personnel des Universités, des médias, de plusieurs syndicats d’entreprises et associations de consommateurs, une intense campagne qui obligea le gouvernement à prendre de 1975 à 1978 tout un ensemble de mesures de prévention spécifique contre l’amiante.
Contrairement à ce que laisse croire l’histoire écrite par les parlementaires, ces premières mesures gouvernementales - très insuffisantes et elles ont été dénoncées comme telles à l’époque - n’ont pas été le fruit d’initiatives gouvernementales mais de la lutte menée pendant cinq ans par les personnels de Jussieu et un certain nombre de syndicats d’entreprises (Amisol, Ferodo, Eternit, etc.)
La période 1975-1980 fut une période de luttes intenses dans les entreprises travaillant ou ayant travaillé l’amiante. L’exemple le plus connu est celui d’Amisol, une usine de textile amiante à Clermont- Ferrand occupée par les travailleurs après faillite de l’entreprise. Tous les salariés ou presque ont été ou sont aujourd’hui touchés par les maladies dues à l’amiante. De même qu’aujourd’hui on ne compte plus les victimes dans les grandes entreprises d’amiante : Eternit, Saint Gobain, Ferodo, Wanner, etc., toutes entreprises dont le nom n’apparaît nulle part dans l’historique dressé par la mission parlementaire. Dans toutes ces usines, dont les dirigeants connaissaient les effets sanitaires de l’amiante, les conditions de travail étaient telles que la prévention était réduite à sa plus simple expression [2]. La mission parlementaire a reçu sur sa demande une délégation de l’association des anciennes et anciens ouvriers d’Amisol, de même elle a enregistré des témoignages d’ouvriers d’Eternit à Thiant et de Ferodo-Valéo à Condé...mais elle n’a pas entendu leur histoire qui est la véritable histoire de l’amiante. Elle n’a pas retenu que toute la presse à cette époque avait dénoncé chez Amisol des conditions de travail dignes des descriptions de Zola. Après 1979, la lutte s’est essoufflée, a marqué le pas, dans les entreprises avec les craintes pour l’emploi, et à Jussieu où tout avait été promis et bien peu réalisé. Les quelques mesures prises par le gouvernement dans le décret de 1977 - dénoncé par le Collectif de Jussieu de l’époque comme un décret alibi - ont permis quelques avancées en prévention, mais ne pouvaient en aucun cas - et cela a été dit et redit - permettre de faire face au risque de cancer . On note les mêmes omissions de la part de la mission parlementaire pour la période 1993-1997. Il n’y a eu de mesures gouvernementales (y compris l’interdiction) qu’en raison des mouvements sociaux qui ont alerté les médias. Participaient alors à la mobilisation au plan national, l’ALERT (Association pour l’étude des risques du travail), la FNATH (Fédération nationale des accidents du travail et des handicapés), le Comité anti-amiante de Jussieu et la Ligue contre le cancer du Val d’Oise, associations qui en 1996 ont été à l’origine de l’Andeva. C’est la période où, au-delà des états majors associatifs, s’est créé un profond mouvement de fond mobilisant les victimes dans de multiples villes et régions comme Albi, Brest, Cherbourg, Clermont-Ferrand, Dunkerque, Paray le Monial, Thiant etc.... Désormais les victimes décident de s’unir et de mener ensemble le combat pour faire condamner les coupables et obtenir réparation.

Bien d’autres omissions pourraient être notées comme le passage sous silence des congrès internationaux de Milan puis de São Paolo qui ont permis la construction d’un réseau international de lutte contre l’amiante, avec en France en 1995 la naissance de l’Association Ban Asbestos-France.

Les parlementaires ont totalement passé sous silence le fait que, dans l’histoire de l’amiante, tout « événement » (pour reprendre leur langage), ne se produit qu’au terme de luttes sociales mettant en jeu des forces issues de la société civile.

N’ayant retenu, en matière d’histoire de l’amiante, que les témoignages des responsables de la haute administration ou du monde politique, de quelques exécutants ignorant du problème, et enfin des coupables d’hier venus justifier leur action passée, la mission ne pouvait bien sûr donner une autre vision de l’histoire que celle de l’autojustification de l’action ou plutôt de l’inaction des politiques et des milieux industriels.

Sans parler de la ré-écriture de l’histoire du CPA (Comité Permanent Amiante )... longuement développée, réhabilitée et mise en valeur par les députés, dans les pages suivantes du rapport de la mission. A les en croire le CPA n’aurait pas été un lobby capable d’instrumentaliser syndicats et ministères, et sachant à l’occasion habilement dénoncer les expositions excessives à l’amiante dans l’environnement, comme celles dues aux flocages qui risquaient de desservir les intérêts des responsables de l’association patronale, les dirigeants d’Eternit , d’Everit (Saint Gobain ), de Ferodo-Valéo. Nous rappellerons simplement que de 1982 à 1996 le CPA a reposé sur une mystification, celle de laisser croire qu’on pouvait contrôler l’usage de l’amiante, alors qu’en quarante ans d’usage intensif, il y en avait partout, que tous les corps de métier étaient concernés, que tout un chacun en avait déjà dans les poumons et donc que l’environnement en général était lui-même gravement contaminé.

Mais bien sûr la mission a préféré donner la parole à Jean Luc Pasquier et à Patrick Brochard, un haut fonctionnaire et un médecin qui ont cautionné l’opération CPA, commanditée par les industriels de l’amiante. Le premier a interpellé les parlementaires en leur déclarant que la société accepte bien « l’usage contrôlé du chlorure de vinyle monomère (CVM) pour fabriquer vos bouteilles d’eau minérale », pourquoi n’aurait-on pas fait la même chose pour l’amiante ? Sauf que le CVM n’est utilisé (d’ailleurs beaucoup trop largement) que dans des appareils clos, en circuits fermés dans des ateliers où l’alarme sonne, avec évacuation de l’atelier, dès qu’il y a dépassement dans l’air d’une valeur limite très basse. Et qu’en conséquence il n’y a aucun rapport entre l’utilisation d’un tel produit et celle de l’amiante qu’on trouvait en tous lieux et même dans nombre d’appartements.

Le crime du CPA - allant jusqu’à fausser les statistiques de mortalité par mésothéliome - a été de laisser croire que le contrôle de l’usage de l’amiante était possible, alors que le matériau était partout présent dans la vie courante et non confiné en appareils clos dans quelques ateliers sous constante surveillance.

De graves conséquences pour les procédures judiciaires.

On peut être sûr qu’une telle prise de position de la mission parlementaire sur l’histoire de l’amiante va désormais nourrir tous les argumentaires de ceux qui s’opposent à la condamnation au pénal des industriels de l’amiante et de leurs complices, y compris les politiques.
Sur cette base les tribunaux ne trouveront pas plus de coupables demain qu’ils n’en ont trouvé à ce jour lors des procédures au pénal, toutes bloquées par volonté politique et pressions de la Chancellerie.
Mais il fallait montrer sa compassion pour les victimes, aussi les parlementaires ont-ils consacré des dizaines de pages à discuter de questions juridiques pour mieux dissimuler que leur religion était faite : tout simplement il n’y a pas de coupable...ni chez les industriels, ni chez les politiques. Ils s’étonnent au passage que la mission du Sénat ne soit pas arrivée à la même conclusion !
Quant aux procédures en faute inexcusable de l’employeur, les députés ne cachent pas qu’ils souhaitent leur extinction rapide, en toute logique avec leur réécriture de l’histoire .Aussi proposent-ils de modifier la loi de 1898 en remplaçant cette procédure par un texte qui ne sanctionnerait que les fautes exceptionnelles, d’une particulière gravité, sans complément d’indemnisation pour les victimes.
C’est dès maintenant qu’il apparaîtrait souhaitable, en première étape, d’aller, en larges délégations, demander des comptes aux 28 députés qui ont voté ce texte. Celui-ci n’est rien d’autre qu’une invite aux industriels de continuer à négliger, quand ce n’est pas à ignorer, la prévention des maladies professionnelles et accidents du travail.

Contacts :
- Henri Pezerat (01 48 76 49 07)
- Josette Roudaire (04 73 87 92 48)

[1] Rapport voté par toute la Commission moins une abstention, celle de Daniel Paul député communiste.

[2] C’est également dans cette période qu’en 1977 fut publié le livre « Danger amiante » du Collectif intersyndical des universités de Jussieu, ouvrage très complet sur la véritable histoire de l’amiante,sur tout ce qu’il fallait savoir et ce qu’il fallait faire face au risque amiante.





Source/auteur : Communiqué de BAN ASBESTOS FRANCE - Association de lutte contre l’amiante
Ecrit par libertad, à 23:18 dans la rubrique "Actualité".



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