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Bien sûr, comme avec tout modèle, il y en a qui feront
semblant : les uns qui joueront à incarner ce rôle, pour renvoyer
incessamment à leurs subordonnés à quel point ils ne sont pas à la
hauteur ; les autres, qui feront juste assez de grimaces convenues (de
« démarches ») pour qu’on leur fiche la paix. Bien sûr, il y aura,
comme dans toute compétition, des gagnants et des perdants. Certains
deviendront cadres, golden boys, managers, et accepteront les
"responsabilités" qui placeront toute leur vie sous le signe de
l’évaluation monétaire ; et d’autres accepteront ou se feront imposer
par Pôle Emploi des boulots de larbin qui, au contraire de les aider à
monter dans l’échelle sociale, les maintiendront à vie dans ce triste
rôle de main d’oeuvre précarisée, qu’il faudra encore mériter parce que
d’autres-attendent-à-la-porte. D’autres, enfin, trouveront la « bonne
planque » que tous les autres vont leur envier (Privilégiés de
fonctionnaires ! etc...).
Ce qui importe au pouvoir par dessus tout, c’est de
nous occuper, c’est de nous voler notre temps. Partout, il y a des
« mauvais chômeurs » qui étudient, qui créent, qui animent des
associations, qui se mêlent de politique, qui expérimentent d’autres
manières de vivre, de travailler, d’enseigner sans exploiter ni les
hommes ni la nature, de manière égalitaire et coopérative, des
« mauvais chômeurs » pour qui le boulot signifie d’abord mettre de côté
ses attachements. Des gens pour qui le salariat et le marché sont
inséparables des catastrophes sociales et écologiques actuelles, et
qui, autant que possible, préfèrent s’y soustraire. Ces gens-là, il
faut pour le pouvoir les empêcher de travailler, parce que leur travail
véhicule une manière de penser qui si elle se diffusait, donnerait
confiance aux innombrables qui, parce qu’ils se sentent isolés,
hésitent encore à entrer en conflit ouvert avec les institutions telles
que Pôle Emploi, et se contentent d’esquiver leurs attaques.
Un mouvement de chômeurs et précaires n’est pas un
mouvement corporatiste, pas même un mouvement des "exclus" ou de toute
autre catégorie médiatico-sociologique. La crise a appris à ceux qui
l’ignoraient encore que bien peu pouvaient se targuer d’une situation
garantie, hormis les dirigeants des banques, des entreprises, des
médias, des partis politiques et des syndicats institutionnels. Le
chômeur, au fond, ce n’est pas tant le "privé d’emploi" que celui qui
refuse, au sein de la firme globale qu’est cette société, d’être
affecté à telle ou telle tâche selon les exigences du patronat, ou du
gouvernement, ou du Pôle Emploi qui veut "faire du chiffre". La lutte
des chômeurs intéresse directement celle des travailleurs. Refuser un
job pourri ou un stage intensif de coaching, empêcher la radiation ou
la suppression d’allocations n’est pas différent de refuser une
augmentation des cadences, des licenciements ou des baisses de salaire.
Notre mot d’ordre est simple : grève des chômeurs.
Faisons grève de notre supposée évidente condition de demandeurs
d’emploi, d’auto-entrepreneurs. Assumons-nous comme des travailleurs
produisant des relations humaines différentes, coopératives, non
marchandes, alternatives au monde de l’entreprise. Nous savons aussi
que notre travail, associatif, coopératif, écologique, le tissage de
liens amicaux, les formes de solidarité sont d’ores et déjà exploitées
par un nouveau capitalisme "vert" qui rêve de tirer un profit maximal
de la réparation des désastres accumulés par le capitalisme industriel,
et qui a besoin de puiser parmi les contestataires la manière plus
"respectueuse" et "humaine" de nous faire travailler demain dans leurs
bio-entreprises durables. La grève des chômeurs, c’est une grève de
l’exploitation : non seulement nous ne voulons pas de leurs sales
boulots, mais nous ne voulons pas qu’ils exploitent le nôtre, celui qui
a pour nous du sens, pour faire survivre leur système en déroute.
La grève des chômeurs, cela signifie trois choses.
Premièrement, s’organiser pour empêcher l’application des politiques
gouvernementales de gestion du chômage et de la précarité, qui se
traduiront notamment par la suppression de tout revenu aux chômeurs qui
refuseront deux offres dites raisonnables ou la moindre "action"
prescrite par le Pôle Emploi, ou encore rateront un rendez vous. Cela
implique qu’à chaque problème « individuel » de dossier, il soit
répondu promptement et efficacement par l’action collective, et non par
d’interminables et le plus souvent inutiles recours. Deuxièmement, agir
collectivement contre les voleurs de temps, les exploiteurs de
l’attention que sont Pôle Emploi, mais également toutes les entreprises
privées qui prospèrent de la saturation préméditée de ce dernier : il
s’agit des boîtes d’intérim, de placement privé, de coaching et de
consulting, des associations d’insertion, qui disposent également d’un
pouvoir souverain sur les revenus des chômeurs. Troisièmement, affirmer
une idée positive, politique du travail, par laquelle nous cherchons à
nous organiser de manière égalitaire et coopérative pour accroître
notre autonomie à l’égard du marché, en renforçant nos liens avec les
travailleurs en lutte, tant à partir de la réappropriation commune de
gestes de travail que de gestes politiques. (On mentionnera à ce sujet
les ouvriers de Philips à Dreux qui viennent, face à la menace de
fermeture de l’usine, de décider en assemblée générale de relancer la
production en autogestion.)
Il n’y aura pas de mouvement en dehors d’une grève des
chômeurs, d’une suspension de l’atomisation des situations
individuelles, d’un désir partagé par le salarié ou le cadre licencié,
l’étudiant-sans-débouché, le fatigué de l’intérim, l’ouvrier au chômage
technique, le militant associatif, le demandeur d’asile, le cinéaste
indépendant, le paysan non productiviste, de reprendre en main tout le
temps volé par un système qui veut nous occuper à ravager les mondes
sensibles comme à dessécher l’intelligence. Pas de plein emploi,
merci ; plutôt une pleine réappropriation de la vie.
Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte de Rennes
22, rue de Bellevue, 35700 Rennes
mcpl2008@gmail.com (pour tout problème de dossier, connaître les heures de réunion ou de permanence, écrivez-nous à cette adresse mail)
Rendez-vous :
Manifestation samedi 16 janvier à 15h, Place de la Mairie pour la grève des chômeurs et le soutien aux inculpés de la manifestation du 5 décembre, suivie d’une assemblée générale
Rassemblement lundi 18 janvier à 15h30, Cité judiciaire, pour soutenir les inculpés à l’occasion de leur procès.