Sur le fond, c'est une pseudo analyse comme on en entend tous les jours autour de la fontaine à eau, qui se résume à 1. les djeuns gueulent contre le CPE, mais on comprend leur colère, car "c'est un coup dur, très difficile à supporter, que de voir une réalité injuste, révoltante, (la précarité, alors que les jeunes veulent bosser) officialisée par l'Etat", pourtant 2. le CPE ne change rien, hélas il ne va pas assez loin, car tout ça c'est la faute du modèle social français, du marché du travail "dont les contraintes et les verrous sont tels que l'on comprend ceux qui hésitent à embaucher", et in fine de cette oppositon marxisante dépassée qui perturbe les mentalités : "on a compris depuis longtemps qu'il n'y a pas qu'un face-à-face entre des bras nus et un capital vorace" et autres "quiconque entreprend, s'il réussit, c'est qu'il a volé, s'il gagne, c'est sur le dos des autres."

Bref, rien de nouveau sous le soleil, du classique libéralisme de buvette de fédération locale UMP, matiné de cette complainte habituelle de l'élite sur les français qui ne veulent pas voir en face la vraie réalité du vrai marché à l'extérieur de nos frontières, et qui préfèrent voter non ou défiler au lieu de bosser.

Mais sur la forme, par contre, il y a de quoi s'étonner ; car après une progression tortueuse du raisonnement, sans doute basée sur un modèle dévoyé de la cure où seul ce qui compte est d'y passer le plus de temps possible, Sibony, pour "finir sur une note gaie", nous dit qu'il copie-colle "un e-mail (qu'il a) reçu d'un cousin". Déja c'est extraordinaire de se permettre une telle liberté dans un article prétendument sérieux. Je ne savais pas comment conclure, alors j'ai mis un truc, là, qui trainait dans ma boite mail.

Mais quand on lit l'e-mail en question, qui donne le titre du papier, on s'étrangle. Allez, le début :

La fourmi travaille dur tout l'été dans la canicule : elle construit sa maison et prépare ses provisions pour l'hiver. La cigale pense que la fourmi est stupide ; elle rit et joue tout l'été. L'hiver venu, la fourmi est au chaud et bien nourrie. La cigale grelotte et finit par convoquer une conférence de presse, où elle demande pourquoi la fourmi a le droit d'être au chaud et bien nourrie alors que les autres, moins chanceux, comme elle, ont froid et faim.

Lisez la suite, mais en gros la cigale-intermittente finit par spolier la propriété de la fourmi-épargneuse avec la bénédiction de l'Etat et de l'opinion publique, alors que cette dernière, dégoutée, se casse en Angleterre.

A côté de ce plagiat aussi sale qu'imbécile, la chaîne e-mail qui dénonçait les privilèges des conducteurs de train avec force infos bidons apparait comme un modèle d'argumentation. Les ressorts sont tellement grossiers qu'il faut peut-être lire ce gerbis comme un condensé pratique de la vulgate poujado-libérale : les pauvres l'ont bien cherché, et ils se plaignent pourtant et c'est très français, tout ça. Mais que ce genre de vase d'égout collecteur remonte à la surface d'un quotidien soi-disant à gauche, et sans la moindre critique ("cette fable (!) reflète certaines bribes de réalité"), les bras m'en tombent.


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