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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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L'EFFERVESCENCE DES SITUATIONS RADICALES
Une situation radicale est un réveil collectif. Cela peut aller de la simple réunion de quelques dizaines de personnes dans un quartier ou un atelier à une situation véritablement révolutionnaire qui en entraîne des millions. L'important n'est pas le nombre, mais le débat public et la participation de tous, tendant à dépasser toute limite. L'incident qui se situe à l'origine du Free Speech Movement (FSM, Mouvement pour la liberté de parole) en 1964 en est un exemple classique et particulièrement admirable. Des policiers étaient sur le point d'emmener un activiste pour les droits civiques qu'ils avaient arrêté sur le campus de l'Université à Berkeley. Quelques étudiants se sont assis devant la voiture de police. En quelques minutes des centaines d'autres ont suivi leur exemple, de sorte que la voiture fût encerclée et immobilisée. Pendant 32 heures, on a transformé le toit de la voiture en tribune pour un débat général. L'occupation de la Sorbonne en Mai 1968 a créé une situation encore plus radicale en attirant une grande partie de la population parisienne non-étudiante. Puis l'occupation des usines par les ouvriers dans tout le pays a créé une situation révolutionnaire.

Dans de telles situations, les gens s'ouvrent à de nouvelles perspectives, remettent en question leurs opinions, et commencent à y voir clair dans les escroqueries habituelles. Il arrive tous les jours que quelques personnes vivent des expériences qui les amènent à mettre en question le sens de leur vie. Mais dans une situation radicale, presque tout le monde le fait au même moment. Quand la machine s'immobilise, mêmes les rouages commencent à songer à s'interroger sur leur fonction.

Les patrons sont ridiculisés. Les ordres ne sont pas respectés. Les séparations s'effondrent. Des problèmes individuels se transforment en questions publiques, tandis que des questions publiques qui semblaient lointaines et abstraites deviennent des questions pratiques et immédiates. L'ordre ancien est analysé, critiqué, moqué. Les gens apprennent plus de choses sur la société en une semaine que pendant des années passées à étudier les
"sciences sociales" à l'université ou à se faire endoctriner par des campagnes à répétition de "sensibilisation" progressiste. Des expériences qui ont été longtemps refoulées refont surface.(3) Tout semble possible, et
beaucoup de choses le deviennent effectivement. Les gens n'arrivent pas à croire qu'ils ont tant supporté auparavant, "en ce temps-là". Même si l'issue finale est incertaine, ils considèrent souvent que l'expérience à elle seule vaut déjà la peine d'être vécue. "Pourvu qu'ils nous laissent le temps..." a dit un des graffitistes de Mai 1968, auquel deux autres ont répondu: "En tout cas pas de remords!" et "Déjà 10 jours de bonheur."

Comme le travail s'arrête, la navette frénétique est remplacée par des promenades sans but, et la consommation passive par la communication active. Des étrangers entrent en conversation animée dans la rue. Les débats ne s'arrêtent jamais, des nouveaux venus remplaçant continuellement ceux qui partent pour se livrer à d'autres activités ou pour essayer de prendre un peu de sommeil, bien qu'ils soient généralement trop excités pour dormir longtemps. Tandis que certains succombent aux démagogues, d'autres commencent à faire leurs
propres propositions ou à prendre leurs propres initiatives. Des spectateurs sont attirés dans le tourbillon et connaissent des transformations d'une rapidité étonnante. Un bel exemple observé en Mai 1968: lors de l'occupation de l'Odéon par des foules radicales, le directeur administratif, consterné, se retira au fond de la scène. Mais après quelques minutes de réflexion, il fit quelques pas en avant et s'écria: "Maintenant que vous l'avez pris, gardez-le, ne le rendez jamais, brûlez-le plutôt!"

Certes, tout le monde n'est pas gagné tout de suite. Certains se cachent dans l'attente du reflux du mouvement, pour reprendre leurs possessions ou leurs positions, et se venger. D'autres hésitent, tiraillés entre l'envie et
la peur du changement. Une brèche de quelques jours ne suffira peut-être pas pour rompre le conditionnement hiérarchique de toute une vie. L'interruption des habitudes et des routines peut être libératrice, mais elle peut aussi désorienter. Tout se passe si vite qu'il est facile de paniquer. Même si vous avez réussi à garder votre calme, et même si ça peut paraître évident après coup, il n'est pas facile sur le moment de saisir tous les facteurs
essentiels, et de les saisir assez vite pour prendre les bonnes décisions. Une des principales ambitions de ce texte est d'indiquer certains scénarios courants, pour que les gens soient prêts à reconnaître les occasions qui se présentent et à en profiter quand il en est encore temps.

Les situations radicales sont ces moments rares où le changement qualitatif devient vraiment possible. Bien loin d'être anormales, elles laissent voir à quel point nous sommes, la plupart du temps, anormalement refoulés. À la
lumière de celles-ci, notre vie "normale" ressemble au somnambulisme. Pourtant, parmi les nombreux livres qui ont été écrits sur les révolutions, il y en a peu qui ont vraiment quelque chose à dire sur de tels moments.
Ceux qui traitent des révoltes modernes les plus radicales se limitent généralement à la seule description. S'ils évoquent parfois ce qu'on ressent à l'occasion de telles expériences, ils n'apportent rien quant aux tactiques
à adopter. La plupart des études sur les révolutions bourgeoises ou bureaucratiques ont encore moins de pertinence. Dans ces révolutions, où les "masses" n'ont joué qu'un rôle secondaire en tant que forces d'appui pour une direction ou pour une autre, on peut, dans une large mesure, analyser leur mouvements comme ceux de masses physiques, en utilisant les métaphores familières du flux et du reflux de la marée, de l'oscillation du pendule entre la radicalité et la réaction, etc. Mais une révolution antihiérarchique exige que les gens cessent d'être des masses homogènes et manipulables, qu'ils dépassent la servilité et l'inconscience qui les rendent objets de telles prévisions mécanistes.



L'AUTO-ORGANISATION POPULAIRE

Dans les années 60, on pensait généralement que la meilleure façon de favoriser une telle démassification était de former des "groupes d'affinité", c'est-à-dire des petites associations d'amis qui partagent des perspectives
et un style de vie commun. Certes, de tels groupes présentent beaucoup d'avantages.
Ils peuvent former un projet et le réaliser sans délai; il est difficile de les infiltrer; et ils peuvent se mettre en relation avec d'autres groupes du même genre quand c'est nécessaire. Mais même en laissant de côté les pièges
divers dans lesquels la plupart des groupes affinitaires des années 60 sont vite tombés, il faut reconnaître qu'il y a des matières qui exigent des organisations de grande envergure. Et à moins qu'ils ne réussissent à s'organiser
d'une manière qui rende les chefs superflus, les grands rassemblements vont vite revenir à une forme ou une autre d'acceptation de la hiérarchie.

Une des façons les plus simples pour commencer à organiser une grande assemblée, c'est de faire la liste de tous ceux qui veulent dire quelque chose, chacun étant libre de parler de ce qu'il veut pendant une durée
précise (l'assemblée de la Sorbonne et le rassemblement autour de la voiture de police à Berkeley ont établi une limitation de trois minutes, et de temps en temps on accordait une prolongation par acclamation). Certains des
orateurs proposeront des projets précis qui mèneront à la constitution de groupes plus petits et plus opérationnels ("Nous comptons, moi et quelques autres, faire telle chose. Si vous voulez y participer, vous pouvez nous rejoindre à tel endroit à telle heure"). D'autres soulèveront des questions qui se rapportent aux objectifs de l'assemblée, ou à son fonctionnement (Qui va y participer? Avec quelle fréquence va-t-elle se réunir? Comment va-t-on s'y prendre en cas de nouveaux développements urgents dans l'intervalle? Qui
sera chargé des tâches concrètes? Avec quel degré de responsabilité?). Dans ce processus, les participants reconnaîtront vite ce qui marche et ce qui ne marche pas, dans quelle mesure il faut rendre obligatoires et contrôler les mandats des délégués, si on a besoin d'un président pour faciliter le débat et pour que tout le monde ne parle pas en même temps, etc. Bien des modes d'organisation sont possibles. L'essentiel, c'est que toutes les questions restent ouvertes et soient traitées de manière démocratique et participative, que toute
tendance hiérarchique ou manipulatrice soit immédiatement mise à jour et rejetée.

Malgré sa naïveté, ses confusions et l'absence de contrôle rigoureux sur ses délégués, le FSM est un bon exemple des tendances spontanées vers l'auto-organisation pratique qui apparaissent dans une situation radicale. Une vingtaine de comités se sont formées pour coordonner l'impression, les communiqués de
presse, l'assistance judiciaire, pour trouver de la nourriture, des haut-parleurs et d'autres choses utiles, ou pour réunir les volontaires qui avaient signalé leurs compétences et leur disponibilité. Au moyen de réseaux
téléphoniques (chacun appelle dix autres, dont chacun doit appeler à son tour dix autres...), il était possible de contacter à bref délai plus de vingt mille étudiants.

Mais au-delà des questions d'efficacité pratique, les révoltés enfonçaient toute la façade spectaculaire et goûtaient un peu de la vie réelle, de la communauté réelle. Un des participants a estimé qu'en l'espace de quelques mois il est parvenu à connaître, ne fût-ce que vaguement, deux ou trois mille personnes; et cela dans une université qui était connue pour avoir "transformé les gens en numéros". Un autre participant a écrit d'une manière émouvante: "Affrontant une institution apparemment destinée à nous frustrer en dépersonnalisant et en bloquant la communication, une institution qui manquait d'humanité, de grâce et de sensibilité, nous avons trouvé, s'épanouissant en nous-mêmes, la présence dont nous déplorions au fond l'absence."(4)

Une situation radicale doit prendre de l'ampleur, ou s'effondrer. Dans certains cas exceptionnels, un lieu particulier peut servir de base permanente, de foyer pour la coordination, ou de refuge contre la répression. Sanrizuka, zone rurale près de Tokyo qui fut occupée par les agriculteurs dans les années 70 pour bloquer la construction d'un nouvel aéroport, a été défendue avec tant d'acharnement et tant de succès pendant les années qu'elle est devenue le quartier général de nombreuses luttes en cours dans tout le pays. Mais un lieu fixe favorise la manipulation, la surveillance et la répression, et le fait d'y être cloué pour le défendre interdit la liberté de mouvement. Les situations radicales se caractérisent toujours par une circulation intense. Alors qu'un certain nombre de gens convergent sur les endroits clé à l'affut des événements, d'autres se déploient de là dans toutes les directions pour étendre la contestation à d'autres régions.

Une mesure simple mais essentielle dans n'importe quelle action radicale, c'est que les participants communiquent ce qu'ils font réellement, et disent pourquoi ils le font. Même s'ils n'ont pas fait grand-chose, une telle communication est exemplaire en elle-même: elle relance le jeu sur une plus large échelle, incite à élargir la participation, et permet en outre de réduire les méfaits des rumeurs et des informations médiatiques, ainsi que l'influence des porte-parole auto-proclamés.

Cette communication représente également un pas essentiel vers l'auto-clarification. La proposition d'envoyer un communiqué commun entraîne des choix concrets: Avec qui voulons-nous communiquer? Dans quel but? Qui s'intéresse à ce projet? Qui est d'accord avec cette déclaration? Qui n'est pas d'accord? Sur quels points? Tout cela peut mener à une polarisation, dans la mesure où les gens envisagent les développements possibles de la situation, se mettent au clair, et se regroupent avec ceux qui pensent comme eux pour poursuivre divers projets.

Une telle polarisation clarifie la situation pour tout le monde. Chaque tendance reste libre de s'exprimer et de mettre ses idées en pratique, et les résultats peuvent se distinguer plus clairement que si des stratégies
contradictoires étaient confondues dans des compromis où tout est réduit au plus petit dénominateur commun. Quand les gens prendront conscience de la nécessité de se coordonner, ils le feront. En attendant, la prolifération d'individus autonomes est bien plus fructueuse que cette "unité" superficielle et ordonnée d'en haut à laquelle nous appellent sans relâche les bureaucrates.

Le nombre rend parfois possible des actions qui seraient imprudentes pour des individus isolés. Et certaines actions collectives (des grèves ou des boycotts, par exemple) exigent que les gens agissent à l'unisson, ou au
moins qu'ils n'aillent pas à l'encontre d'une décision majoritaire. Mais des individus ou des petits groupes peuvent se charger directement de beaucoup de choses. Mieux vaut battre le fer pendant qu'il est chaud que perdre son temps à essayer de réfuter les objections de masses de spectateurs qui restent encore sous l'emprise des manipulateurs.

[Extraits de "La Joie de la Révolution". Le texte intégral se trouve http://www.bopsecrets.org/French/joyrev.htm .]



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"Faire danser les conditions pétrifiées en leur chantant leur propre mélodie."
Ecrit par Cercamon, à 12:28 dans la rubrique "Pour comprendre".



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