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Adieu à la gauche (2/7)
--> Adieux à l'organisationnalisme : "Je suis venu te dire que je m'en vais et tes larmes n'y pourront rien changer…"

Lu sur Les cahiers d'Anne Archet : "Quand j’étais gamine, une des histoires que ma mère me racontait avant de m’endormir (et dieu sait qu’elle était efficace, puisque je ronflais toujours au bout de deux minutes) s’intitulait La pitoyable aventure du maoïsme québécois. Elle me racontait que ses copains maos n’avaient qu’une seule obsession, celle de construire un parti d’avant-garde représentant les intérêts du prolétariat1. Répartis dans deux organisations jumelles et férocement concurrentes (En lutte! et la Ligue communiste marxiste-léniniste) les adeptes du grand timonier formaient une armée de militants recevant des ordres et des enseignements d’une direction éclairée et strictement centralisée. Possédant par définition la « ligne juste », ils présentaient l’adhésion de leur parti en construction comme la seule voie possible pour une véritable émancipation de la classe ouvrière. Non seulement les autres partis de gauche, mais aussi tous les groupes sociaux, mouvements radicaux et même les garderies coopératives devaient se soumettre à la « lutte principale », celle du prolétariat contre la bourgeoisie (donc celle de la construction du parti maoïste). Jouant sur la culpabilité petite-bourgeoise de leurs concurrents, les deux organisations maos ont réussi à phagocyter ou saborder l’essentiel de ces groupes, attirant à eux les militants les plus actifs et les plus doués.

En 1979, la direction de la Ligue et celle d’En Lutte!, jugeant les conditions favorables, décidèrent de transformer leurs organisations en parti – le PCO et l’OMLCEL. Plutôt qu’annoncer l’aube rouge de la révolution prolétarienne, cette victoire annonça la défaite de l’extrême-gauche, les deux partis maos connaissant immédiatement une crise profonde menant à leur dissolution simultanée en 1982. Leur seule réalisation concrète fut d’avoir dégoûté durablement toute une génération de révoltés de toute action révolutionnaire.

Cette belle histoire a une morale : l’action politique et l’obsession organisationnelle ne mènent pas à un monde meilleur. Évidemment, l’exemple des maos, avec leurs slogans décervelés et leur obéissance robotisée constitue un cas extrême. Mais il reste représentatif de cette caractéristique des plus agaçantes de la gauche, qui est sa conviction que la lutte contre l’oppression et l’exploitation est essentiellement un programme politique qui doit être assumé par un parti et qui doit être réalisé à n’importe quel prix et par n’importe quel moyen. Or, cette approche ne peut que contredire plusieurs principes fondamentaux de l’anarchie.

Premièrement, la politique implique une coupure entre ceux qui décident et ceux qui mettent en application ces décisions. Elle implique aussi l’existence d’institutions chargées de prendre ces fameuses décisions et veiller à leur exécution. La séparation et l’institutionnalisation inhérentes à la politique sont en soi autoritaires parce qu’elles exigent que les décisions soient prises avant même qu’adviennent les circonstances auxquelles elles s’appliquent. Les décisions politiques prennent toujours la forme de règles générales qui doivent être systématiquement appliquées lors de certaines situations, quel que soit le contexte ou les circonstances particulières.

Deuxièmement, une conception politique de la lutte a pour conséquence inévitable de concentrer le pouvoir dans ces institutions décisionnelles et exécutives. Le programme de la gauche a toujours été d’influencer, de conquérir ou de créer des versions alternatives de ces institutions. En d’autres mots, l’objectif premier de la gauche a toujours été de changer et non de détruire les relations de pouvoir institutionnalisées.

Or, l’anarchie, même prise dans sa simple définition étymologique, vise l’abolition des relations de pouvoir institutionnalisées. Les anarchistes ont toujours rejeté le principe d’une révolution politique et ont toujours considéré que la lutte révolutionnaire n’est pas un programme politique mais la lutte d’individus pour la réappropriation globale de leur vie. Une telle conception est éminemment anti-politique ; en d’autres mots, l’anarchie s’oppose à toutes les formes d’organisation sociale, ainsi qu’à toutes les méthodes de lutte où les décisions qui concernent la vie et la lutte sont institutionnellement séparées de l’exécution, quelque soit le degré de participation démocratique du processus décisionnel.

En plus d’être politique, la gauche est organisationnelle, c’est-à-dire qu’elle considère que l’organisation, que ce soit un parti ou un syndicat, est le principal sinon le seul moyen d’action. L’organisation représente la lutte ; sa construction et sa croissance sont l’expression concrète du programme de gauche. Si les militants impliqués dans cette activité se définissent comme anarchistes et révolutionnaires, alors l’organisation se met pour eux à représenter la révolution et l’anarchie. La puissance de l’organisation se confond ainsi avec la force et la puissance de la lutte révolutionnaire et anarchiste.

Un exemple flagrant de ce phénomène est la révolution espagnole. Les dirigeants de la CNT et de la FAI, après avoir inspiré aux ouvriers de Catalogne et aux paysans d’Aragon le désir de se saisir des moyens de production, non seulement ne démantelèrent pas leur organisation pour les laisser explorer librement le jeu de la vie sociale selon leurs propres désirs, mais s’en servirent pour s’instituer gestionnaires étatiques de la production. Cette gestion fut dans le meilleur des cas aussi incompétente que celle des oligarques et des capitalistes et surtout n’eut que très peu à voir avec les principes autogestionnaires de la FAI-CNT pré-révolutionnaire 2.

Lorsque la lutte contre l’ordre établi est isolée des individus effectivement en lutte et placée entre les mains d’une organisation, cette lutte cesse d’être un projet libérateur pour ces individus et ne devient qu’une cause extérieure à laquelle ils adhèrent. Parce que cette cause est indissociée de l’organisation, l’activité principale des individus qui y adhèrent est l’entretient et l’expansion de l’organisation. Ainsi, la prochaine fois qu’un gauchiste vous fera un sermon sur l’importance de l’organisation hiérarchique au nom de l’efficacité, comprenez que la seule efficacité qu’une telle organisation peut atteindre est celle de s’organiser hiérarchiquement.

Ne vous méprenez pas : je ne dis pas que toute forme d’organisation est à rejeter. Je dis tout simplement que l’organisation politique, permanente et hiérarchisée est non seulement inutile mais dangereuse. Toute organisation doit d’abord avoir comme base l’individu libre et autonome, car une organisation qui menace l’autonomie individuelle ne peut prétendre lutter pour une societe libertaire. Toute organisation doit prendre la forme d’une libre association, ce qui signifie que les gens sont libres de s’associer avec les individus de leur choix, de la façon qu’ils le désirent et qu’ils peuvent aussi se dissocier et même refuser l’association si c’est leur choix. Toute organisation doit explicitement rejeter l’autorité hiérarchique et doit être simple, petite, informelle et temporaire, car plus une organisation dure longtemps, plus elle risque de devenir rigide, sclérosée et dominatrice.

Autrement dit, la différence entre les anars et les gauchistes, c’est que les anars veulent que vous vous organisiez par vous-mêmes, alors que les gauchistes veulent vous organiser. Les gauchistes ont une seule obsession : vous recruter dans leur organisation pour que vous puissiez servir leur cause. Ils favorisent l’unité idéologique, stratégique et tactique grâce à l’autodiscipline (qui plus souvent qu’autrement la forme d’une autorépression) quand c’est possible, ou la discipline organisationnelle sous forme de sanctions quand c’est nécessaire. D’une façon ou d’une autre, on exige de l’individu qu’il abandonne toute forme d’autonomie et marche sans discuter sur un chemin tracé d’avance par un leadership génial et claivoyant.

Voilà une bonne raison de dire adieu à la gauche, non ?

Anne Archet
    Notes


  1. Le texte fondateur du maoïsme québécois, le Pour le parti prolétarien de Charles Gagnon illustre bien par son seul titre le programme des maos… [retour]

  2. Pour une analyse des carences de la CNT et de la FAI à l’époque de la guerre civile, je vous recommande évidemment Enseignement de la révolution espagnole de Vernon Richards [retour]

Adieu à la gauche (1/7)

Ecrit par libertad, à 21:06 dans la rubrique "Pour comprendre".



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