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Lu sur Les cahiers d'Anne Archet : "Dès son apparition comme mouvement radical au milieu du XIXe siècle, l’anarchisme a été associé à la gauche. William Godwin, qu’on reconnaît habituellement comme le premier anarchiste moderne, frayait avec l’aile radicale des whigs britanniques. On voyait régulièrement Stirner fumer ses cigares chez Hippel en compagnie des hégéliens de gauche. Élu député en 1848, Proudhon siégea avec l’extrême-gauche à l’Assemblée de la Seconde république française. Sans parler de Bakounine, qui joua le rôle qu’on connaît au sein de l’AIT – lorsqu’il ne courrait pas d’une barricade à l’autre de Dresde à Lyon. Cette association a toutefois toujours été difficile. Je pourrais vous citer des exemples jusqu’à demain matin mais ils sont si sanglants que je préfère m’abstenir. Disons seulement que les militants de gauche qui ont eu accès au pouvoir1 ont toujours considéré l’objectif anarchiste de transformation radicale de la vie, ainsi que le principe stipulant que les fins et les moyens sont indissociables comme des obstacles, voire même des dangers potentiels pour l’atteinte de leurs propres objectifs politiques.
Le mariage entre les anars et la gauche – qu’on ne peut qualifier ni d’amour ni de raison – a pourtant duré presque deux cent ans. Les militants, les théoriciens et les groupes anarchistes ont ainsi occupé au cours de ces deux siècles une niche minuscule de la constellation éclectique de la gauche révolutionnaire : celle de la « gauche de toutes les gauches » ou alors celle, encore plus pitoyable, de la « conscience de la gauche ». Dans la plupart des principales insurrections et révolutions de cette époque, les gauchistes2 autoritaires ont tenu le haut du pavé, repoussant chaque fois les anars un peu plus dans la marge. Qu’ils furent libéraux, sociaux-démocrates, tiers-mondistes, altermondialistes, socialistes ou communistes, les gauchistes adhérèrent massivement au courant autoritaire, soucieux de justice et d’égalité, mais favorisant l’action politique à travers des organisations hiérarchiques dont les principales caractéristiques furent un leadership professionnel, des idéologies dogmatiques (surtout en ce qui concerne les courants marxistes), un moralisme à tout crin et un dégoût envers la liberté individuelle et les initiatives autonomes de créer des communautés authentiquement non-hiérarchiques et libertaires.
Principalement après leur expulsion de la Première internationale, les anars se sont trouvés devant un dilemme :soit ils situaient leurs critiques quelque part dans les marges de la gauche, soit ils rejetaient en bloc le gauchisme au risque d’être isolés et oubliés. Puisque la majorité des anars sont justement devenus anarchistes en quittant des organisations gauchistes jugées trop autoritaires, il n’est guère surprenant qu’ils choisirent pour la plupart la première alternative. L’anarcho-syndicalisme est probablement le meilleur exemple de cet anarcho-gauchisme. Il a permis aux anars d’épouser les idéologies et les méthodes de la gauche pour lutter pour une vision gauchiste de la justice sociale, tout en adhérant simultanément aux valeurs anarchistes d’action directe, d’autogestion ainsi qu’à certaines valeurs culturelles libertaires. Il en va de même pour les adeptes du plateformisme de Makhno et Archinov, qui ont poussé si loin le flirt avec l’autoritarisme de la gauche qu’on arrive à se demander s’il s’agit encore d’anarchisme.3 Certains anars ont enfin fait le pari de se noyer carrément dans des organisations de gauche qui n’adhèraient que marginalement, sinon pas du tout, aux valeurs libertaires, simplement parce qu’ils ne voyaient (ou n’arrivaient pas à imaginer) aucune manière de lutter directement en compagnie d’autres anars… qui étaient eux-mêmes noyés dans d’autres organisations gauchistes concurrentes.
Peut-être serait-il temps pour les anarchistes de l’ombre de la gauche, maintenant que les vestiges de sa force passée sont en pleine implosion. Qui sait ? Si suffisamment d’anarchistes se dissocient de la myriade d’échecs, de palinodies et de purges de la gauche, peut-être pourront-ils finalement parler et agir par eux-mêmes, pour eux-mêmes. Ce faisant, ils pourraient même inspirer une nouvelle génération de révoltés, qui seraient cette fois-ci moins susceptibles de compromettre leurs idéaux dans des tentatives chimériques de maintenir un front commun avec une gauche politique qui s’est historiquement opposée à toutes les expériences libertaires. Parce qu’un examen même sommaire de l’histoire nous le confirme : les révolutionnaires libertaires, toutes tendances confondues, se sont vu refuser l’adhésion à l’immense majorité des organisations politiques de gauche, ou alors ont été réduits au silence par celles qui les ont acceptés. Et surtout, les anars ont été persécutés, emprisonnés, torturés et assassinés par tous les gauchistes qui ont réussi à obtenir le pouvoir politique ou les ressources organisationnelles pour le faire.
Pourquoi un tel conflit entre la gauche et les anars fut-il inévitable ? Parce que la gauche et les anarchistes portent deux visions profondément différentes du changement social, des visions incarnées par des critiques et des pratiques distinctes. Les anars – particulièrement les individualistes, qui entrer tous s’identifient le moins à la gauche – refusent de s’organiser de manière à ce que soit créé une leadership isolé du reste de la société, refusent la hiérarchie et l’inévitable manipulation qui est le lot de toute organisation de masse, et refusent l’hégémonie qu’une quelconque idéologie doctrinaire. La gauche, quant à elle, adhère systématiquement à des pratiques représentatives dans lesquelles des organisations de masses sont soumises à un leadership séparé fait d’intellectuels idéologues et de politiciens opportunistes. En adoptant cette pratique, le parti finit par se substituer au mouvement de masse, et la direction du parti finit par ses substituer au parti. En réalité, la fonction première de la gauche au sein du capitalisme a toujours été de récupérer intégralement chaque lutte sociale capable de confronter le capital et l’État, ce qui a eu pour conséquence de consolider l’accumulation du capital, le salariat, la domination étatique en les couvrant d’une logorrhée révolutionnaire faite de références vides à la liberté et à la justice sociale.
Ma conviction est que l’anarchie ne peut se réaliser qu’à l’extérieur de la logique gauchiste. Un divorce entre les anars et ce qui reste de la gauche est selon moi plus que nécessaire, et ce divorce exige minimalement un rejet de l’organisationnalisme, du démocratisme, du progressisme, de l’identitarisme et l’idéomanie de la gauche.
Anne ArchetCommentaires :
nanar |
merciun grand merci pour cette contribution.
ton texte est interessant et pose bien LE problème que le "mouvement anarchiste" (si j'ose encore appeler ca mouvement) reconcontre actuellement (en fait pas pas qu'actuellement) sortir de la logique du pouvoir qu'il soit de gauche ou de droite est notre priorité, il est bon de rappeler que les ennemis ne sont pas toujours les plus visibles... en collaborant avec des personnages tout aussi avides de pouvoir que n'importe quel fasciste, nous ne faisons qu'entretenir un feu qui nous brule.... à quand les manifestations anarchistes (anti-gauche comme anti-droite) ?!? Répondre à ce commentaire
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bidbei 06-03-06
à 12:48 |
Re: merciil y en a quelques fois à Toulouse organisées par la CNT-AIT (notament le 1er mai), mais celles-ci sont qualifiées de rassemblements sectaires et tous les noms d'oiseaux qui vont avec. On est tous d'accord sur le papier mais force est de constatée qu'une orga qui rompt définitivement avec la gauche est traitée de secte dés qu'elle bouge le petit doigt ...
ps: je tiens à préciser que je ne suis pas militant de l'AIT, ni même d'aucune orga Répondre à ce commentaire
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les marques 06-03-06
à 12:50 |
euh .... j'en profite pour conseiller à certainEs ... de jeter un oeil sur certains des textes d'anne archet ... qui font entendre une petite vois trés joyeuse, paillarde même, sur le "cul" ..... pasque le privé est politique et qu'il n'est pas toujours névrose .... Répondre à ce commentaire
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sebiseb 06-03-06
à 19:37 |
Ni gauche, Ni droite, Ni casque à pointe.. PARABELLUM !
Je ne me suis jamais senti plus de gauche que de droite. Les anarchistes sont bien au-dessus de tout ça :D Répondre à ce commentaire
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provisoire 06-03-06
à 20:03 |
Re: euh... je réagis...Moi, je ne me sens pas au-dessus de quoi que ce soit, et surtout pas de qui que ce soit... et en plus si volo pacem, nolo parare bellum...
Cela dit, l'ébahissement et la perplexité de bien de mes camarades anarchistes lorsque je leur dis que je ne suis pas "de gauche"... (— Mais ?... t'es pas de droite ?...) Ben non... justement... alors merci pour ce texte...) Répondre à ce commentaire
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Laure dit "maurice" 06-03-06
à 20:35 |
les communistes libertaires...je remerci, a mon tour, anne pour son texte.
mais au gens de la CNT se retrouvant dans ce texte je pose la question suivante: que fais tu encore dans cette confederation sur-hierarchisee, pleine de cocos se disant libertaire et dont certaines ailes, comme la FAL, utilisent les pires methodes qu on a pu voir les trotsko employer au cours de l Histoire. Il est temps de donner une meilleur image de l anarchie et de mettre fin a cette farce qu est la CNT, non pas par la force mais par les idees! Répondre à ce commentaire
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Anonyme 07-03-06
à 11:30 |
Re: les communistes libertaires..."mais au gens de la CNT se retrouvant dans ce texte ", si tu fais référence à Bidbei, elle a dit qu'elle n'était pas de la CNT-AIT. Par ailleurs, Bidbei parlait de la CNT-AIT qui n'est pas la CNT dite vignoles à laquelle tu fais référence. Pourrais-tu préciser par ailleurs tes propos relatifs à la CNT-FAL (section lycéenne, c'est cela?), je ne suis pas au courant de cette histoire. Répondre à ce commentaire
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Mondalanvair 07-03-06
à 13:40 |
le doigt dans l'oeil, avec méthodeAnne Archet a des visions de femme saoule : on voit mal pourquoi les anarchistes auraient jamais eu à se "marier"-sic- avec la gauche vu qu'ils SONT, la gauche. D'aucuns assurent même, que malgré des choix parfois erronés, ils et elles constituent ce que la gauche peut produire de meilleur.
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provisoire 07-03-06
à 17:22 |
Re: le doigt dans l'oeil, avec méthodeÇa veut dire quoi, au juste, des "visions de femme saoule" ?
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Laure dit "maurice" 07-03-06
à 20:09 |
Re: Re: les communistes libertaires...en faisant reference a la FAL, je voulais parler des nombreux membres la constituant s' appparentant aux mouvements redskins comme le RASH, SCALP... Bien qu ayant plusieurs amis dans leurs rangs se disant mes freres anarchistes, je ne voit pas comment ils peuvent concilier le rouge et l anarchie, rash signifiant, pour ceux qui l ignoraient: RED and anarchist skinhead. J ai de nombreux point commun ds les ideologie avec eux mais, dans ma vision de l anarchie, je ne jamais pourrai considerer des communistes libertaires dans leurs chants (brigada flores magon), leurs pensees les plus rouges et leurs methodes violentes se rapprochant, encores une fois, de celle des trotsko comme mes "freres anarchistes".
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gyhelle 08-03-06
à 12:12 |
Re: Re: Re: les communistes libertaires...je ne voit pas comment ils peuvent concilier le rouge et l anarchieJe t'aide : ça s'appelle le socialisme. Répondre à ce commentaire
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Mondalanvair 08-03-06
à 18:32 |
Re: Re: le doigt dans l'oeil, avec méthode(pour 7/3/06, 17h22) une des premières manifestations de l'ébriété est en principe, celle qui consiste à ne plus pouvoir distinguer sa gauche, de sa droite
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detred 08-03-06
à 21:32 |
Re: Re: Re: Re: les communistes libertaires...gyhelle, si c'est ça le sociaisme, il est mort RIP Répondre à ce commentaire
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gyhelle 09-03-06
à 10:11 |
Re: Re: Re: Re: Re: les communistes libertaires...si c'est ça le sociaisme, il est mortEffectivement, le PS est capitaliste radical, le PC et les autres courants autoritaires sont devenus keynesiens, l'anarchisme est inexistant. Répondre à ce commentaire
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à 11:20