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AUTONOMADIE
--> Nomades d’hier et d’aujourd’hui
Lu sur Homnisphères : "Le terme “ nomade ” évoque à l’origine le pastoralisme. Ainsi, le mot grec nomado dérive du verbe nemein, signifiant “ paître ”. Traditionnellement, à cette catégorie de pasteurs, s’ajouteront d’autres types de populations nomades, en particulier les chasseurs cueilleurs. Les nomades ont partout à affronter l’Etat, ses représentants garants de la sédentarité et chargés de les fixer, de les surveiller, parfois de les intégrer et d’autres fois de les réprimer. L’incompréhension demeure grande entre la société sédentaire et la société nomade. La première se méfie de la seconde car elle n’est ni stable géographiquement, ni prévisible socialement, ni programmable économiquement. Les nomades sont de fait les derniers résistants contre la société dominante. Une résistance essoufflée et menacée pour beaucoup d’entre eux, les plus fragiles et les plus démunis. Les nomades sont des habitants des confins naturels (déserts, forêts, steppes, etc.) mais aussi des confins sociaux (exclusion, lisières, camps, frontières, etc.). Ils représentent l’envers du monde des sédentaires qui ne parviennent pas à assumer cette parenté. Les nomades sont la chance des sédentaires du futur. Ils ont conservé le sens de la liberté et la pratique de l’autonomie que les sédentaires ont jetée dans les poubelles de l’histoire ou sacrifié sur l’autel de la société de consommation. Sans l’apport de leur regard, les sédentaires - autrement dit nous tous ou presque - ne parviendront plus à voir au loin. Leur errance est la trace indélébile de notre liberté perdue, et pour la retrouver, cela exige de notre part une refondation radicale du mode d’être et de penser de notre civilisation vidée d’utopies. Le nomadisme nous impose de prendre en compte la diversité, si nécessaire à notre éveil à l’autre et à l’ailleurs.



L’Etat est aussi avide de pouvoir qu’il récuse sans ménagement toute idée de nomadisme. Opposé au sédentaire-rangé, le nomade-errant est l’ennemi désigné : “ C’est vrai que les nomades n’ont pas d’histoire, ils n’ont qu’une géographie. Et la défaite des nomades a été telle, tellement complète, que l’histoire n’a fait qu’un avec le triomphe des Etats ” (Deleuze, Guattari, 1980). Le nomadisme est à ce jour le rapport le plus équilibré que l’homme ait instauré avec son environnement. Une liberté qui dérange et qui, rappelait André Bourgeot dès 1994, serait d’un apport considérable pour un regain d’humanité dans le monde troublé actuel. Un monde plus turbulent qu’en mouvement : “ N’est-il pas temps d’envisager des conventions spéciales sur le nomadisme, qui favoriseraient une gestion plus souple des frontières, assureraient l’assise spatiale transnationale et l’homogénéité culturelle de chaque communauté ? Ces conventions devraient conduire à l’élaboration d’une charte sur la transhumance, qui suppose, d’une part la mise en place simultanée de codes fonciers susceptibles de régir l’accès aux ressources, d’autre part la reconnaissance d’un foncier pastoral qui réponde enfin aux intérêts des pasteurs-nomades ” (Bourgeot, 1994). Et tant d’autres voies humaines restent à ouvrir, et tant de nouveaux droits humains à conquérir...

Le Livre vient à la rescousse du sédentaire en mal d’arguments pour lui rappeler son “ bon droit ” sur le nomade. Maudit par Dieu, Caïn va gérer son errance forcée avec un dynamisme sans pareil qui ferait rougir d’envie le Bédouin le plus affairé. Du juif errant au pâtre grec en passant par le marchand palestinien et le pêcheur philistin, le nomade, vu sous l’angle biblique, n’en finit pas de personnaliser l’Apocalypse. Dans une saine réécriture des Saintes Ecritures, le philosophe Louis Sala-Molins nous convie, dans Le livre rouge de Yahvé, à une relecture bienheureuse et critique de la légende dorée de Dieu, de ses messages divins à ses ravages humains : “ D’agriculteur qu’il était, Caïn devint bâtisseur entrepreneur. Il aurait dû être maso pour rester dans la FNSEA, puisque Yahvé lui avait dit que rien ne pousserait là où il labourerait. Il bâtit une ville qu’il nomma Hénok en l’honneur de son fils. Les descendants d’Hénok inventèrent la bigamie et le nomadisme, les instruments à corde, les instruments à vent et la musique instrumentale, la forge du cuivre et celle du fer. Ils inventèrent tout, tout simplement. Et le temps libre, par-dessus le marché ” (Sala-Molins, 2004). Le chaos menace. Et cela fait beaucoup trop de tout et d’atouts pour que Dieu n’intervienne pas dans les affaires humaines, histoire de gérer les flux à sa manière et d’accuser d’une main de fer, comme il sait si bien le faire, l’idée nomade qui nourrit - on ne cesse de nous l’expliquer depuis des lustres - l’oisiveté et l’excès de liberté (est-il seulement possible d’être en “ excès ” de liberté ?). Un danger permanent pour un monde qui se cherche, et qui cherche à s’installer, si possible avec l’aide de Dieu et encore mieux dans son jardin. Autrement dit, le nomadisme est pointé du doigt de la main même de Dieu puisqu’il s’oppose avec obstination à la promesse d’un univers “ prospère ” et “ sécurisé ”, aussi divin que matériel, qui souhaite s’inscrire dans la durée pour mieux contrôler l’espace, conquérir des territoires, affirmer son autorité, asseoir son pouvoir...

Le nomade est par essence subversif, marginal et, par conséquent, suspect pour les sédentaires trop confortablement rivés et installés dans leurs certitudes. Dieu des voyageurs, des commerçants et des voleurs, Hermès est également, nous signale Thierry Goguel d’Allondans, “ un aventurier, continuellement en mouvement parce qu’il est le dieu de l’imprévu et de l’implicite, il demeure paradoxal. Son autorité naturelle, ses prises de risque, ses renoncements, son art d’interpréter (notamment les oracles) en font un dieu éminemment subversif, et à ce titre résolument postmoderne ” (Goguel d’Allondans, 2003). Le rêve prométhéen de forger l’homme aussi parfait qu’idéal s’oppose à l’action d’Hermès qui est de penser l’homme nomade et de provoquer la rencontre entre les humains, quels qu’ils soient. Hermès n’a pas l’assurance de Prométhée, il n’a pas de vérité à faire partager mais une voie à tracer, forcément semée tantôt d’embûches tantôt de ces petits bonheurs qui font les grandes joies de la vie. En ce sens, replié dans sa conception sécuritaire et confortable de la vie sociale, tout sédentaire enviera toujours l’être des passages que symbolise le nomade, si fier de sa liberté d’aller, d’errer et de penser ! Dans La Poétique de l’espace, pour Gaston Bachelard, “ la maison est notre coin du monde ”, pour moi le coin du monde est la maison, où qu’elle se trouve. Selon lui, la maison protège le rêveur et nous permet de vivre en paix. Si l’humanité commence avec le feu puis avec le foyer qui l’accompagne, quand on passe du cru au cuit, le voyage commence quant à lui lorsque le sédentaire laisse exprimer - donc échapper - la part de nomadisme en lui.

Le nomade est la figure mythique du désir de dehors ; le pèlerin, sorte de nomade intérieur, celle du désir de dedans. Mais le besoin de mouvement et le rite du départ sont partagés par le nomade et le pèlerin. Pour le voyageur au long cours, le départ relève parfois du parcours initiatique. Isabelle Eberhardt, femme de lettres et de voyages disparue il y a exactement un siècle, résume ainsi le passage à l’acte du partir, lorsque vient le moment tant attendu du grand départ : “ Prendre la décision, rompre tous les liens par lesquels la vie moderne et la faiblesse de notre cœur nous ont enchaînés, nous armer symboliquement de la besace et du bâton de pèlerin, et partir ” (Cité in Courrier de l’Unesco, 1994). Franchir le seuil, c’est donc couper les ponts. Tout voyage véritable traverse l’expérience de la rupture.

Le trajet nomade répand et répartit les hommes dans un espace ouvert. Le nomade circule et vit à l’intérieur de son territoire : “ Le nomade se distribue dans un espace lisse, il occupe, il habite, il tient cet espace, et c’est là son principe territorial. Aussi est-il faux de définir le nomade par le mouvement. (...) Alors que le migrant quitte un milieu devenu amorphe ou ingrat, le nomade est celui qui ne part pas, ne veut pas partir, s’accroche à cet espace lisse où la forêt recule, où la steppe et le désert croissent, et invente le nomadisme comme réponse à ce défi ” (Deleuze, Guattari, 1980). L’habitat relève davantage d’un itinéraire que d’un territoire : “ Si le nomade peut être appelé le Déterritorialisé par excellence, c’est justement parce que la reterritorialisation ne se fait pas après comme chez le migrant, ni sur autre chose comme chez le sédentaire ”. Pour le nomade, “ c’est la déterritorialisation qui constitue le rapport à la terre, si bien qu’il se reterritorialise sur la déterritorialisation même ” (Deleuze, Guattari, 1980). Au fond, l’idée de territoire, de terroir par extension, est aussi étrangère au nomade que ne l’est l’idée reçue entretenue par le sédentaire-autochtone qui consiste à faire croire que le nomade est un “ étranger ” là où il pose le pied.

Zygmunt Bauman distingue une nouvelle et féroce hiérarchie de la mobilité mondiale qui se met progressivement en place. Un fossé se creuse en effet entre le monde d’en haut et celui d’en bas : “ Pour le premier, le monde de la mobilité mondiale, l’espace n’est plus une contrainte, on peut le traverser facilement, sous sa forme ‘réelle’ ou sous sa forme ‘virtuelle’. Pour le deuxième, le monde de ceux qui sont ‘cloués’ à la localité, qui ne peuvent pas se déplacer, et qui doivent donc subir passivement tous les bouleversements que connaît la localité dont ils ne peuvent partir, l’espace est bien réel, et les enferme peu à peu ” (Bauman, 1999 : 135). Les habitants du premier monde n’ont pas de temps tandis que ceux du deuxième monde en ont à revendre. Les premiers vivent trop vite, les seconds trop lentement. Les uns et les autres ne se rencontrent pas même s’ils partagent fortuitement le même moyen de transport ici ou là : ainsi, comme je l’ai abordé ailleurs (Michel, 2004), un SDF peut-il voyager côte à côte avec un VRP dans un train... Deux voyageurs que tout semble séparer, à l’exception de la banquette qu’ils partagent ! La tentation manichéenne d’explication des formes de nomadisme n’est jamais loin. Et l’on voit déjà en filigrane, les hyper actifs s’opposer aux oisifs, les inclus aux exclus, les gagnants aux perdants. Bref, les gens en voyage aux gens du voyage. Comme le dit encore crûment mais justement Zygmunt Bauman dans Le coût humain de la mondialisation : “ Les vagabonds constituent le déchet d’un monde qui se consacre entièrement au service des touristes. (...) Les touristes voyagent parce qu’ils le veulent ; les vagabonds parce qu’ils n’ont pas le choix. On pourrait dire que les vagabonds sont des touristes involontaires ” (Bauman, 1999). L’univers de la mobilité offre un mystérieux panel de “ choix ” bien hétéroclite...

Ref AUT 9305 - Format 12,5 / 17,5

256 pages

ISBN : 2-915129-10-X - Prix : 14 €
Ecrit par libertad, à 22:50 dans la rubrique "Pour comprendre".

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