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L'En Dehors


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[TGV Lyon-Turin] Le bâton et la carotte
--> VAL SUSA : LA LOI DU PLUS FORT
Lu sur Indymédia Grenoble : "Les derniers événements relatifs à la lutte de la population entière du Val de Suse contre le TGV permettent quelques brèves réflexions en marge des faits. Au cours du dernier mois, en fait, on est passés des études et des débats, des confrontations théoriques favorables ou défavorables au TGV, à un affrontement sur le terrain, du fait de la décision, par les fauteurs du TGV, de commencer les travaux avant le 31 décembre, sans tenir compte de l'avis des citoyens de la vallée de Suse.



Rappelons que le chantier dont on débat aujourd'hui, c'est-à-dire un tunnel ferroviaire de plus de 50 km entre la France et l'Italie, doit être réalisé par des entreprises privées italiennes ou de l'Union Européenne, alors que les financements seront publics. La valeur de l'équipement tourne autour des 15 milliards d'euros, susceptibles d'augmenter et de toutes façons insuffisants pour couvrir d'autres parties essentielles du tracé. Les estimations pour un chantier de cette envergure parlent de 15-20 années de travail avec la circulation quotidienne de 500 camions dans la vallée.



Outre les évidents arguments écologiques (la dévastation de la vallée), l'opposition au TGV se base sur des arguments économiques, en premier lieu le déséquilibre entre les coûts et bénéfices de la vitesse du trafic, ainsi que la concurrence du tunnel du Gothard presque terminé, ou encore le manque de normes qui puissent soutenir le ferroutage et pénaliser le transport par camions, normes qui pourraient déjà servir à une plus grande utilisation de la ligne ferroviaire actuelle (qui stagne aujourd'hui à 38% de ses capacités), etc.



L'écrasante majorité des autorités politiques départementales, régionales et nationales, ainsi que le maire de Turin, sont favorables au TGV, décrit comme un chantier qui insèrera l'Italie dans le réseau de transport européen : comme si un tel lien n'avait jamais existé jusqu'à aujourd'hui. Les fauteurs du TGV se disent chevaliers du développement et de l'intérêt national, pourfendeurs de l'égoïsme localiste et rétrograde des populations du val de Suse. Les fauteurs du TGV proclament la nécessité de grands travaux pour avancer avec son temps. Le tunnel dont on parle entre l'Italie et la France ou le pont sur le détroit de Messine sont considérés comme indispensables pour la croissance.



L'attitude bipartisane [de droite comme de gauche] favorable aux grands travaux se conjugue avec la participation directe aux phases de projet et de réalisation des mêmes travaux par des entreprises liées aussi bien à la droite qu'à la gauche. Dans l'affaire TGV sont impliquées des sociétés liées à la famille du ministre [de l'équipement] Lunardi, ainsi que la CMC de Ravenne, enseigne qui regroupe des coopératives rouges de BTP capables d'opérations de cette envergure, donc gérées comme des entreprises aux dimensions adéquates, aussi bien sur le plan de la masse salariale que sur celui des financements mobilisables. Le projet de pont sur le détroit de Messine a trouvé dans le gouvernement berlusconien un sponsor on ne peut plus convaincu, et Fassino [secrétaire national du parti DS, socialistes italiens] s'est dépêché de dire que le pont pourra être fait sous certaines conditions (lesquelles ? la victoire de l'Unione [gauche plurielle] aux élections ?...).



Le conflit en cours a donc pour mise de départ la gestion du territoire et d'énormes ressources économiques publiques : en simplifiant, la mise est faite de richesse collective. La décision sur l'utilisation de la richesse collective est liée à un aspect fondamental de la souveraineté. Voir qui décide de la richesse collective, c'est également voir qui, en réalité, en est propriétaire.



Comme il a déjà été dit, les intérêts économiques en jeu sont énormes, et répartis sur tout le paysage politicien. Les moyens de faire digérer le TGV aux Valsusains varient de la communication à la contrainte : les convaincre ou les contraindre. Avec diverses nuances intermédiaires.



La communication devrait s'appuyer sur des arguments sanitaires et écologiques parce que, dit-on, la population n'est pas informée sur l'absence réelle de risques signficatifs pour la santé et l'environnement. La communication dit paternalisme et tutorat. Les arguments de type économique manquent, parce que d'un côté les arguments anti-TGV sont trop exigeants, de l'autre, beaucoup de politicien-ne-s disent qu'il ne revient pas aux anti-TGV de prendre des décisions aux retombées économiques au moins nationales.



Ici nous nous approchons du coeur du problème. En ne réussissant pas à convaincre (par manque d'arguments) plusieurs dizaines de milliers de personnes de tous les âges, toutes les professions, couches sociales, appartenances politiques et fois religieuses, du caractère positif du TGV, on a fini par envoyer des milliers de policiers, de carabiniers et de gendarmes occuper le territoire de manière militaire.



Le problème est en effet d'arriver à installer les fameux chantiers pré-cités. Le problème est effectivement qui fait quoi sur certaines parties du territoire, et avec quel argent. Nous savons que l'argent est public, tout comme le territoire ; les entreprises sont privées, avec des liens étroits avec le monde politique et les partis nationaux ; des bataillons de prétendues forces de l'ordre sont envoyés pour permettre le saccage de la richesse publique.

En fait, ce que les Valsusains auraient violé, c'est justement la légalité. Les entreprises auraient des titres légaux pour occuper les terrains et ceux qui le leur empêchent se placeraient hors de la légalité : d'où l'intervention de ceux qui sont institutionnellement préposés à restaurer la légalité, c'est à dire à user de la matraque.



Le renvoi de l'illégalité à la population de la part d'un pouvoir prédateur de la richesse publique et donc illégal, passe par l'utilisation de la violence. Pour les Valsusains, il ne suffit pas d'avoir raison, il ne suffit pas que le TGV soit clairement un chantier inutile et coûteux, il ne suffit pas de démontrer qu'avec moins de fonds on obtiendrait une amélioration de l'efficacité du chemin de fer déjà existant : le problème est de réussir à empêcher que la rapine à leurs dépens et à ceux de la richesse publique s'accomplisse. De toute évidence l'opposition légal/illégal est artificielle, si à terme seul l'exercice de la violence délimite le champ de la légalité de celui de l'illégalité. Légal ou illégal n'ont en soi aucun fondement.



En l'espace de deux jours, le terrain de Venaus où devrait être ouvert le premier grand chantier a été évacué à coups de matraque de nuit par policiers et carabiniers, puis envahi par des milliers de manifestants qui l'ont repris de jour. Une négociation au niveau institutionnel a été lancée tout de suite après, promettant des tables de concertation et diverses évaluations, du moment que les travaux se fassent comme prévus. Et, surtout, que les Olympiades de la neige ne soient pas perturbées.



La magistrature est entrée à grandes enjambées dans ce scénario mouvementé, plaçant le terrain sous séquestre pour les besoins de l'enquête (la vérification de délits prétendument advenus quand la population du val de Suse a repris le terrain le 8 décembre) et confiant sa surveillance à l'entreprise qui devrait commencer les travaux. On assiste avec ces mesures à un nouveau saut qualitatif dans la politique répressive contre le mouvement anti-TGV. L'entreprise chargée des travaux est placée sous la protection directe du procureur de la République de Turin, qui soude ainsi sans pudeur son action à celle des politiciens de l'Unione, en particulier du parti DS qui, comme l'a déclaré sans périphrase le maire de Turin Chiamparino, sont des ultras du TGV. En fait, les besoins de l'enquête n'ont évidemment rien à voir (des photos, des prélèvements et des rapports de service suffiraient). Comme l'ont indiqué des sommités de la justice turinoise (Maddalena et Laudi), la mise sous séquestre n'a aucune influence sur le déroulement des travaux. Elle les favoriserait plutôt, puisque toute personne qui aujourd'hui pénètre sur le terrain commet un nouveau délit, violant les mesures de mise sous séquestre ; et l'entreprise chargée des travaux LTF est même nommée gardienne.



Ce n'est pas tout : les procureurs de la République de Turin ont également annoncé l'identification de trente personnes qui auraient participé à l'invasion du chantier de Venaus le 8 décembre ; en sachant que les mêmes procureurs ont annoncé des poursuites en justice pour le motif de dévastation et saccage, déjà utilisé pour emprisonner certains manifestants turinois du 18 juin chargés par la police rue du Po, on peut en déduire que ces procureurs ont en réalité annoncé une trentaine d'arrestations. Et puisqu'à l'occasion précédente les arrestations ont savamment visé certains courants de la contestation et de l'antifascisme turinois, on peut s'attendre à ce qu'il advienne de même ces prochains jours, comme nouvelle preuve (s'il en fallait encore une) de la gestion toute politique de la répression que la magistrature turinoise est en train d'effectuer. Gestion politique, au niveau soit des commanditaires (avant tout le parti DS) que des cibles (les courants les plus politisés de la contestation sociale).



Plus l'affaire du TGV avance, plus elle dévoile sa véritable nature, dénoncée depuis toujours par les Valsusains, d'énorme business. Il est logique que des politiciens de toutes les couleurs, des entreprises amies et parentes, des juges appartenant aux mêmes courants politiques qui se disent en majorité pro-TGV, bref, tout un appareil politico-judiciaro-institutionnel se mobilise contre un peuple qui ne veut pas être pillé et qui a démontré avec des arguments difficilement contestables la petitesse de la position adversaire.



Berlusconi, Bresso, Chiamparino, d'Alema, Laudi, Lunardi, se fichent éperdument des Valsusains, comme ils se fichent des ressources publiques qui seront gaspillées (si le chantier n'est pas stoppé) : ce qui les intéresse, pour le moment, c'est que les travaux soient faits, d'un côté parce qu'il y a trop d'argent en jeu dans cette histoire pour pouvoir écouter les bonnes raisons ; de l'autre, parce qu'il est nécessaire de rappeler qui commande pour de vrai.



L'affaire NO TAV a en fait le mérite, entre autres, de faire tomber les nombreuses hypocrisies dont se pare la démocracie, et d'avoir mis des dizaines de milliers de personnes dans la rue, réveillées de la torpeur représentative et protagonistes de leur présent et de leur futur. C'est une chose que les politiciens et les juges ne peuvent tolérer : le peuple qui décide tout seul ?! Vous plaisantez... Que la police et les carabiniers interviennent pour rétablir la légalité démocratique ! Mais qu'est-ce qu'ils s'étaient imaginés, ces montagnards...



Simone Bisacca

(Texte paru le 18 décembre dans l'hebdo anarchiste italien Umanità Nova. Pour lire le texte en entier et en italien :
http://www.ecn.org/uenne/archivio/archivio2005/un41/art4016.html)
Ecrit par libertad, à 22:38 dans la rubrique "Ecologie".



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