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Zurich : Shantytown, un bidonville
Zurich est bien connue comme la ville des banques et des assurances, propre et soumise à l'esprit sévère du réformateur protestant Zwingli. Mais, dès les années 80, on connaît aussi une Zurich sale et sauvage: celle de la jeunesse agitée, des squats, des drogues, de la culture alternative et des fêtes non autorisées. Vingt-cinq ans après que Zurich a brûlé lors d'émeutes d'une jeunesse en colère, leurs petites victoires de liberté sont à nouveau en danger - raison pour laquelle on a construit en juillet 2005 un bidonville comme zone libérée pendant quatre jours.


L'héritage de 1980 (1) est bien géré aujourd'hui: il existe une maison des jeunes et la Rote Fabrik comme lieu de la culture alternative, subventionnée par l'État. La plupart des anciens organisateurs des fêtes non autorisées (un réseau né dans le mouvement) sont maintenant dans le business des boîtes de nuit, devenu un secteur important de l'économie zurichoise. La Street Parade, presque interdite dans lés années 90, est maintenant la plus grande parade de techno, et l'office de -tourisme lui fait de la publicité. La plus grande scène ouverte d'héroïne d'Europe, le needlepark, a été dispersée en 1995 par une double stratégie de répression, d'une part, et, d'autre part, par la distribution sous contrôle de méthadone et d'héroïne.
Donc tout serait tranquille à Zurich? Des signes indiquent plutôt le retour d'une ère glaciaire. Par exemple en ce qui concerne les squats: le compromis bien établi était que les squatters pouvaient rester dans les maisons vides quand il n'y avait pas de projet de construction, souvent avec un contrat d'usage avec le propriétaire, mais qu'ils devaient partir sans bagarre le jour où commençaient la rénovation ou la démolition de la maison. Les maisons vides sont devenues rares, et les autorités moins coulantes: l'équipe du squat « Exil » a été expulsée de chaque maison occupée, et ceci à neuf reprises; tout ce qui lui reste maintenant, c'est une wagenburg (2) en banlieue. Ce printemps, deux endroits où avaient eu lieu pendant longtemps des fêtes non autorisées très fréquentées, pour leur bas prix et leur programmation expérimentale, ont été fermés par la police. Maintenant, il ne reste plus que deux squats qui offrent un programme culturel.
Pour ce qui est des manifs non autorisées, une stratégie de « tolérance zéro » s'est mise en place suite aux mobilisations contre le Forum économique mondial (WEF) de Davos, chaque année à la fin janvier. Un seul exemple: une grand manif « Reclaim the streets » bien festive et pacifique a -été attaquée par la police, avec gaz lacrymo et balles de caoutchouc en 2003.
Dans la sphère législative, une nouvelle dimension de la répression est en préparation. Comme cela a déjà été introduit à Berne et dans d'autres villes, à Zurich un nouvel article de loi sur la police est proposé aujourd'hui: selon le principe du « périmètre d'exclusion », il permet à la police d'interdire à une personne qu'elle considère comme dangereuse pour la sécurité publique le séjour dans un périmètre défini pendant une période spécifiée, sous menace d'amende. La proposition zurichoise va encore plus loin: elle s'en prend aussi à des personnes dont le comportement fait peur ou crée du scandale. C'est une attaque ouverte à la liberté de circulation et une invitation à la police de discriminer n'importe quelle personne qui ne suit pas l'image d'une ville bien propre.
Voilà donc le contexte et les motivations qui ont conduit à la construction de Shantytown, bidonville en anglais, idée qui a été lancée par un réseau de squatters et des initiateurs de culture alternative, déjà actif à l'occasion du « Reclaim the streets » . Les préparatifs se sont faits en toute clandestinité - la seule mobilisation consistait en autocollants et affiches portant le mot « Shantytown », sans aucune date, lieu ou explication -, simplement de bouche à oreille.
Le vendredi 29 juillet, à 16h 15, une centaine de personnes à la terrasse d'un café se lèvent et commencent à transporter du matériel de construction, déposé à proximité, sur une bande de terrain vague au bord de la rivière, situé entre la Bourse et la rédaction du TagesAnzeiger, le plus grand journal zurichois. Des voitures arrivent, amenant des générateurs, des balles de paille, etc. Le matériel en place, notre équipe commence la construction d'une tour de garde en trépied, avec des troncs de dix mètres, au centre de la rivière. D'autres équipes construisent, entre autres, une scène de concerts, un tente techno et une église hiphop, un grand bar, une tente pour la rédaction du journal Shantypress et une deuxième tour de dix mètres avec cuisine. Après une heure, la base est déjà en place. Plus tard, il y aura aussi une station radio locale, un bureau de poste, un bar à vin et à whisky, un bistrot japonais, une tente d'amour, un élevage de poules, des ateliers de sérigraphie et de couture. Beaucoup de gens s'engagent spontanément, comme cet ingénieur qui bricole une turbine pour convertir notre tour en symbole d'autosuffisance énergétique. Notre ville est une zone autonome temporaire, un champ d'expérimentation et l'illustration d'une société différente possible.
La police et les autorités de la ville ont été bien surprises: personne ne savait rien, personne n'était prêt à intervenir. Donc, ils entrent en négociation. Pour des raisons de sécurité, ils veulent qu'on se déplace dans un parc loin du centre, parce que la zone peut être inondée quand il pleut beaucoup. Pour nous, ce n'est pas une option envisageable. Le soir, on fixe un compromis: la tour dans la rivière ne sera pas habitée, on restera seulement jusqu'à mardi prochain, l'endroit sera bien nettoyé. On n'avait jamais voulu rester plus longtemps!
Cette tolérance avait des raisons plutôt pragmatiques: avec un nombre de policiers réduit à cause des vacances et des hautes tensions autour de la mobilisation de l'extrême droite pour la fête nationale le mardi en Suisse centrale et la contre-manif des antifascistes (3), les autorités ne voulaient pas risquer d'augmenter la colère. « On ne peut pas risquer une émeute si près de la fête nationale », et « On sait bien qu'il y a des gens violents parmi vous », annonçait le négociateur de la ville.
Donc, la fête pouvait commencer! Informée par les distributeurs de courriels et SMS, notre ville se remplit jusque dans tous les coins. Sans contrôle d'entrée, avec la bière pression à deux francs, c'est la fête chaque soir. Pendant la journée, il y a des familles et des retraités qui viennent se promener. Jusqu'au lundi soir, on estime à 10 000 le nombre des personnes qui sont passées par Shantytown.
Le groupe médias fait un bon travail, avec une conférence de presse, des communiqués et des interviews qui expliquent nos objectifs politiques. On a une grande présence dans la presse, évidemment très impressionnée. Le TagesAnzeiger cite le commentaire déjà légendaire d'un banquier, observant la construction: « Très efficace, pour des Chaoten ».(4) Les autorités soulignent que la tolérance ne préjuge en rien de l'avenir...
Le mardi, dans un ultime effort, Shantytown est démoli et le terrain nettoyé. Seule reste notre tour dans l'eau, avec des banderoles qui rappellent nos revendications principales: « Oui aux espaces libres, non aux interdictions de circuler »: Les déchets sont déposés dans les parages, prêts à être emportés par la voirie municipale, qui commence à détruire la tour immédiatement après notre départ. Il reste un slogan peint sur un mur: « Belle Zurich, reste sale! », qui sera enlevé deux semaines plus tard.
Les problèmes se sont limités à une facture de 4000 francs (2700 euros) pour le débarras des déchets, que la municipalité veut réclamer à nos négociateurs, et quelques bagarres avec des visiteurs.
Pour la prochaine fois, il faudra une meilleure séparation entre les zones de fête et celles de calme. On a aussi discuté comment pouvoir mieux intégrer les visiteurs, pour leur montrer clairement l'objectif politique, et pas seulement servir d'extension au spectacle de consommation à bas prix. La question de la sécurité a elle aussi été discutée: faudra-t-il un groupe de sécurité spécialisé, ou vaut-il mieux (comme on l'a fait) que chacun fasse attention? Mais, pour finir, c'était un grand succès pour tous.
Qu'est-ce qu'on a gagné? Beaucoup de sympathie auprès du public, et de la confiance entre les différents groupes et individus qui ont participé à l'aventure. Mais aussi une forme d'action directe redécouverte, avec un grand potentiel. Donc, une bonne base pour des activités futures.

Fritz Peng

1. Année des mouvements de jeunes qui mirent la ville sens dessus dessous.
2. Wagenburg : village de roulottes et de caravanes.
3. Le ler août, jour de la fête nationale célébrée dans un lieu traditionnel de Suisse centrale, de jeunes nazis font depuis quelques années une manifestation bruyante et hostile. Les « antifa » manifestent cependant dans une ville des environs.
4.« Chaoten », qualificatif attribué par la presse et le grand public aux jeunes « semeurs de chaos » .

Le Monde libertaire #1415 du 10 au 16 novembre 2005

Ecrit par libertad, à 23:54 dans la rubrique "Actualité".



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