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Il est trois notions qui, pour l’homme libre, ont une haute signification : celles de liberté, d’égalité et de fraternité.
Les chefs les ont transformées en une phraséologie. Elles sont devenues des thèmes de propagande particulièrement propres à leurrer les ilotes, le palladium de toutes les ambitions et de toutes les exactions.
L’égalité et la fraternité servent à flatter la sensiblerie, ce qu’on appelle le cœur du peuple, pourtant toujours prêt à lapider le non-conformiste. Les vit-on jamais sortir de la théorie pour s’introduire dans les mœurs ?
Les pays dits civilisés dénoncent ce qu’ils nomment la justice des rois nègres. Leur justice est-elle tellement différente dans son essence ? La torture existe toujours. Autrefois les juge avaient la décence de ne pas parler de la spontanéité de l’aveu et d’indiquer par quels supplices il avait été obtenu.
Quant à la liberté dont le nom s’inscrit au fronton des prisons françaises, les états, les partis et les religions ne s’en réclament que pour mieux opprimer. Car la liberté que beaucoup exigent n’est autre que la liberté d’opprimer, pour faire prévaloir leurs idées et surtout pour assurer leurs intérêts.
Certes, chacun ou presque reconnaît le droit à la liberté, mais en théorie seulement. Beaucoup méprisent ce droit, que ce soit au nom d’une divinité, par cruauté, par goût d’opprimer ou par intérêt. La société, elle, le foule aux pieds.
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Si presque toutes les constitution des états l’exaltent, toutes les lois le restreignent. Mort et prison sont la rengaine de tous les codes, prostitution ou faim le seul choix laissé à l’individu.
Qui, sinon leurs fidèles, oserait prétendre que les gouvernements veulent la libération des individus ? L’exemple donné par les gouvernants des anciennes colonies ayant accédé à une certaine indépendance est probant. Les ex-colonisés ont simplement changé de maîtres.
Les lendemains qui chantent ne sont qu’une fiction de poète démagogue. Demain ? Du sang et de la boue, car là semble être le lot de l’humanité, chaque jour un peu plus de sang et un peu plus de boue.
Il n’empêche qu’au nom de ce prétendu partage de souveraineté que nous dénoncions précédemment, on convie l’individu à choisir. On lui demande de s’engager, c’est-à-dire de prendre parti pour un groupe d’homme, contre les autres.
Nous estimons que nul régime, tel qu’il existe actuellement, ne vaut que nous prenions son parti, c’est-à-dire que nous lui sacrifions une part de nous-même car s’engager c’est obligatoirement aliéner une partie de soi.
S’il nous faut définir l’engagement, disons que c’est l’action d’entrer au service de quelqu’un (s’abritant généralement derrière une idéologie) moyennant des gages et en en donnant. Ajoutons qu’il comporte toujours une volonté ou un espoir de profit – argent, honneurs, soif de commander.
S’engager, c’est opter pour les charniers et les tas d’immondices. Nous-nous y refusons. Il faut être naïf ou stupide pour se résoudre au choix que proposent les société : démocratie populaire ou démocratie ploutocratique, droite ou gauche, socialiste ou conservateur… bombe atomique ou nuage microbien.
Nous ne croyons pas qu’il soit possible, avant longtemps, de jeter à bas les monstrueuses machines d’asservissement que sont les institutions des états modernes. Trop d’hommes, craintifs, conservateurs, engagés ou abêtis, sans doute les quatre choses mêlées, font preuve d’une telle passivité devant la contrainte que tout espoir en est vain.
Vit-on jamais une opposition sérieuse à la guerre ? Y eut-il des protestations généralisées, des mouvements cohérents de révolte en septembre 1939 ?
Vit-on jamais, non plus, une opposition de longue durée, donc efficace, à la misère ?
La tentative de libération de mai 1968, à Paris, d’autant plus importante qu’elle n’avait aucun objectif patriotique ou nationaliste, ne fut qu’un feu de paille. Elle a laissé beaucoup de rancœurs, tant chez les opprimés que chez les oppresseurs. Elle a eu cependant un immense mérite : sous l’impulsion des libertaires, beaucoup de gens ont pris conscience des données de leur existence, données dont ils n’avaient jusque là qu’une perception volontairement faussée par la propagande des gouvernements et des syndicats.
Certes, les peuples n’aiment guère leurs chefs. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter les propos tenus contre les hommes publics, mais généralement ces manifestations de mécontentement ne dépassent pas le stade du verbe. Les gouvernants connaissent cette veulerie quasi totale. Héritiers des souverains de droit divin, ils continuent à s’identifier à l’état, leur seule règle de conduite étant leur bon plaisir. Pourquoi hésiteraient-ils ?
Si on ne peut gouverner innocemment du moins le fait-on impunément.
Les châteaux et les palais, monuments élevés en défi à la misère et à la bêtise humaines sont les témoins de pierre de l’incapacité des masses à la révolte. Si nombre de gens admirent et respectent les palais, c’est moins par amour de l’art que par une séquelle du servage.
Ceux qui pourraient le mieux élever la voix, les intellectuels, se taisent presque toujours, leur grand nombre, dévoyé, vivant de la prostitution de l’intelligence jusqu’à aller au devant des désirs des gouvernants.
Qu’on ne croie pas que nous souhaitons promouvoir une aristocratie d’intellectuels.
La qualité d’intellectuel ne se mesure pas au degré d’intelligence ou de connaissances. Est intellectuel qui reconnaît la primauté de l’esprit.
La subversion à deux grandes causes : le besoin, que le pouvoir peut aisément apaiser en distribuant quelques aumônes et l’intelligence. L’intelligence qui remet tout en cause est le principal souci des chefs. Pour eux elle est « l’esprit malin qui détruit les idoles ».
Et pourtant… Comprendre, le plus beau fleuron de l’Homme.
La protestation contre l’oppression est l’impôt de l’esprit.
Gustave Arthur Dassonville – L'Homme comme unité : Chapitre troisième – Le Brûlot n°100