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Le tonneau d’Han Ryner est installé sur les quais de la Seine, non loin de la Halle aux Vins. Ainsi ce rustique habitacle acquiert-il une apparence de justification qui n’existe d’ailleurs pas dans les habitudes alimentaires de l’occupant.
Notre moderne Diogène est, en effet, si mes renseignements sont exacts, un naturien et un buveur d’eau.
– Je l’admire sans l’envier.
Ce que j’envie, par contre c’est sa belle barbe de philosophe et le miel succulent de ses paroles.
Ayant troublé ce sage dans la solitude de sa retraite, il ne m’a pas prié de m’ôter de son soleil…
Il m’a raconté l’histoire de Dion Bouche d’or, une merveilleuse histoire qui tient à la fois de la légende symbolique et de l’épopée.
S’apercevant que l’armée dont il faisait partie allait, avec la stupide inconséquence des armées, livrer une bataille inutile et meurtrière, Dion Bouche d’or se précipita à la tête des soldats, déchira ses haillons et prononça, demi-nu, de si harmonieuses paroles, qu’il réussit à arrêter le combat.
Car il faut vous dire que Dion Bouche d’or était, dans le civil, un philosophe pacifiste.
Les philosophes ont bien changé depuis.
* * *
Han Ryner n’a pas changé.
Mais est-il bien de notre temps ? Je ne voudrais pas, en présentant que oui, lui faire de la peine.
Non, Han Ryner n’est pas de notre temps.
– Je suis, m’a-t-il dit, le seul parisien qui n’ait pas vu jouer Phi-Phi et qui n’ait pas lu la Garçonne.
C’est une originalité comme une autre, plus louable qu’une autre, même.
Toutefois, si Han Ryner n’a pas vu jouer Phi-Phi et n’a pas lu la Garçonne, du moins en connaît-il l’existence.
Et çà, c’est peut-être un peu mondain pour un stoïcien d’avant la décadence.
Mais ne chicanons pas trop.
Louons-le plutôt d’être resté simple, utile et modeste à une époque où tout s’oriente vers la prétentieuse et séduisante inutilité.
Han Ryner m’a raconté une autre belle histoire.
J’imagine que c’est sa manière, à lui, de se défendre contre les indiscrets.
Il est vrai que les histoires qu’il raconte sont si bien choisies que l’on peut apercevoir derrière elles la pensée du Conteur.
Voici l’histoire des Singes qui dansent :
Un jour, à la Cour d’un grand roi, des singes profitèrent du sommeil général pour s’emparer des habits des ministres et ils s’en revêtirent… L’un de ces singes, ressemblant au chef général des armées, un autre au garde des Sceaux, un troisième au grand argentier et un quatrième à un écrivain illustre. Les autres à l’avenant… Puis ces singes se mirent à danser debout comme des hommes, et on ne savait vraiment comment les confondre, quant tout à coup un homme du peuple eut l’idée de leur jeter une poignée de noix… Les singes alors, oubliant leurs beaux habits, se mirent à quatre pattes.
– Il suffirait peut-être, termina Han Ryner, de jeter une poignée de noix au milieu de nos ministres et en pleine séance de notre Académie, pour assister à un pareil spectacle.
C’est, ma foi, bien possible.
Mais ce n’est pas trop certain, car, de nos jours, les singes, ne sont plus guère portés sur les noix.
Ils préfèrent les francs-or.
Quoi qu’il en soit c’est en racontant de pareilles – et si subversives – histoires que l’auteur des Paraboles Cyniques et des Voyages de Psychodore, s’est procuré de fidèles admirateurs chez les anarchistes individualistes.
Ceux-ci ne cachent pas leur préférence pour les philosophes honnêtes, épris de justice, respectueux de la vie humaine, pauvres et barbus.
Or nul plus qu’Han Ryner, n’est barbu, honnête et philosophe.
Jules RIVET
La vie littéraire et artistique n°13 – 1er avril 1923
Commentaires :
Anonyme |
Si toutes vos vieilles lectures sont aussi bonnes que celle-là, bon, ben… je retire ce que j’ai dit ailleurs. Répondre à ce commentaire
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à 18:20