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Le mariage du requin et du lapin
Dès 1936, Victor Serge exhortait dans un courrier André Gide, et à travers lui tout le gotha des Lettres, « à vivre les yeux ouverts », en référence à la machine totalitaire stalinienne qui décimait les intellectuels de gauche de l’empire soviétique pendant que leurs confrères occidentaux, pour beaucoup inféodés au Parti communiste, s’ébaudissaient devant « les magnifiques réussites » du camarade Staline.

Les anarchistes ont toujours eu du nez pour débusquer les tyrannies prêtes à fleurir sur le terreau des révolutions –et ils ont souvent payé leur clairvoyance de l’exil, du silence, de la prison ou, pire, de leur vie.
Cette clairvoyance, cette manière de n’être la dupe de rien et encore moins de personne, ne tombe pas du ciel : elle plante ses racines chez le père de tous les libertaires, Diogène le Chien, de tous les philosophes le plus libre, qui incitait les citoyens d’Athènes à se défier du pouvoir, à mépriser le caractère éphémère des biens matériels et de la puissance séculière, à laisser les dieux à leur place, sur l’Olympe et loin des affaires des hommes, à faire l’amour partout où on le souhaitait (Hipparchia, première disciple du sage, se laissait aimer en public et en plein air), à dire toujours ce que l'on pensait sans souci des censeurs ; Diogène qui répondit -le trait, demeuré célèbre, ne semble pas apocryphe- à Alexandre, lequel s’enquérait de ses désirs, « ôte-toi de mon soleil ! »
De quelle plus noble réponse à l’arrogance du pouvoir pourrait-on rêver, en ces temps où les tyrans ne mettaient pas à mort sur le champ leurs contradicteurs et même, parfois, les respectaient ?

C’était une époque où les seigneurs, qui pourtant passaient tout aussi bien qu’aujourd’hui l’adversaire au fil de l’épée, se flattaient de fréquenter l’intelligence plutôt que de la punir, comme le souhaitaient déjà prêtres et soldats, antique conspiration du sabre et du goupillon dont Socrate fit d’ailleurs les frais.
Diogène n’appréciait guère son contemporain Platon, qui le lui rendait bien. L’intransigeant père de l’anarchie et celui, accommodant avec les puissants, de la république, ne faisaient pas front commun contre le conformisme et le pouvoir personnel : en ces siècles lointains, la carpe n’épousait pas le lapin.

Deux millénaires et demi plus tard, la contestation protéiforme du nouvel empire, que l’on nommera abusivement Américain tout en étant sûr d’être compris, plus précisément Etasunien et à coup sûr libéral-capitaliste, ne s’embarrasse plus de ces nuances qui faisaient l’originalité et la vertu des vrais penseurs : quand il s’agit de conspuer l’adversaire -pardon, l’ennemi-, avec une rage qui confine au racisme, une violence qui conforte la sienne dans sa propre légitimité, tout fait corps : nostalgiques de Beria et de Thorez, trotskistes, écologistes radicaux, micronationalistes, maoïstes (il en reste, surtout au Népal), tiers-mondistes, khomeinistes, ramadanistes, anarchistes.
Le brouet est indigeste, mais c’est pourtant celui que nous sert un grand nombre de webzines et autres sites d’information à prétentions politiques, où l’apologie du voile côtoie celle de l’amour libre, le socialisme autoritaire le socialisme libertaire ; ne manquent même pas quelques rédacteurs de droite, voire d’extrême droite à la condition qu’ils ne s’en vantent pas, toujours bienvenus pourvus qu’ils ciblent un ennemi commun réduit souvent à la caricature du capitaliste judéo-américain, gibus, jacquette à queue-de-pie et nez crochu.

On pourrait après tout admettre ce melting pot contestataire au nom de l’exubérance des sensibilités, et on le fait, au moins jusqu’à ce qu’on constate qu’il nous censure nous, coloristes, plutôt que d’autres qui ne pensent qu’en noir et blanc, jusqu’à ce qu’on s’aperçoive que tel défenseur désintéressé de la cause palestinienne est en fait un porte-parole du Hamas ou du Djihad islamique, autoproclamé « pacifiste » en réalité partisan de la guerre à outrance, que tel observateur bienveillant mais censément critique du régime iranien ne soutient pas du tout les réformateurs -pourtant bien dévôts comme il faut- spoliés de leur victoire prévisible aux dernières élections législatives par les manœuvres iniques des conservateurs, mais bel et bien ces conservateurs sans scrupules, que tel supporteur de la révolution cubaine ne soutient pas la révolution, laquelle implique une dialectique du changement permanent, mais un géronte camé au pouvoir personnel depuis 46 ans, que tel ou tel islamiste « modéré », sous couvert de préoccupation sociale, d’attention au monde, ne semble en fait, en ne conservant d’une culture que ses aspects les plus dérisoires, ne se préoccuper que de la longueur des barbes et de la taille du voile, ou d’imposer une charia divine tellement supérieure dans sa cruelle simplicité au droit humain dans son inutile sophistication, que tel « ami sincère » du peuple irakien n’hésitera pas à faire des kurdes et des chiites, durement éprouvés par le précédent régime, des alliés objectifs de l’Amérique, révélant ainsi ingénument qu’il est en réalité une créature de Saddam Hussein, brute sanguinaire que son aversion d’Israël et sa phobie d’Uncle Sam suffisent à absoudre de tous ses crimes.

Au sein de la presse « indépendante » du Net, à côté d’individus autonomes qui n’engagent qu’eux-mêmes avec leur convictions, leurs doutes, leurs recherches, gravite un nombre non négligeable de hérauts plus ou moins bien masqués -parfois sans doute inconscients de leur rôle- de mouvements fanatiques ou tout simplement profondément réactionnaires sous la couverture d’une « altermodernité » décidément fourre-tout.
Ces submersibles d’un totalitarisme multipolaire opposé au totalitarisme du marché, on les repérera aisément à quelques caractères récurrents : dénonciation constante de la désinformation officielle à quoi se trouve résumée toute l’information libérale, à laquelle ils subrogent une tout aussi constante désinformation officieuse, refus de toute analyse complexe, absence têtue de recul, d’autodérision, d’humour.

Entendant il y a peu Olivier Besancenot déclarer, confirmant ainsi qu’il est bien le benêt qu’on supposait, que les composantes hétéroclites -et pour certaines carrément antagonistes- de la contestation altermondialiste étaient une force, on n’a pu s’empêcher de penser qu’effectivement des milliers de lapins servaient la soupe à une poignée de requins, qui les dégusteront en civet le moment voulu.

Echaudé, on ne pourra que conseiller aux libertaires comme à tous les vrais partisans de l’épanouissement de l’être humain – libération qui passe nécessairement par l’abandon de toute dogmatique- de rester vigilants en fréquentant dans la rue comme dans les salles de rédaction virtuelles ceux qui ambitionnent de substituer à la compulsion névrotique du libéralisme marchand les délires maniaques d’un nationalisme étroit, d’un pseudo socialisme autoritaire ou d’un obscurantisme sacré.

Mathias Delfe
Ecrit par MathiasDelfe, à 23:32 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  anonym3
11-02-05
à 08:12

il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

Dès 1936, Victor Serge exhortait dans un courrier André Gide, et à travers lui tout le gotha des Lettres, « à vivre les yeux ouverts »
Il me semble que lui ne les a jamais ouvert. Il est resté bolchévique.
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  MathiasDelfe
11-02-05
à 10:54

Re: Re: il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

Je profite de ton intervention pour rappeler que c’est une technique critique rudimentaire très contestable que celle qui consiste à sortir une phrase, voir un mot, de son contexte général. J’en ai déjà fait les frais récemment : avec une compréhension du texte un peu primaire et beaucoup de mauvaise foi, on transforme un hommage au courage féminin en propos sexiste.
La lucidité des anars quant aux mécanismes producteurs de la tyrannie ne signifie pas, hélas, qu'ils soient pour autant lucides en toutes choses.
Je ne cherche pas à séduire tout le monde, on s’en doute, mais je propose un discours qui doit être saisi dans sa totalité plutôt que par tranches (« j’aime bien ceci, je n’aime pas cela »).
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  anonym3
11-02-05
à 11:11

Re: Re: Re: il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

La lucidité des anars quant aux mécanismes producteurs de la tyrannie ne signifie pas, hélas, qu'ils soient pour autant lucides en toutes choses.
Existe-il un être sur terre qui soit lucide en toutes choses ? à part l'homme total/l'image/idéal qui n'existe pas.

Les tranches font le tout. la totalité font les tranches. ça dépend de la perspective qu'on donne au texte (on n'a pas qu'un oeil pour voir), pour ne pas qu'il y ait de confusions, il ne faut pas écrire confusément.
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  rakshasa
11-02-05
à 11:47

Re: Re: Re: il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

MathiasD, ben oui quan on se sert d'un passage pour descendre un texte le procédé est fumeux, mais là c'est juste ce passage que je commente. Je ne m'en suis pas servi pour dire que l'ensemble de tes propos étaient du même tonneau...faudrait peut-être voir à pas confondre...ou céder à la panique dès qu'une critique (qui me semble justifiée) est faite.
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  johan
11-02-05
à 12:52

vite fait

Sur ce texte qui nous invite à moins de complaisance, je vois que vous n'avez pas perdu votre temps ;-)
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  Anonyme
11-02-05
à 14:37

il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

''Il est resté bolchevique''

Ah bon, tu a connu Serge anonyme3 !?

Merdre !

Avant sa mort, Serge écrivait encore en 1945 ''que les bases doivent être de justice social, d’organisation rationnelle, de respect de la personne, de liberté, c’est là, pour moi, une évidence éclatante qui s’impose peu à peu à travers l’inhumanité du temps présent. L’avenir m’apparaît plein de possibilités plus grandes que celles que nous entrevîmes par le passé. Puissent la passion, l’expérience et les fautes mêmes de ma générations combattantes en éclairer quelque peu les chemins !''

Je n’aime pas que l’on médise sur certains, surtout lorsque l’analyse de leur vécu nécessite de tourner soixante-dix fois son crayon en bouche avant même d’en dessiner la première lettre !!!

Ta pertinence corrosive que j’apprécie t’égard parfois anonyme3

Amicalement
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  Anonym3
11-02-05
à 15:33

Re: il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

Non, je ne l'ai pas connu :( .
(désolé !) Je m'emballe un peu parfois ;), je sais que c'était un révolutionnaire sincére (qui critiqua la bureaucratisation, etc), mais malgré qu'il ait aidé nombreux de nos compagnons et compagnes anarchistes (et autres) pendant la répréssion bolchévique (Ce qui n'aidait pas quand les bolchos avaient des intérets politiques bien précis, comme à Cronstadt ou en Ukraine), il était assez proche de trotsky (même aprés Cronstadt, ce qui lui valut des remarques d'Emma Goldman, entre autres... il fit même la biographie de trotsky) et de certains courants marxistes (P.O.U.M.). C'est la raison de ma remarque quelque peu (et intentionnellement) corrosive vis à vis de Serge... Mais effectivement, je ne connais pas suffisemment la vie du compagnon Serge, suite aux douloureuses et fortes années 20 et 30 du mouvement anarchiste.
Aprés 1936, en espagne avec le P.O.UM, je ne connais pas les options politiques prises de sa part. Je pensais qu'il en était resté à l'option léniniste, mais certainement que je me trompe !?
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  libertad
11-02-05
à 15:44

Re: Re: il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...


Une fois n'est pas coutume, je suis plutôt d'accord avec anonym3 sur Serge, je ne met pas en doute sa sincérité et son courage, car il a pris des risques, y compris la prison mais c'est une révolutionnaire qui s'est souvent trompé et s'est fourvoyé dans des impasses : l'illégalisme avec la "bande à Bonnot" puis le bolchévisme. Si l'on peut dire de lui qu'il a du courage politique, on ne peut parler de lucidité car il n'en a pas toujours fait preuve et à contribué à la confusion lors de son ralliement aux bolchéviques. Il ne faut pas oublier que la naissance du parti communiste, en particulier en France doit beaucoup à des anarchistes ralliés qui avaient oublié que leur communisme n'était pas étatique mais anti-autoritaire. On ne peut refaire l'histoire mais il y a une responsabilité politique de ces anarchistes qui ont contribué à la naissance du communisme version Lénine ou Trotsky
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  Anonyme
11-02-05
à 17:30

il lui en a fallut du temps pour ouvrir les yeux...

Qui n’a pas commis d’erreurs !? Peut-on d’ailleurs écrire ’’erreur’’ sur le sujet, puisque nous connaissons pertinemment les errements de V.Serge sur ses prises de positions politiques.

Son testament révolutionnaire est là pour nous l’indiquer. Le parcours de Serge démontre une recherche perpétuelle entre conscience perdue et (son) ’’personnalisme’’ au sens de la valeur attachée à l’humain, que de rester sois-même.

Son credo aura été de ne jamais renoncer à défendre l’Homme contre les systèmes ’’qui planifient l’anéantissement de l’individu’’, et s’en vouloir le ’’couvrir’’, la dernière option qu’il aie prise pour cela fut la fuite pour sa survie...

Quelle vie !
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