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Etats Unis : trois ans et ça continue ?
--> Par Michael Neumann
Lu sur Samizdat.net : Lorsque John Lee Hooker est mort il y a trois ans, mon ami Joe a dit « Je savais que l’héroïne finirait un jour par le tuer ! » C’était une bonne blague parce que John Lee Hooker est mort à l’age de 83 ans. C’est comme la blague sur Oussama Ben Laden et le Mollah Omar qui « peuvent courir, mais ne peuvent se cacher. » Ca fait trois ans maintenant, et il semblerait que tous les deux ont passé plus de temps à se cacher qu’à courir.

Ce simple détail est plus important que le fait de savoir si les Etats-Unis sont en train ou non de gagner leur guerre nébuleuse contre un ennemi abstrait, le « terrorisme. » Tous les rodomontades et vociférations contre les « criminels » et les « assassins » responsables du 11 septembre ne peuvent cacher le séisme politique que ces derniers ont réussi à déclencher. En une matinée, ils ont transformé la fierté de New York en un nuage de poussière toxique et ravagé le quartier général militaire des Etats-Unis. Ils ont provoqué la plus grande furie que le plus puissant pays du monde n’a jamais connu, et ils ont réussi à échapper à tous les services de renseignement du monde occidental depuis trois ans : non pas en se terrant, mais en rendant tous les coups. Si ce n’est pas ça réussir à se cacher, ça y ressemble fort.

Bien que l’échec soit largement admis, beaucoup ne lui accordent pas plus d’importance que ça. Certains minimisent les attaques, en argumentant qu’il y a eu plus de morts pendant les guerres américaines. Mais selon ce critère, le nombre d’événements réellement significatifs de l’Histoire des Etats-Unis se résumerait à une demi- douzaine, et même Pearl Harbor ne représenterait qu’un incident mineur. Robert Fisk parle de sa mère : « Il y a une chose dont je suis sûr qu’elle aurait été d’accord avec moi : c’est qu’on ne doit pas laisser 19 assassins changer le monde. George Bush et Tony Blair font de leur mieux pour s’assurer que les assassins changement effectivement notre monde. » D’autres parlent de « traîner les criminels en justice », comme si ce bouleversement explosif n’était qu’une affaire de police ordinaire. Dire que le 11 septembre a changé le monde est devenu un cliché. Il ne vient pas à l’esprit de ces gens que si Ben Laden et Mollah Omar ont réussi à s’en sortir après « çà », c’est que le monde avait déjà changé. Beaucoup même.

C’est pourtant visible comme le nez au milieu du visage. L’Irak. Est-ce que quelqu’un aurait pu concevoir, en 1947, que les troupes américaines ne puissent contrôler Hambourg, Frankfort et Munich ? Que les dirigeants américains soient obligés d’entrer clandestinement en Allemagne, pour des visites de courte durée et sans prévenir ? Que les officiels de l’occupation américaine, osant à peine poindre leur nez hors de leur ghetto fortifié, seraient incapable de contrôler la majeure partie de Berlin ?

L’Afghanistan. Est-ce que quelqu’un aurait pu imaginer une réaction aussi lamentable à Pearl Harbor, alors que le 11 septembre représente une humiliation bien plus grande ? Ce pays qui était censé subir tout le poids de la colère américaine est à présent dirigé par un semi-gouvernement fantoche qui est incapable de contrôler sa propre capitale, et l’éparpillement des troupes américaines ne produit aucun résultat sinon de temps à autre des victimes dans leurs propres rangs. Les Etats-Unis sont totalement à côté de la plaque. L’incapacité à discerner la signification de ce changement est presque aussi spectaculaire que le changement lui-même.

Les américains de gauche comme de droite trouvent des tas d’excuses. Bien sûr, nous dit-on, personne ne peut se mesurer à la puissance américaine. C’est juste parce que nous n’avons pas réellement envie de courir après Ben Laden et Mollah Omar. C’est juste parce que nous n’avons pas déployé les forces réclamées par les militaires. C’est juste parce que nos informations étaient erronées. C’est juste parce que nos n’avons pas prêté l’oreille à nos services de renseignement. C’est juste parce que nous nous sommes aliénées les populations locales. C’est juste parce que nous nous sommes aliéné le monde musulman. C’est juste parce que les néo-conservateurs, ou Israël, ou les intégristes chrétiens nous ont embrouillé les esprits.

Tout ceci fait penser à toutes ses raisons avancées pour expliquer les défaites de (des boxeurs - ndt) Liston ou Frazier ou Foreman ou la réincarnation de Rocky Marciano face à Mohammed Ali. Il y a toujours des raisons pour expliquer une victoire ou une défaite. Mais dans la vie, comme sur un ring, tout entre en jeu : mauvaise stratégie, mauvais entraînement, trop de confiance de soi, stupidité, ignorance, fainéantise, mauvaise analyse, manque de volonté. Il est pathétique d’insister : oui d’accord, mais à part pour toutes ces raisons, il aurait pu gagner. Certes, mais toutes ces raisons sont là, et il a perdu.

Je ne sais pas pourquoi l’Amérique est en déclin. Je suppose qu’il y a une raison, et que ce n’est pas simplement le caprice d’un géant qui décide de se laisser ratatiner. Pour une part, sans doute, les Etats-Unis sont devenus plus faibles en comparaison d’autres pays qui sont devenus plus forts. Mais ceci n’explique pas pourquoi les Etats- Unis ne réussissent pas à contrôler des pays aussi faibles que l’Afghanistan ou l’Irak. Le mal est donc plus profond. A mon avis, les premiers symptômes sont apparus avec l’élection de Ronald Reagan.

Il y a un débat pour savoir si Ronald Reagan a contribué d’une manière ou d’une autre à la chute de l’Union Soviétique, ou s’il n’a fait que simplement assister à son implosion. C’est un faux débat parce que l’idée que Reagan ait pu effectivement avoir une stratégie est absurde. Il faut avoir perdu tout contact avec la réalité pour ne pas se rendre compte que Reagan était un idiot, connu pour être un idiot, et qu’il fut élu soit parce que le peuple Américain voulait effectivement élire un idiot, soit parce qu’il leur importait peu que le pays soit dirigé par un idiot. Que l’Union Soviétique se soit effondrée de l’intérieur ou non, il était évident que l’Amérique aussi avait commencé à s’effondrer de l’intérieur, du moins en partie.

Cette tendance à s’effondrer, tout comme Rome, n’a pas été constante. Carter, Clinton et Bush père, et quels que soient leurs défauts, n’étaient pas des idiots, et Bush père a quelques réussites militaires et diplomatiques impressionnantes à son actif. Mais son fils, malgré quelques éclairs, est un idiot. Ses conseillers néo- conservateurs sont des minables. Ses services de renseignement ne sont au courant de rien. Son Secrétaire à la Défense est un amateur trop sûr de lui, qui croit qu’il peut éradiquer les guérillas à partir d’une altitude de 20.000 pieds. Son armée est extrêmement impressionnée par son propre courage et son savoir-faire, mais elle est incapable ne serait-ce que d’imaginer qu’elle aurait à subir des pertes qui seraient considérées comme normales par ses adversaires, et qui est incapable de rassembler suffisamment de troupes pour atteindre des objectifs avec la manière à laquelle elle était habituée. Les américains sont même incapables de concevoir ce truisme militaire : en tant qu’assaillant, il faut être préparé à subir trois fois plus de pertes que les défenseurs.

En d’autres termes, les Etats-Unis « pourraient » réduire l’Irak et l’Afghanistan s’ils étaient préparés à perdre 90.000 soldats dans chaque pays. En 1945, lorsque les Etats-Unis étaient encore un colosse, ils y étaient préparés. Mais ils n’en sont plus capables, parce que les américains ne toléreraient jamais de telles pertes. Pendant des années, les américains ont considéré leur armée comme une opportunité pour trouver un emploi, et pas comme une opportunité pour trouver la mort. Ils sont incapables aussi de concevoir qu’il doivent souffrir pour des étrangers qui parlent et qui s’habillent d’une drôle de façon et qui vivent à des milliers de kilomètres. Leur ignorance, leur arrogance et leur goût pour les fantaisies idéologiques ne laissent aucune place à de telles notions.

Ce ne sont pas des accidents de l’Histoire américaine. Les racines plongent dans de nombreux développements du 20eme siècle : les victoires américaines dans les deux guerres mondiales, l’émergence d’un génération de baby boomers nourris par la télévision et son imaginaire, une dépendance et un engouement croissant pour la technologie, des services sociaux qui se détériorent y compris l’éducation et par conséquence le service militaire, et ainsi de suite. Alors dire que les Etats-Unis « pourraient » n’est qu’une façon de parler. Les Etats-Unis ne peuvent d’un seul coup cesser d’être ce qu’ils sont devenus. Il leur est donc impossible, par je ne sais quelle force de volonté qu’ils n’ont pas, de cesser d’être ignorants, arrogants, trop sûrs d’eux, ou toute autre chose qui serait la cause de leurs échecs fracassants. Invoquer des excuses ne sert à rien lorsqu’il s’agit de constater l’incapacité des Etats-Unis à déployer efficacement leur panoplie technologique, leurs tonnes de matériel militaires, et les millions de jeunes en age de servir sous les drapeaux. C’est comme ça et, pour les mêmes raisons qui ont entraîné la chute de Rome, rien de changer de sitôt. Qu’une partie de la faiblesse de l’Amérique soit due à des raisons psychologiques ne la rend pas pour autant moins faible.

Ce n’est pas la faiblesse de l’Amérique qui est un problème ; le problème c’est qu’elle se comporte comme si elle était forte. Ce n’est pas un secret que de dire que les Etats-Unis ont dépassé les limites de leur capacité de déploiement, ni qu’ils ont besoin d’alliés. Il y a aussi un autre problème, mois bien compris : la gauche aussi raisonne comme si l’Amérique était forte.

Parfois il en résulte des erreurs d’analyse. Par exemple, l’intégrisme religieux aux Etats-Unis est considéré comme une cause profonde des aberrations de la politique américaine. Ce qui n’est vrai qu’à moitié. L’intégrisme, nous dit-on souvent, est la réaction d’une culture menacée ou d’une société en crise devant les défis internationaux qui la dépassent. Ce qui correspond parfaitement à l’intégrisme chrétien des Etats-Unis. Les Etats-Unis, avec leur participation minoritaire aux élections et les choix totalement aberrants de leurs dirigeants, est autant une « société en crise » que n’importe quel état islamiste. L’intégrisme chrétien est une réaction à l’idée, par ailleurs fondée, que la société américaine est en crise profonde : il est la conséquence de cette crise, pas la cause. Plutôt que de se préoccuper à lutter contre l’intégrisme chrétien, nous ferions mieux d’essayer de trouver des solutions à la crise.

C’est devant les conséquences du déclin américain et de ses effets sur la politique étrangère des Etats-Unis que la gauche s’égare encore plus. La gauche considère toujours que son principal souci est de contrer l’agressivité des Etats-Unis, comme dans les années 70. En fait, les Irakiens et les Afghans le font déjà très bien. On ne prend pas beaucoup de risques à affirmer que les Etats-Unis seraient bien incapables de contrôler un pays en état de marche, qui n’aurait pas été ravagé par des années de sanctions économiques : après l’humiliation subie en Irak, il serait tout simplement ridicule de croire que les Etats-Unis seraient capables d’attaquer un autre pays. Non pas à cause de la faiblesse militaire des Etats-Unis - leur incapacité à mener avec succès des opérations militaires constitue une faiblesse, ne serait-ce que pour des raisons psychologiques - mais parce que depuis la première Guerre du Golfe, il y a eu un changement décisif et le monde n’est plus prêt à céder devant les caprices américaines. Si les Etats-Unis semblent isolés en Irak, où l’Onu avait déjà autorisé une guerre et maintenu le pays en quarantaine, imaginez ce que ce serait s’ils décidaient d’attaquer un autre pays. Ce serait anachronique, et même insultant, de penser - contrairement au reste du monde - que les non-américains sont de petits peuples qui sont incapables de faire face à la « puissance militaire invincible » des Etats-Unis.

C’est sur la question du conflit Israël/Palestine que l’attitude de la gauche apparaît le plus clairement obsolète. La gauche tend à l’analyser comme l’histoire d’un allié des Etats-Unis qui écraserait les palestiniens pour préserver leur domination au Moyen-Orient. Israël intimiderait le monde arabe et permettrait aux Etats-Unis de sécuriser ses sources de pétrole.

Ca n’a pas de sens. Le contrôle du pétrole du Moyen-Orient est une des rares choses que les Etats-Unis pourraient faire eux-mêmes : l’occupation des champs de pétrole ne coût pratiquement rien et ils l’ont déjà fait souvent. Et en ce qui concerne les pays producteurs, Israël ne semble pas avoir été d’une grande aide pour le contrôle du pétrole Iranien, et les régimes du Golf ont toujours été des régimes soumis et sans défense devant les Etats-Unis. Le seul résultat tangible du soutien des Etats-Unis à Israël est que les peuples du Moyen-Orient sont furieux à l’idée d’une alliance ou d’une soumission aux Etats-Unis : Israël n’est pas une aide, mais un danger énorme pour la sécurité énergétique des Etats-Unis. Et il est même inutile de rajouter « énergétique » : en créent des ennemis des Etats-Unis partout dans le monde, Israël est un danger pour la sécurité des Etats-Unis, tout court.

Les Etats-Unis ont soutenu Israël à une certaine époque parce que celui-ci formait un barrage contre le nationalisme arabe très populaire de Nasser et contre l’influence Soviétique. Ce qui avait un certain sens : au moins contre l’Union Soviétique, Israël servait de porte-avions dans la région pour les Etats-Unis. Mais à présent, les Etats-Unis soutiennent Israël pour de mauvaises raisons : par inertie ou par une absurdité larmoyante qui consiste à faire sortir à chaque fois le lapin israélien du chapeau de la Shoah. Si le lobby Israélien est si puissant, ce n’est pas parce que les Etats-Unis ne peuvent pas y résister, mais parce qu’ils ne veulent pas : ils pensent qu’Israël est un bon copain et cette histoire de lobby au fond ne les dérange pas. Après tout, le lobby Israélien fait désormais partie du paysage politique des Etats-Unis. Et en ce qui concerne les affaires d’espionnage, pas de problème : les amis s’espionnent mutuellement de temps en temps, et il a déjà été souligné avec raison que les Etats- Unis fournissent à Israël beaucoup plus d’informations sensibles qu’Israël n’en obtient par l’intermédiaire de ses agents.

Alors pourquoi cette persistance de la théorie autour du pétrole ? D’abord parce que la gauche n’arrive pas à se faire à l’idée que les Etats-Unis seraient capables d’agir par pure stupidité. Et pourquoi pas ? Serait-il impossible qu’un pays qui élit des dirigeants aussi brillants soit incapable de tomber si bas ? Deuxièmement, cette théorie persiste parce que la gauche est imprégnée par l’idée qu’un pays puissant ne peut entretenir des alliances qui lui portent tort, mais qu’au contraire doit étendre et manifester sa puissance. Mais les Etats-Unis se font du mal touts seuls, et beaucoup, tandis que leurs faiblesses deviennent chaque jour de plus en plus évidentes. Peut-être que le sort des palestiniens ne sera jamais une préoccupation pour les américains, mais leur propre sécurité l’est : avec toute la haine qu’ils sèment, ils ont raison d’avoir peur du reste du monde, qui est tout à fait capable de leur faire subir des défaites retentissantes. C’est pour cela que les Etats-Unis ont besoin d’amis. C’est pour cela que les Etats-Unis devraient laisser tomber Israël.

Publié sur www.counterpunch.org, le 23 septembre 2004.
Traduction de l’anglais (américains) par le Cuba Solidarity Project
Ecrit par libertad, à 22:16 dans la rubrique "International".
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