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L'En Dehors


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Victor Serge (1911) : L'individualiste et la Société
Lu sur Georges Palante (1862-1925) :
Le mot société est synonyme de groupement. Aujourd'hui la plupart des hommes constituent un immense groupement, qui, quoiqu'il se subdivise en un nombre infini de sous-groupements (races, nationalités, classes sociales, groupes idéologiques), peut néanmoins être considéré comme un tout. C'est cet ensemble, cette formidable collectivité que nous désignons par ces mots : la société.

Considérer la société comme un assemblage d'individus et lui dénier toute importance, toute vie propre, ainsi que l'ont fait certains théoriciens est simpliste, trop simpliste. C'est méconnaître la psychologie sociale, la psychologie des foules, et ce qui est plus étonnant, les résultats des observations les plus élémentaires. A la vérité l'observation nous montre et l'étude nous confirme que du fait qu'ils se trouvent rassemblés par des intérêts, des aspirations, ou des hérédités semblables, les hommes se modifient. Une psychologie nouvelle se crée, commune à tous les membres de l'association. Ils constituent désormais une foule ; et cette foule a une mentalité, une vie, une destinée distincte de celles des individus dont elle est composée.

L'existence d'une société est donc régie par des lois aussi immuables que les lois biologiques régissant l'existence des individus.

Maintenant posons la question : ces lois sont-elles favorables à l'individu ? Sont-elles en harmonie avec ses intérêts ?

Dans un excellent petit " Précis de Sociologie ", M. G. Palante (1) a écrit :

" Une société, une fois formée, tend à se maintenir ", en vertu de quoi " toutes les énergies individuelles seront sur tous les domaines - économique, politique, juridique, moral - étroitement subordonnées à l'utilité commune. Malheur aux énergies qui ne se plient pas à cette discipline. La société les brise, ou les élimine sans hâte comme sans pitié. Elle apporte dans cette exécution le mépris le plus absolu de l'individu. Elle agit comme un instinct aveugle, irrésistible, et implacable. Elle représente sous une forme terriblement concrète cette force brutale que Schopenhauer a décrite : "La volonté de vie séparée de l'intellect".

En dépit des utopies optimistes, toute société est et sera exploiteuse, usurpatrice, dominatrice et tyrannique. Elle l'est non par accident mais par essence. "

Cela suffit - d'autant plus que cette " loi générale de conservation sociale " admise par presque tous les sociologues contemporains, nous la sentons tous les jours peser douloureusement sur nos épaules.

Et si l'on y ajoute la " loi de conformisme social "consistant " en ce que toute société organisée exige de ses membres une certaine similitude de conduite, d'allures et même d'opinions et d'idées " et qui " entraîne comme conséquence une loi d'élimination des individus rebelles à ce conformisme ", le conflit entre l'Individu et la Société nous apparaît dans toute son ampleur.

*

Un coup d'oeil jeté autour de nous confirmera d'une façon éclatante la conclusion à laquelle nous sommes arrivés par des voies théoriques.

Quoi de plus inique en effet que le prétendu contrat social, au nom duquel chacun est écrasé par tous ! Tu seras ouvrier, tu seras soldat, tu seras prostituée, car les nécessités sociales l'exigent, et car un contrat que nul ne te demandera jamais d'accepter t'y oblige. Tu obéiras à la loi ; tu seras le serviteur de la tradition ; tu vivras selon l'usage et la coutume... Pourtant tradition, loi, usage te gênent, entravent ton développement, te font souffrir. Obéis, plie, abdique ! sinon tes voisins te blâmeront et te tracasseront : l'opinion publique se gaussera de toi et réclamera contre ton insolence les pires châtiments, la loi te frappera. Affamé, diffamé, honni, déshonoré, tu seras le réfractaire que l'on étrangle implacablement.

Telle est la réalité. "Moi", je n'ai ni patrie, ni argent, ni propriété à défendre. Qu'importent mes intérêts à la société ? Elle a besoin de soldats ; donc, elle m'impose patrie, caserne, uniforme...

"Moi", je ne suis plus dupe des morales surannées régissant la vie des foules ; j'aspire à aimer librement... Mais il faut au corps social des amours respectueuses de la loi et si je ne me marie pas devant le maire, la loi et l'opinion me réserveront leurs rigueurs...

J'aime le travail. Mais je veux l'accomplir librement... Le salariat me met dans l'alternative d'être esclave, voleur, - ou de crever de faim...

Et que l'on incrimine pas une forme d'organisation sociale - capitaliste autoritaire - plutôt que toute autre. Certes, il ne nous est pas difficile de concevoir une société incomparablement moins mauvaise, plus logique, plus intelligemment organisée. Mais en outre de ce que sa réalisation plus ou moins lointaine est une hypothèse des plus controversables, il ne faut pas nous dissimuler qu'elle présenterait toujours des graves obstacles au développement de l'individu.

L'hypothèse d'un lendemain collectiviste nous présage une lutte féroce entre l'Etat et les quelques individualités désireuses de conserver leur autonomie. Même compris dans le sens le plus large - celui de nos camarades anarchistes-communistes - un groupement social tendra inévitablement à imposer à ses membres un seul et même credo idéologique... Ce sera encore a lutte entre l'Individu et la Société. Au lieu de lui disputer sa liberté et sa vie matérielle, il lui disputera son indépendance intellectuelle et morale. Et rien ne nous dit qu'aux Hommes de l'avenir - si cet avenir doit se réaliser - les péripéties de cette lutte ne seront aussi douloureuses que ne l'est aux hommes de ces jours la bataille pour le pain, pour l'amour, pour l'air libre !

Dans tout groupement social l'individualiste restera un rebelle.

*

Parce que nous constatons l'antagonisme existant entre l'individu et la société, il ne faudrait pas nous croire insociables. A plusieurs reprises cependant, des adversaires ont cherché à créer cette confusion.

La vie en société a des avantages, que nul d'entre nous ne songera jamais à contester. Fort bien. Mais égoïstes, désireux de vivre selon notre pensée, nous ne voulons pas accepter ses inconvénients même inéluctables. C'est un des traits caractéristiques de l'individualiste : " il ne se résigne pas, même devant ce qui est fatal."

Si l'on entend par individu sociable celui qui ne gêne pas, ou gêne le moins possible son voisin, l'individualiste est sociable au premier chef. Par intérêt d'abord ; gêner c'est le plus souvent s'exposer à être gêné. Il laisse donc les autres vivre à leur guise, à condition toutefois qu'ils lui rendent la pareille. Il n'ignore pas les avantages de "l'association librement consentie", association temporaire de bonnes volontés, dans un but d'utilité pratique ; mais il ne veut pas non plus être dupe de l'idole Solidarité et se laisser absorber par une coterie, une chapelle ou une secte...

S'il est fort - et nous pensons qu'il n'est pas possible de s'affirmer soi sans être fort - il est d'autant plus sociable.

Les forts sont généreux, étant assez riches pour être prodigues : les révoltés les plus énergiques, les plus indomptables ennemis de la société, ont toujours été de grands coeurs.

Victor Serge, 15 juin 1911, numéro 323 de l'Anarchie



Ecrit par Cercamon, à 23:04 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Anonyme
15-10-04
à 23:21

[…] En février 1913, la Cour d'Assises de la Seine commence le procès de 22 inculpés : Callemin, Carouy, Simentoff, Soudy, Rirette Maîtrejean, directrice de L'Anarchie, Kibaltchiche son ami, Eugène Dieudonné,Monnier, Gauzy de Boué, Marie Vuillemin...

Considérée à tort comme l'âme de la bande, Rirette Maîtrejean et Kibaltchiche (Serge) affirment qu'en tant qu'anarchistes ils ont toujours combattu les théories et les pratiques illégalistes, mais n'ont jamais demandé à aucun de ceux qui fréquentaient le siège de l'Anarchie leur identité ou leur mode de vie.

Victor Kibaltchiche, fils d'un ancien sous-officier du tsar devenu révolutionnaire, a d'abord mené à travers l'Europe une existence de proscrit. Condamné à cinq ans de réclusion parce qu'on a trouvé deux revolvers au siège de L'Anarchie ; il épouse Rirette Maîtrejean en 1915.

À peine libéré en 1917, il gagne la Russie où il se rallie au nouveau régime. Déporté par Staline en Sibérie, celui qui s'appelle à présent Victor Serge est sauvé par l'intervention de Romain Rolland, de Gide, de Malraux, de Barbusse. Autorisé à vivre en Occident, il y devient un écrivain célèbre.

Le 27 février, 383 questions sont posées au jury.

Au petit matin, le verdict tombe : quatre acquittements (dont Rirette Maîtrejean), dix bénéficiaires de circonstances atténuantes (dont Kibaltchiche, condamné à cinq ans de réclusion), quatre peines capitales : Callemin, Dieudonné, Soudy, Monnier. Un dernier coup de théâtre se produit alors : Callemin innocente Dieudonné de l'agression sur le garçon de la rue Ordener. Peu de temps avant l'exécution, fixée au lundi 21 avril 1913, le président de la République Poincaré commue la peine de Dieudonné en celle de travaux forcés à perpétuité […]
Répondre à ce commentaire

  Anonyme
16-10-04
à 04:41

Des liens sur Serge :

http://www.vlady.org/dissident/vserge.html

« Les Amis de la Bibliothèque Victor Serge » à Moscou

http://www.anarchie.be/AL/12/victor.htm

http://www.quintessential.org.uk/sergelibrary/index.htm

Mail : praxis2001@mail.ru (Réponse en français, anglais, et évidemment russe)
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  Anonym3
16-10-04
à 09:11

Victor serge bolchévique ?

  • Quoi de plus inique en effet que le prétendu contrat social, au nom duquel chacun est écrasé par tous ! Tu seras ouvrier, tu seras soldat, tu seras prostituée, car les nécessités sociales l'exigent, et car un contrat que nul ne te demandera jamais d'accepter t'y oblige.

Je ne sais comment réagissa V.serge en République soviétique et dans le parti communiste qu'il intégra en 1919, mais il me semble que ce qui était instauré dans l'internationale communiste était une dictature ("contrat" social obligatoire). Je n'ai pas connaissance de texte critique de V.s vis à vis de cette réalité là. Il exprimera son désaccord, pour cronstadt en 21 (pour la forme), sur les excés de la tcheka, mais entre 19 et 21, transpirera t il d'un désaccord autre ?
  • Même compris dans le sens le plus large - celui de nos camarades anarchistes-communistes - un groupement social tendra inévitablement à imposer à ses membres un seul et même credo idéologique...
Il me semble qu'il n'y a pas plus de crédo idéologique à sens unique, que ce soit individualistes que communistes (tous deux anarchistes évidemment).
Et d'ailleurs son argument n'est plus valable, car aprés les éxpériences en ukraine ou en espagne, où les individualistes étaient laissés à leur autonomie s'ils le désiraient (c'était pas général, mais là où existait des libertaires, cette pratique existait).
  • Dans tout groupement social l'individualiste restera un rebelle.
Tout rebelle est individualiste ?
Restera t il un rebelle dans le parti bolchévique ? ou devint t il alors marxiste ?
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  LucNemeth
09-10-06
à 11:41

Re: Victor serge bolchévique ?

Victor Serge bolchevique ? Oui bien sûr, et même : propagandiste de premier plan, jusqu'au milieu des années vingt. Anonym3 tu aurais donc des difficultés à trouver un texte "critique" de lui, de cette période (encore que, en bon propagandiste, il aît su éviter le triomphalisme inutile voire adopter un point de vue minimaliste basé sur le "il n'y a pas d'autre solution" que de se rallier au bolchevisme, etc.). Même en ce qui concerne Kronstadt 1921 il y a tout lieu de croire qu'il en fut bouleversé mais en tous cas il n'alla pas jusqu'à protester, publiquement. Ce fut seulement en... 1937 qu'il resortit ce massacre, à l'occasion d'une polémique avec Trotsky. Encore le fit-il en des termes, qui peuvent laisser perplexe. En fait il ne désavouait pas, cette tuerie : il disait qu'il ne fallait pas en tuer tant que çà, et qu'il fallait les tuer en procédant à une explication pédagogique préalable. Mais, en cette année le 1937, le mouvement anarchiste avait d'autres priorités que de se lancer dans ce genre de lecture "à la loupe", à l'heure où les bolcheviks jouaient maintenant du revolver, et où en la personne de... Victor Serge se trouvait quelqu'un d'assez courageux pour asséner à Trotsky quelques vérités bien senties -notamment, concernant notamment son refus d'alliance avec les anarchistes en Espagne.

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