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L'En Dehors


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Merci Vincent, merci Marie !

La mort de Vincent rouvre incontestablement le débat sur l’euthanasie.Elle pose de nouveau avec clarté et sans ambiguïté la question du droit de chaque individu de choisir de mourir alors qu’il se trouve dans une situation extrême de souffrance, insupportable pour lui . On aurait pu penser que sa mort, le comportement courageux de sa mère, leur désir exprimé publiquement de refuser la clandestinité de leur acte, permette de sortir de l’hypocrisie qui le plus souvent préside à des fins de vie " assistées ", telles qu’elles ont lieu pour un décès sur deux, selon les médecins eux-mêmes, dans les services hospitaliers de réanimation.

A cet égard, la mort de Vincent pose à la fois la question euthanasique proprement dite, d’une part, celle du désir et du choix volontaire exprimé et réitéré de quitter une vie devenue un calvaire pour lui, seule définition acceptable de l’euthanasie, choix éthique qui ne regardait que lui et que lui seul et ne relève d’aucune autre considération (médicale ou autre), et d’autre part, celle de l’interruption de la réanimation décidée et annoncée publiquement par le corps médical, telle qu’elle est habituellement mise en pratique en milieu hospitalier. Il faut cependant noter qu’auparavant, le médecin qui suivait Vincent avait cru bon de la transférer en service de réanimation lorsque Marie, pensant que tout était terminé pour son fils et qu’il était trop tard pour intervenir, lui avait expliqué son geste et donné le nom du produit injecté. Il fallait qu’il soit dit que la médecine ait le dernier mot et que " la vie " l’emporte ! Marie ne devait pas informer ce médecin par remords d’avoir accompli son geste, comme il a pu être dit. Elle ne pouvait pas tout simplement imaginer un seul instant que Vincent serait transféré dans un service de réanimation ! On comprend sa souffrance lorsqu’elle devait l’apprendre, elle qui durant sa garde à vue était revenue une nouvelle fois sur la nécessité qu’elle ressentait d’accomplir ce geste qu’elle savait être " une exigence de son fils " et qu’elle avait accompli par amour !

Et c’est bien ce qui s’est passé ! Par bonheur, l’équipe médicale devait rapidement reconnaître que l’acharnement à maintenir Vincent " en vie " à l’état de légume… n’était pas humainement, ni sans doute médicalement, tenable et alors que le père et les frères de Vincent leur demandaient " d’arrêter  leur acharnement " et approuvaient totalement ce qu’avait eu le courage de faire leur épouse et mère.

Toujours est-il que, comble de casuistique scolastique et de tartufferie institutionnelle, la Justice pourrait dédouaner de son acte Marie, la mère courage de Vincent, pour le motif que ce n’est pas elle qui a " donné la mort " à son fils mais que ce sont les médecins qui ont " interrompu " les soins de réanimation, lui permettant ainsi de mourir comme il le désirait … ! On pourrait ainsi renoncer à une poursuite judiciaire du chef d’assassinat et se " contenter " de la notion de " tentative "  sans véritable intention de donner la mort tenant compte ainsi de l’émotion de l’opinion que ne manquerait pas de susciter une inculpation pour meurtre !

Un tel détournement de la justice dans le seul but de sauver les grands principes de la Loi selon lesquels quelqu’un qui aide positivement et activement à mourir doit être poursuivi comme criminel, permettrait à la fois de faire preuve de compassion vis à vis de la mère de Vincent et de tenir compte de l’approbation de la grande majorité des citoyens de ce pays devant le dernier acte de courage et d’amour du mère pour son fils. Marie ne serait pas inquiétée outre mesure, certainement pas accusée d’assassinat, le souhait de Vincent aurait été exhaussé, et la médecine garderait son pouvoir exorbitant de décider ou non de garder en vie l’un de ses patients. Il n’est d’ailleurs pas question de critiquer l’attitude du corps médical en la circonstance. Au contraire, on ne peut que louer cette équipe médicale qui, refusant l’acharnement thérapeutique, a décidé l’interruption de la réanimation de Vincent. On ne peut surtout que se féliciter qu’elle n’ait pas été composée d’  " intégristes " dogmatiques de la vie à tout prix et à n’importe quel prix, comme il en existe encore, à vrai dire de moins en moins il faut le reconnaître, dans certaines structures médicales. Seules, il a bien fallu que quelques " bonnes âmes " regrettent la mort de Vincent " qui aurait pu tant nous apporter dans la compréhension de son état de tétraplégique, sourd et muet. Et seuls les curés étaient là pour refuser de " ratifier le désir de mort " !…

On aurait néanmoins pu penser que le cas exemplaire de Vincent incite, voire oblige, les Pouvoirs publics à ouvrir largement le débat sur l’euthanasie. Le premier, le ministre des affaires sociales Fillon, estimait pour sa part qu’il fallait " ouvrir le débat pour modifier notre législation " tandis que le ministre de la Santé, le médecin Mattéi, de nouveau sur la sellette déclarait qu’ " il n’était pas question de légiférer sur l’euthanasie mais d’inciter à de " bonnes pratiques " médicales ( ? !) " et que le Premier Ministre Raffarin, affirmait bien haut que " la vie n’appartient pas aux politiques ", montrant ainsi le mépris dans lequel il tient le Législateur dans une affaire qui l’éloigne un peu plus d’une opinion publique majoritairement désireuse de voir précisément les député être saisi de la question, en débattre afin d’aboutir à une loi qui seule pourra permettre d’éviter de tels drames comme d’ailleurs les dérives médicales dans ce domaine ! Or qui donc autres que les représentants du peuple seraient habilités à traiter d’un tel problème de société  ? Les députés ne sont-ils pas " représentatifs " de ce peuple, qui, dans sa grande majorité, réclame un débat sur la question et le changement de la loi ? Les médecins, le corps médical ? L’euthanasie ne relève pas de la médecine, mais de l’éthique. La demande euthanasique relève d’un choix individuel et libre.

Hélas, il faut bien en convenir : la mort est encore un sujet tabou dans la société hyper médicalisée que nous connaissons. La fin de la vie est laissée en réalité à l’appréciation du seul Pouvoir Médical, la chasse gardée des médecins. " Dieu seul, et les médecins, sont maîtres de la vie et de la mort !  Circulez, il n’y a rien à voir ! … vous n’avez rien à y voir !  "

André Monjardet

Le 27 septembre 2003

André Monjardet auteur de " Euthanasie et Pouvoir médical " (l’Harmattan Paris 1999) et à paraître en octobre à " L’Esprit frappeur " : " L’euthanasie en question ".

Ecrit par libertad, à 22:54 dans la rubrique "Pour comprendre".



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