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L'En Dehors


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Un peu d'histoire de l'antispécisme

Lu sur Indymédia Lille : "Une mise au point du Cercle social. Dans l'histoire de l'anarchisme, le courant végétarien existe depuis fort longtemps. D'abord à titre personnel par plusieurs auteurs anarchistes-communistes, il s'est surtout développé dans le courant individualiste, sur des bases liées à l'hygiénisme, associé à l' anti-alcoolisme et à l'anti-conceptionnalisme. Il se manifeste donc comme une exigence d'effort individuel, de transformation personnelle. Ce n'est pas un hasard si on le retrouve dans l'après-guerre, dans les mouvances beatnik puis hippies, également fondées sur la recherche d'une libération individuelle.

Un plus près de nous, il faut, à mon sens, remonter aux origines du mouvement punk en Angleterre pour bien comprendre l'antispécisme actuel. Dès le milieu des années 70, c'est un mouvement d'origine nettement ouvrière, formé par de jeunes chômeurs et travailleurs, en réaction au mouvement hippie considérer comme petit-bourgeois et idéaliste face aux réalités de la crise économique et de la misère. On y trouve juxtaposé provocation et « nihilisme » (Sid Vicious, posant avec des croix gammées au cou, mort d' overdose durant son procès) et références ouvrières (Johnny Rotten affirmant que les Sex Pistols sont un groupe socialiste). Cette dernière tendance, dont le groupe phare sera Crass, prendra le nom d'anarcho-punk. La longues grève des mineurs anglais sert de catalyseur à cette mouvance, alors que ses groupes musicaux participent aux concerts de soutien pour financer le mouvement. Au niveau politique, l'anarcho-punk s'exprime clairement au sein de la fédération Class war, qui pratique un ouvriérisme radical par ses slogans (class war, class unity, class pride) et sa presse (qui allie l' argot populaire, l'humour corrosif et la clarté de lecture) sans renier ses références anarcho-punk (cf. l'article Death of a tiger paper, par la revue Aufheben).

L'anarcho-punk est un courant d'idées relativement hétérogènes, sans véritable centre. Les paroles des morceaux de musique, très engagés, les fanzines, les émissions radios diffusent les thèmes communs : squat, anti-totalitarisme, anti-sexisme, anti-racisme, anti-étatisme, lutte contre la police. et libération animale. Class war est l'un des vecteurs de cet engagement, en prônant végétalisme, sabotage de parties de chasse - un « loisir » très aristocratique en Angleterre - refus de la vivisection, etc. (cf. la postface de Beasts of Burden, chez Antagonism press). Née de l'anarcho-punk américain, mais en totale rupture, la mouvance Straight edge va bientôt refuser viande, cuir, drogue, alcool et tabac, pratiquer le sport (skate-board, le plus souvent) et développer une « attitude positive » (par exemple, nettoyer la salle après les concerts). Mais elle va progressivement se dépolitiser totalement, et s'ouvrir marginalement à des influences sectaires qui lui donnent sa configuration actuelle.

En Angleterre et aux Etats-Unis, la radicalisation de la libération animale prend la forme de l'action directe « terroriste » avec Animal Liberation Front - qui existe toujours et continue son action. ALF n'est pas une structure centralisée, même si elle possède un organe d'information commun, mais un ensemble de groupes non-reliés entre eux, relativement informels - structuration qui le rend difficile à cerner pour la police, puisque seuls les individus pris en flagrant délit peuvent réellement être arrêtés, et que l'absence de liaisons, d'organigramme et de direction rend difficilement démantelable et infiltrable ; ce qui en fait le cauchemar des polices antiterroristes, même si ALF se limite aux dégâts matériels et personnes.

En France, le mouvement punk a une histoire assez différente, parce que son ancrage ouvrier, quoique réel, n'est pas aussi net. L'anarcho-punk et le straight-edge jouent un certain rôle plotique - notamment dans la mouvance des Scalp (Sections carrément anti-Le Pen), et par une presse très politisée, mais éclectique. Le thème de la libération animale y existe, sans avoir la position centrale qu'il a en Angleterre. Surtout, ALF ne s'y développe pas. La libération animale y prend donc une tournure très différente, beaucoup moins liée à la mouvance punk, et, d'une certaine manière, plus intellectuelle. L'épicentre de ce mouvement est à Lyon, où un groupe d'individus adopte le végétalisme et s'engage dans la libération animale. Mais, au lieu de développer cette idée sur le modèle des « libération » (féminine, homosexuelle, etc.), ou du marxisme (que quelques-uns d'entre eux connaissent assez bien), ils cherchent une base théorique rigoureuse. Ils découvrent, via sa traductrice italienne, les idées antispécistes du philosophe australien Peter Singer. Ils vont explorer ses idées, puis les critiquer et les dépasser - tout en développant une critique des diverses tendances de l'antispécisme (néokantisme, juridisme, libéralisme, etc.) et une critique du naturalisme (la croyance en un ordre naturel) et de l'écologisme (qui envisage l'animal comme espèce plutôt que comme individu).

Leur revue théorique s'appelle les Cahiers antispécistes lyonnais, puis, tout simplement, de Cahiers antispécistes. Partant du principe qu'ils sont pour l'extension de la liberté et de l'égalité à ces individus que sont les animaux non-humains, ils s'adressent au milieu anarchiste, qu'ils connaissent bien et qui leur semble devoir être le plus réceptif. L'accueil est plutôt froid, voire carrément hostile. Bientôt, la Fédération anarchiste va proscrire l'antispécisme de sa presse et de ses librairies ; la revue anti-fasciste Réflex attaque les antispécistes, provoquant une rupture dans son lectorat ; la violence anti-antispéciste culmine par l'attaque physique. Alors que Peter Singer fait face aux Autonomen allemands durant ses conférences, deux rédacteurs des Cahiers antispécistes - David Olivier et Yves Bonnardel - sont agressés et interdits de parole par des anarchistes dans un rassemblement en Espagne.

Pourquoi cette haine ? Formellement, c'est la réaction aux idées attribuées à Peter Singer qui va la provoquer. Ce philosophe, spécialiste de bioéthique, est un libéral de gauche. Il connaît bien le marxisme, mais utilise pour base conceptuelle de ses travaux la pensée utilitariste de Bentham. Il a trois grands sujets de préoccupation : la critique matérialiste des théories de la conscience, l'égalité de considération entre les espèces animales, et le droit à l'euthanasie. C'est dans son livre Question d'éthique pratique qu'il expose le plus clairement cette triple préoccupation et les connections qu'il trouve entre elles. Le livre est réputé difficile, et sa diffusion est faible. Mais c'est dans La libération animale - dont David Olivier relit la version française - qu'il expose le plus clairement sa vision de l'antispécisme. Sur un ton didactique, il montre l'horreur concrète de l'exploitation animale et explique les fondements philosophiques de la libération animale. Ce livre devient un best-seller au sein du mouvement antispéciste.

La première édition va amener de curieux débats au sein de ce mouvement, en raison des conseils alimentaires qu'il propose. Choqué par l'exploitation animale, Singer cherche à l'analyser dans le cadre de son matérialisme. Il trouve l'idée de vie trop idéaliste, et souhaite la remplacer par quelque chose de plus concret : la souffrance. L'individu animal n'a pas droit à la vie, mais le droit de ne pas souffrir. C'est a fameuse maxime de Bentham : « La question n'est pas : peuvent raisonner ? ni peuvent ils parler penser ? mais : peuvent ils souffrir ? ». De ces prémisses, Singer déduit qu'il est condamnable de manger des animaux qui peuvent souffrir, do c'est-à-dire ceux qui ont un système nerveux. Autrement dit, il n'y pas de mal à manger des mollusques, par exemple. Cette idée était absurde, bien sûr, mais elle a contribué à faire passer les antispécistes - qui débattaient de ces questions - pour des doux dingues. Fort heureusement, dans la seconde édition, il corrige cette bourde en adoptant une position plus tranchée, et en élargissant sa définition de la souffrance. Mais ce n'est pas ça qui attise la haine contre ses thèses.

Les adversaires de Singer, qui ne l'ont généralement pas lu - ce qu'il a réussi à faire dire à ses assaillants allemands - le considèrent comme un Nazi. C'est un peu vexant pour ce juif d'origine autrichienne, dont la famille à péri en camp de concentration. Pourquoi cette accusation ? A cause de ses considérations bioéthiques sur l'euthanasie pour les foetus gravement handicapés, pour l'essentiel. Même si c'est un sujet délicat, on ne trouve jamais dans les livres de Singer de considérations sur une quelconque amélioration de la race ou de l'humanité, mais uniquement une réflexion sur la souffrance individuelle. A vrai dire, s'il était resté cantonné à la sphère de la bioéthique, personne n'aurait jamais entendu parler de lui chez les anarchistes et les antifascistes.

Mais, ce qui ressort des débats menés par ceux qui avaient poussé la curiosité jusqu'à le lire, c'est la manière dont il pose la question de la conscience face aux défenseurs du monopole de la conscience humaine. Singer montre, par des raisonnements et des exemples concrets, que les caractéristiques classiques de la conscience ne s'appliquent ni aux nouveaux-nés, ni à certains handicapés mentaux. Par contre, on peut les rencontrer chez certaines espèces animales. Autrement dit, la conscience - dans son acception classique - n'est ni le monopole de l'humanité, ni même une caractéristique commune de l'humanité. La démonstration de Singer s' inscrit dans un large courant de critique des notions de conscience et d' ordre naturel, sur une base matérialiste. Elle est un point de passage obligé de la démonstration sur l'égalité animale - concept partagé par de nombreux biologistes, à l'instar de Stephen Jay Gould - dans la mesure où l' argument de la conscience est un élément central de l'anthropocentrisme.

Non seulement Singer ose affirmer que toutes les espèces animales méritent une égale considération, ce qui est inacceptable pour les anthropocentristes avoués ou non, mais il pousse le crime jusqu'à en tirer des conséquences pratiques - ce que Gould ne fait pas, par exemple - en suggérant de ne pas manger d'animaux. Comment le contredire. Eh bien , par exemple, en raccourcissant un peu sa pensée. N'a-t-il pas comparé nouveaux-nés, handicapés et animaux, et trouvés que ces derniers étaient supérieurs aux premiers. N'est-il pas pour l'euthanasie pour les handicapés, puisqu'ils sont inférieurs aux animaux. Donc. c'est un Nazi. Dites ça à quelques antifascistes et à quelques anarchistes qui ne font pas l'effort de lire le texte original, et vous les transformez en parfaits petits flicaillons de l' ordre naturel. Caricature ? C'est hélas comme ça que ça s'est passé, ni plus ni moins. Les antispécistes ne se sont pas toujours bien défendus non plus, face à une haine qu'ils comprenaient d'autant moins qu'elle venaient de gens qui, sur tous les autres sujets, exprimaient exactement les mêmes idées qu'eux. Le cordon sanitaire établi autour d'eux - chez les libertaires - rendait leur défense vaine. L'évolution sensible des Cahiers antispécistes est passée inaperçue, de même que le dépassement des thèmes singeriens. Par contre, dans une situation inquisitoriale, chaque maladresse devenait un signe supplémentaire. Notamment, la confusion entre anthropocentrisme et humanisme, particulièrement dans les textes d'Yves Bonnardel, a provoqué des réactions outrées, tant le terme d'humanisme a une connotation positive, à part peut-être chez les marxistes. Il est vraisemblable que les deux termes soient fortement connectés, mais la démonstration rigoureuse n'en a pas encore été faite. C'est sur cette base que le gastronome Paul Ariès a lancé, dans l'indifférence quasi-générale d'ailleurs, son attaque contre l' antispécisme, dans lequel David Olivier, Yves Bonnardel et le Cercle social sont calomniés d'une même voix.

Il ne manque pas de raisons de critiquer l'antispécisme tel qu'il se présente actuellement, mais à condition de le faire sérieusement, sur la base d'une réflexion et non de ragots, d'idées touts faites. Et surtout, la critique de l'antispécisme actuel ne doit pas être une raison de ne pas poser la question animale.

Nico, le 18/02/02

Ecrit par libertad, à 21:42 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  Bleuler
30-10-05
à 17:26

Vous joindre

Nico,

Je trouve votre critique intéressante.  J'aurais des questions.  Il n'y a pas d'adresse E-mail où vous joindre.

Bleu

bleuler.yves@sympatico.ca

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