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Increvables anarchistes : "La section des taxis de Barcelone est une de celles où s'est manifesté de la façon la plus évidente l'esprit constructif de la classe ouvrière organisée dans la CNT.
Avant le 19 juillet, il existait un grand nombre de groupements d'ouvriers ou patrons taxistes. Les rivalités, la course incohérente au profit entraînaient de mauvaises conditions de travail : douze heures de suite, sans rétribution fixe et aucune indemnité en cas de maladie. Au 19 juillet, la totalité des chauffeurs et un grand nombre d'ouvriers émancipés, adhéraient à la CNT.
Lorsque la vie de la cité se fut à peu près normalisée, à la fin du mois de septembre 1936, un premier service d'urgence fut remis en circulation, avec 200 voitures récemment peintes et décorées en rouge et noir.
Puis le service se normalisa et la nouvelle réorganisation donna ses fruits en janvier 1937, sept cent voitures rapportaient une recette journalière de plus de 80 000 pesetas. Les restrictions d'essence firent baisser les recettes, le comité de contrôle chercha une formule pour fabriquer une carburant pouvant remplacer l'essence. Il parvint à l'obtenir grâce à une formule présentée par un ouvrier et de nouvelles voitures furent remises en circulation. Mais ma collectivité, après les journées sanglantes de Mai (1937) fut l'objet de provocations de la part des communistes, les chauffeurs molestés pour les démoraliser et amener des conflits violents. Les dénonciations des anciens patrons déclarant que leurs voitures leur avaient été volées furent admises, les réquisitions pour les besoins de la guerre firent péricliter l'industrie et la section finalement supprimée par décret gouvernemental en décembre 1937.
Cependant les réalisations de ce syndicat sont un des meilleurs exemples de la capacité et du sens de l'ordre de ces "incontrôlés".
Les travailleurs avaient établi leurs services administratifs salle des Cortès, où étaient assuré le contrôle du travail effectué par les chauffeurs, les ouvriers des garages et ceux de l'atelier de réparations. Le détail des statistiques permettaient de se rendre compte immédiatement d'où venait le défaut de rendement, les défectuosités d'une voiture. Les voitures défectueuses étaient immédiatement envoyées à l'atelier pour y être aménagées ou réparées.
Un reçu était donné au conducteur lorsqu'il remettait la recette de la journée de travail, de même qu'il en signait un au garagiste pour la quantité d'huile ou d'essence qu'il réclamait. Les fraudes étaient rares, elles portaient seulement sur le calcul de l'augmentation des 25% sur les prix marqués au compteur, mais cette différence se retrouvait sur les feuilles de récapitulation. Lorsque le fait s'était renouvelé trois fois, la voiture était enlevée à l'ouvrier qui devait aller travailler à l'atelier.
En ce qui concerne les réparations, les chauffeurs, sans le concours d'aucun ingénieur, ni chimiste, avaient installe avec leur propres moyens un atelier de réparation et de construction, dans lequel ils parvenaient non seulement à effectuer les réparations courantes, mais aussi à construire toutes les pièces et les outils qui leur étaient nécessaires, y compris ceux qu'on n'avait encore jamais fabriqué en Espagne. Par cette indépendance à l'égard des firmes internationales de construction économique en temps de guerre, ils avaient su réaliser leur émancipation économique.
Les ateliers de réparation et de construction étaient établis dans un vaste local inutilisé depuis l'exposition universelle. Une partie contenait des vieilles voitures, à cause du manque de matières premières, on tirait parti de tout ce qui était utilisable. L'atelier construisait le moteur en entier, achetait les aciers spéciaux, mais faisait tous les alliages nécessaires. Il avait un four au charbon. Les pistons autrefois importés se fabriquaient sur place ainsi que les paliers qui jusqu'alors ne s'étaient jamais fabriqués en Catalogne.
Avec l'esprit de recherche qui les caractérisaient les ouvriers étaient tout entiers tournés vers la réalisation d'une uvre au bénéfice de la collectivité.
Les peintres étaient naturellement l'objet d'attention spéciales : ils touchaient du lait matin et soir et le Comité avait fait installer de puissants ventilateurs pour que la pièce soit parfaitement aérée. L'usine avait ses douches, son réfectoire, son infirmerie, son médecin particulier.
Enfin quelques slogans décoraient les murs :
"La crainte est engendrée par la limitation de conscience et de liberté"
"Anarchisme, symbole de justice et de liberté"
"la meilleure propagande est dans l'exemple de ta conduite"
le Libertaire 12 juillet 1946
A l'occasion d'un numéro spécial consacré à la révolution libertaire espagnole.