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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Réfractaires de la « Belle Époque »
--> René Fugler

Lu sur Réfractions : "Ce n’est certainement pas le goût si répandu de la commémoration qui a suscité ces dernières années plusieurs livres consacrés aux « en-dehors » du XXe siècle commençant : pionniers des communautés libertaires, partisans de l’amour libre et de la limitation des naissances, pratiquants de la « reprise individuelle ». Le retour sur ces pratiques placées le plus souvent sous le signe de l’individualisme anarchiste n’en est pas moins imprégné de l’air du temps. Il y a au cœur de ces expériences et de ces comportements la conviction que la Révolution sociale est une hypothèse à échéance lointaine sinon improbable, qu’il s’agit donc d’entreprendre dans l’immé- diat, dans le quotidien, le changement de la vie et la transformation de l’être humain.

Un point essentiel est cependant à relever tout de suite : cet individualisme- là ne s’exprimait en rien comme une évasion du monde présent ou comme un habile accommodement avec ses condi- tions : il s’affirmait révolutionnaire et se fondait sur un désir intense de vie pleine, libérée des contraintes et des préjugés. Les milieux libres de la « belle Époque », mal- gré leur statut minoritaire, se concevaient bien comme des bases opérationnelles et des machines de guerre sociale.

Une entreprise de démolition

Les ouvrages d’Anne Steiner, Céline Beaudet et Jean-Marc Delpech sont des travaux d’universitaires1. Ils renvoient à d’autres études du même domaine qui restent inaccessibles. Ils n’en manifestent pas moins une réelle sympathie pour les personnages qu’ils évoquent, leurs convic- tions et leurs enjeux. Mais s’il leur arrive de penser qu’il y a dans toute cette effer- vescence des intuitions et des propositions qui valent pour aujourd’hui, ils ne vont pas jusqu’à les donner en solutions. Certains engrenages et dérives – dans l’illégalisme surtout – étaient trop dramatiques et rava- geurs. Les auteurs n’en rendent pas moins une dimension radicale et corrosive à un individualisme libertaire que les clichés du jour réduisent à un repli hédoniste d’allure contestataire.

Un autre point s’éclaire dans ces textes qui rejoignent en cela des recherches et réflexions actuelles : la transversalité des pratiques.Vivre en « milieu libre » n’excluait pas la participation aux luttes sociales, et des ouvriers qui choisissaient la vie en communauté ou l’illégalisme en arrivaient là parce que leur engagement dans des combats syndicaux les empêchait de retrouver du travail.

Le premier des ouvrages que j’aborde là concerne la période la plus reculée, le tout début du siècle dernier. Alexandre Jacob, l’honnête cambrioleur reprend une thèse soutenue par Jean-Marc Delpech en 2006 à l’université de Nancy2. Il n’est pas le premier à s’intéresser à ce personnage exceptionnel (1879-1954) qui a passé dix- neuf années au bagne en Guyane ; il avait été condamné à perpétuité en 1905 pour quelque 150 cambriolages commis en trois ans. Alain Sergent a publié dès 1950 une biographie de Jacob qui vivait alors en honnête marchand forain mais songeait déjà au suicide3. « Marius » l’avait accueilli chez lui pendant une huitaine de jours. S’il lui arrive de regretter la tournure roma- nesque de la biographie, Delpech en retient les informations quitte à en rectifier certaines. Il se montre plus sévère avec le journaliste Bernard Thomas (1970 et 1998, Les Vies d’Alexandre Jacob) à qui il reproche de viser l’épopée, et surtout avec l’avocat William Caruchet (2003). Ce qu’il critique surtout chez ses prédécesseurs, c’est de faire passer au second plan les convictions anarchistes de Jacob, antérieures à sa campagne de « reprise individuelle », persistantes au bagne et jusqu’à la fin de sa vie. Plus particulièrement, il prend le contre-pied des versions qui font de son cambrioleur le modèle du dandy cynique Arsène Lupin.

Son travail s’appuie sur une très vaste recherche à travers toutes les sources dis- ponibles : archives publiques – beaucoup de rapports de police – et privées, presse libertaire et quotidiens, courrier et témoignages. Il ne reste sans doute pas grand- chose à découvrir, sinon peut-être sur la tentative d’acheminer des armes vers l’Espagne en 1936-37. Je ne dirai pas que ces 530 pages se lisent comme un roman, mais dans l’abondance d’informations chaque chapitre en lui-même est intéres- sant, qu’il s’agisse du milieu libertaire à Marseille à la fin du XIXe siècle, de la logistique des « Travailleurs de la nuit » et du vaste réseau mis en place par Jacob, des cibles choisies (rentiers, patrons, militaires, juges et clergé), et encore du procès d’Amiens ou des conditions du bagne.

L’essentiel du propos, je l’ai dit, est avec le souci de l’information vérifiée l’in- sistance, preuves à l’appui, sur le caractère militant que Jacob donnait à son activité cambrioleuse. « Anarchiste révolution- naire, j’ai fait ma Révolution, vienne l’Anarchie4. » Il envisage le vol comme une dimension de la lutte des classes, comme une « entreprise de démolitions », de la « propagande par le fait » relayée par les déclarations. Il destine une partie de ses « gains » à la presse libertaire.

Au bagne même, sa résistance perma- nente, qui lui vaut en tout neuf ans de cachot, il la mène comme un combat libertaire. Si études et lectures l’aident à survivre, elles lui permettent aussi – il se consacre de plus en plus au droit – de se défendre et de défendre des codétenus contre l’administration pénitentiaire. Vivant ensuite dans la discrétion, mais sans chercher à se cacher, il gardera ses convictions jusqu’au bout.

 
Post Scriptum :
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Ecrit par libertad, à 23:51 dans la rubrique "Pour comprendre".



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