NOUS SOMMES LE MONDE EN DEVENIR
Dans ce monde informatisé, nos prothèses de communication numérique nous isolent chaque jour un peu plus en réduisant au minimum les relations humaines, et nous conditionnent insidieusement jusqu'à notre manière d'appréhender et de comprendre notre situation de survie.
"Alors que chacun s’isole dans la crainte, en se retranchant dans sa
petite sphère quotidienne, les relations sociales se désagrègent dans
la peur et le rejet de la différence. Plus on communique avec nos
prothèses numériques, par petits bouts à petits peu, moins on
communique avec l’autre.
La quantité détruit la qualité sous le contrôle des machines à réduire.
Nos projections technologiques nous conditionnent, en nous incarnant
dans les opérations restrictives des affaires planifiées.
L’envahissement précipité de notre univers quotidien par les machines
informatiques, a réduit notre espace vital, en structurant nos
croyances selon les modèles restreints de l’ordre des choses qu’elles
programment." *
Nous ne sommes pas informés, mais "mis en forme". Les transnationnales
de l'information sont d'énormes machines de pression qui répandent de
partout et en permanence la propagande de la soumission sans
concession. Nos modes de perception et nos méthodes de compréhension
qui nous ont été inculqués, conditionnent notre réflexion, nos choix et
rendent nos tentatives de changement inopérantes. Nos solutions font
blocage.
Croire que l'action découle de la pensée, que le changement radical ne
serait que la conséquence d'une conscience révolutionnaire, est une
présupposition, une hypothèse d'un autre temps, que l'on peut remettre
en question. Toute conclusion tirée de l'expérience passée, suppose
comme fondement, que le futur ressemblera au passé. Notre expérience
concrète détermine tout changement, mais seulement dans notre manière
de percevoir et de réagir à la réalité. Ceux qui veulent déterminer et
expliquer le changement par des mouvements passés sont aveugle à
l'invention et à la métamorphose nécessaires à l'émergence d'un nouveau
mouvement révolutionnaire.
"Le passé et le futur sont des manière d'être au présent."
Maturana et Varela, L'arbre de la connaissance, 1992.
Si l'on se permet de ne plus considérer le futur comme une projection
que le présent consomme en le précipitant dans un passé toujours plus
présent, on peut alors se l'approprier comme un devenir désirable vécu
au présent, plein de nouvelles possibilités qui ne cherche qu'à se
réaliser, un avenir sans entrave qui se construit ici et maintenant.
"Nous ne pouvons pas prévoir le futur mais nous pouvons le préparer.
Dans la mesure où on laisse aller les choses au hasard, on peut prévoir
qu’un système clos caractérisé par quelque ordre initial évoluera vers
le désordre, qui offre tellement plus de possibilités. Dès que
l’instabilité est incorporée, la signification des lois de la nature
prend un nouveau sens. Elles expriment désormais des possibilités."
Ilya Prigogine, La fin des certitudes.
Notre prétentieux savoir ne voit pas tout ce qu'il se dissimule, ignore
ce qu'il ne sait pas. Il tend à se proposer comme accompli et
autosuffisant, à se prendre pour le propriétaire de la vérité et de la
pertinence, à occulter erreurs, anomalies, paradoxes, hérésies,
dérives, bref tout ce qui dans les moments critiques de changement
qualitatif est source et stimulation de changements et de révolutions.
La condition humaine n'est pas un destin marqué par une histoire déjà
écrite, mais l'émergence de mouvements, d'accidents et d'erreurs qui se
font et se défont dans le cours de situations imprévues, de tournants,
de seuils qui peuvent à un moment critique annuler les pressions
dominantes en faisant surgir de nouvelles possibilités plus compatibles
avec l'ensemble des diversités qui composent la société.
Nos points de vue sont se retrouvent souvent déformés par nos préjugés
intransigeants et sectaires. Le modèle de perception et la méthode
utilisée par l'observateur oriente sa recherche et détermine son
observation sans qu'il s'en rende vraiment compte. On ne voit jamais
deux fois la même rivière, l'eau s'est écoulée, nous-même avons évolué,
notre mode de perception est différent, nos observations ont quelques
peu changé et la réalité n'est plus tout à fait la même.
Pour le scientisme réductionniste, "l'objectivité exige que les
propriétés de l'observateur n'entre en aucun cas en ligne de compte
dans la description de ses observations. Par cette suppression de ce
qui fait l'essence de l'observation, c'est à dire les processus
cognitifs, on réduit l'observateur à n'être qu'une machine à copier, et
l'on réussi à évacuer la notion de responsabilité."
Heinz von Foerster, Éthique et cybernétique du second ordre, 1991.
Au nom de ce réalisme chimérique qui semble aller de soi, est ainsi
complètement occultée toute dimension humaine dans ce qu'elle a de trop
vivante, de doute et de hasard, de relations incertaines,
d'opportunités imprévisibles, de jeux sur les règles du jeu, de
changement possible de ses propre règles de transformation, de liberté
de choix, de dérives situationnelles.
Prendre toute position comme la position d'un observateur avec ce qui
en découle, ouvre un champ de possibilités, fondamentalement critique à
l'égard des certitudes, des dogmes et des idéologies. Ainsi chacun de
nous devient responsable de son propre point de vue. Nous sommes
impliqués dans le monde que nous décrivons et transformons avec les
autres. C'est alors que pour favoriser nos possibilités de liberté il
nous est désormais nécessaire de penser au second degré, dans un cycle
de réflexion qui pousse notre connaissance à revenir constamment sur
elle-même. Cette nécessité de penser notre compréhension de la
situation vécue, favorise nos possibilités de liberté.
Le monde n'est plus une réalité objective bien séparée, étrangère, à
laquelle il faut se soumettre, mais devient alors notre réalité, plus
humaine et plus accessible, plus variée et plus vivante. La dictature
économique et financière n'est plus une fatalité, mais la tyrannie d'un
petit groupe d'usurpateurs multimilliardaires qu'il s'agit de rendre
inopérant pour sauver la société de la faillite de l'humanité, et la
planète de sa destruction.
"Les révolutionnaires de la vie savent déjà quoi faire pour dépasser
les troubles qui font blocage. Seulement, ils ne savent pas qu’ils
savent, car ils se croient inefficaces. Nous pouvons inventer ensemble
un nouvel usage des connaissances que nous avons déjà, dans des
équilibres différents qui n’ont plus besoin d’être uniques et parfaits.
Il y avait une voie idéale (réaliste) mais irréalisable, à présent il y
a une multitude d’expérimentations possibles."
"Vivons dans le monde que nous inventons !" *
Lukas stella
http://inventin.lautre.net
* Stratagèmes du chagement, de l'illusion de l'invraisemblable à l'invention des possibles,
par Lukas Stella aux Éditions Libertaires / Courcircuit-diffusion, Fnac...
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libertaria22
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Il est vrai qu'il est temps de cesser de considérer le monde capitaliste comme le fruit d'une détermination prenant racine dans le passé, une fatalité historique, dont nous ne pourrions pas modifier le cour normal de son déroulement, y compris en le remettant radicalement en cause, en faisant en sorte que cesse ce déroulement. Nous pouvons autre chose que "s'intégrer" au processus du système dominant afin d'en arranger certains aspects (sociaux, environnementaux, ....). Mais cela passe, je pense, par une sorte de "conscientisation" des rapports que nous entretenons plus ou moins avec ce système. Ces rapports devraient être des sources pour nos révoltes et des points d'appuis pour la réalisation de nos désirs. Vivre nos expériences et personnaliser la théorie afin en retour de ré-actualiser la théorie, la rendre apte à comprendre le monde inique et agir sur ce qui n'est pas un destin. Partir de la position de l'observateur, c'est redevenir vivant dans un monde de mort
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à 21:10