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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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De la guerre sociale en Grece...
Lu sur Anarkhia : "Les émeutes en Grece des deux dernières semaines ont été une véritable bataille (déjà plutôt victorieuse) dans une guerre sociale plus profonde qui se trame ici depuis un bon bout. Depuis ce samedi soir de rage, le 6 décembre, j'ai été amené par le courant d'un vaste vague de lave sociale qui a mis le feu à une multitude de points vitaux du système nerveux du capitalisme en Grece, après qu'un adolescent, Alexandros Grigoropoulos, fut assassiné à bout portant par des policiers dans le quartier anarchiste de Athènes. Ce que j'ai vu et vécu en ces quelques jours d'intense lutte sociale a été carrement incroyable... c'est un de ces rares moments fluides, pleins d'électricité, où on a l'impression d'être dans un film, et dans ce cas ci d'un suspense politique frôlant la tradition homérienne, une sorte de "Braveheart" anarchiste, si Hollywood le produisait.



Tout a commencé par ce Samedi soir quand je me suis pointé par hasard au squat anarchiste où j'habitais déjà depuis un moment, qui est un gros hotel du centre-ville, abandonné il y a quelques années, puis transformé en un centre d'habitation et d'organisation pour une bande d'anars du coin.  Un camarade Russe m'ouvrit la porte, visiblement tendu, en me demanda si j'étais au courant de ce qui s'était passé à Athènes, et voyant que je n'en savais rien, il me lanca abruptement qu'un jeune anarchiste à Athènes vient d'etre abattu par la police, qu'une emeute etait en train d'eclater et que tout le monde du reseau militant de la ville etait appele a se rendre a la polytechnique sur-le-champs pour une assemblee d'urgence.

Dans une salle de conférence enfumée emplie à craquer d'environ deux cent anarchistes enragéEs, et de quelques etudiantEs rebelles et punks insurrectionnels, l'ambiance était sombre, électrique et violente comme celle d'un ouragant. Des voix en coleres s'entrechoquaient dans un continuel debat sur le que-faire, et le qui-fait-quoi dans l'immediat. J'assiste à de nombreuses prises de bec entre des activistes radicaux, mais les quelques copains grecs qui assistent à l'assemblee en on deja maille à partir à demeler le debat en cours pour me traduire ce qui se dit. Il allait de soit que les nombreux groupes affinitaires qui débataient de la forme qu'allait prendre l'eventuelle contre-offensive étaient visiblement loin d'être sur la meme longueur d'onde, certains voulant commencer les actions avec une manifestation (ne pas entendre ici la meme definition de "manifestation" que dans la plupart des autres pays Occidentaux, je reviendrai un peu plus tard la-dessus) et d'autres avec une occupation de la polytechnia. Faut savoir qu'en Grece, les groupes les plus radicaux sont profondement incrustes parmi les etudiantEs des techniques (d'où le pragmatisme?), alors que les gauchistes -generalement bureaucratiques et pacifistes dans leur approche- proviennent des facultes de sciences sociales et de philosophie. Ils en sont convenus, après deux-trois heures de débat passionné, à se diviser en deux groupes, suivant ces deux plans d'action; qu'un groupe partirait rejoindre une bande de gens déjà reunis sur la place Kamara, alors que l'autre s'affairait deja, masque a gaz au visage et batons a la main, a briser des paves autour de l'edifice et monter des barricades. C'était le branle-bas de combat.

Kamara est une place publique surplombée d'une ruine gréco-romaine, le reste une grande arche, ou d'un aqueduc, plantée au beau milieu de rues bruyantes et achalandées de traffic et assiegée à chaque jour de foules de citoyens-consommateurs. C'est aussi, paradoxalement, le lieu de rendez-vous classique de toutes les manifs et actions directes a Saloniki. Ce soir-là, une bonne centaine de militants attendaient, malgre que durant un bout je cru vraiment qu'il ne s'agissaiet que d'une bande d'etudiantEs ordinaires, vu leur tenues soignees et leur air un peu trop pacifique a mon gout. Mais c'est quelques minutes plus tard qu'un foule encore plus grand arriva en masse de l'universite, chantant des slogans comme resonnaient comme le tonnerre, plus comme des chants de guerre que les slogans plats qui sont si communs aux manifs non-violentes. Ces seuls chants de vengeance, graves et durs comme le tonnerre, suffisaient pour eveiller la rage guerriere chez quiconque les entendaient. En plus de cela, chez-moi, ils eveillerent aussi une rejouissante surprise, celle de voir des gens qui n'ont peur de rien, et n'ont qu'une preoccupation: attaquer le systeme de plein fouet, sans aucune reelle preparation, et le detruire, sans aucun compromis. Cette rage nihiliste, je la voyais chez des jeunes qui semblaient tout ce qu'il y a de plus ordinaires, des filles à la mode, des gars amateurs de football au gel dans les cheveux, sans parler des hordes d'intellos à queue de cheval barbus mais bien habillés... Quand je les vis progressivement enfiler masques et cagoules, pour quelques unEs, je compris vite ce que ces gens etaient vraiment, derrière leur apparence de citoyens-sujets. La marche commenca quand les deux groupes -etudiants radicaux et radicaux deguisés en citoyens- se rencontrerent.

Nous primes littéralement d'assaut les grandes rues commerciales de la ville, dont un boulevard horriblement achalandé -insupportable de jour- et dès le depart, en toute spontanéité, de chaque côté de la foule des manifestants commencaient à briser -à coups de n'importe quoi qui a de l'impact- boites des telephone, paneaux publicitaires, guichets automatiques de banques, puis vitrines de magasins, de librairies et de banques, afin de foutre tout le bordel possible à l'intérieur. Seuls les petits commerces furent epargnes, ce jour-ci comme durant toutes les autres journees d'emeute. Il etait clair pour tous et toutes que l'ennemi a abattre était la machine capitaliste mondiale et l'Etat policier qui defend ses ramifications en Grece. L'action dura une bonne partie de la nuit.

Le véritable pouvoir d'une manif s'était enfin dévoilé... celui de servir de support à une série d'actions directes visant à attaquer le système de plein fouet. Ici les graffitis anarchistes et anticapitalistes que l'on voit dans les rues ne sont que les empreintes laissées par ces marches, qui demeureront intactes lontemps après que les banques, magasins et stations de police seront reconstruites, pour faire un contrepoids à la propagandande capitaliste qui pollue les rues de la ville. Mais ces manifs ont aussi rendu possible la destruction d'une pléthore de cibles, de points névralgiques au fonctionnement de la machine, et les dommages causés ont duré des jours, sinon des semaines. J'ai vu un Starbucks, un des principaux du centre, qui a si été massivement bombardé de roches et de molotovs qu'il n'en restait qu'un grand trou noir béant...

C'est quand je vis le déroulement du deuxième affrontement militants/flics de la nuit que je réalisai quelque chose de monumental. Après une longue attente à la croisee de plusieurs rues alors que des nouvelles circulaient que de la "bonne marchandise" était sur le point d'être livrée (en référant a des cocktails molotovs), nous finirent par bouger et prendre d'assaut une poignée de flics anti-émeute qui guettaient en haut d'une étroite rue en pente. Après leur avoir lancé roches, pavés, bouteilles vides et tout ce qui nous tombait sous la main, ils nous gazèrent encore de plus belle, la plupart des manifestants suffocant et courant pour s'éloigner. C'est alors qu'une chose inattendue se passa: on relanca une charge... et cette fois-ce é coups de cocktails molotovs. C'est ce mouvement spontané de résilence qui me fit dire dans ma tête qu'ici tout est possible... même des manifestants sans masques à gaz qui contre-attaquent, chargent la police plutôt que de fuir, après s'etre fait gazes, et qui le font en plus par une offensive encore plus violente qui se fout pas mal des préoccupations civiques. L'image de flics mangeant à pleine gueule deux explosions de flammes oranges au sommet d'une rue sombre est une des images qui m'est restée gravée de cette emeute. Éventuellement, les flics n'eurent pas le choix que d'utiliser la seule arme efficace qu'ils avaient contre une foule sans masque à gaz, mais ils ne pouvaient avancer ni faire qui que ce soit d'autre face à la violence de l'attaque de quelques black blocs. Mais fatigués par des heures de course et d'attaques, les manifestants partirent peu à peu pour aller se reposer, car nous savions tous et toutes que ce n'etait que le debut des affrontements, qu'une premiere manche, et que demain la guerre allait etre totale...


Dimanche

Le jour de la plus grande offensive. A travers tout le reseau militant, les communistes avaient lancé un appel pour une manif à deux heures. Une grande marche, de plusieurs centaines de gens enragés, cette fois-ci avec les gens qui avaient manqué la premiere nuit d'émeutes, et tous les groupes anarchistes et communistes les plus radicaux, ainsi que des centaines d'apolitiques se lancaient à nouveau à l'assaut de la ville, litteralement. La manif à elle seule donna l'impression d'être une machine de destruction massive bien ordonnée, qui brûlait tout de corporatif sur son passage, mais le faisait en toute douceur, en appliquant la force suffisante, mais pas de débordements bestiaux. Seulement quelques chants de guerre et de la fébrilité palpable. Efficace, fonctionnel, comme si tout le monde l'avait déjà fait... et c'était peut-être le cas. La grande "marche" dans les rues commerciales névralgiques de la ville était pleinement utilisée comme un efficace pretexte tactique pour commettre des frappes contres toutes les succursales de banques de grandes corporations du secteur, en plein jour, par un bel apres-midi chaud et ensoleille. Les poubelles - qui sont ici en grece de grands conteneurs en plastique sur roues, facilement portables et basculables- etaient pleines, et on en profita pour les transformer en armes anti-civilisationnelles pour bloquer les rues, les enflammer et en faire  ainsi de gigantesques bombes fumigenes empestant les rues de la villes et la couvrant d'epais nuages noirs. Sur notre chemin, tout s'enflammait. Je compris alors pourquoi les black bloc aiment tant mettre le feu... le feu est une arme effroyable contre l'illusion quotidienne que la societe spectaculaire-marchande impose aux foules au quotidien; il brule litteralement leur "Matrice", et les medias de masse, principaux generateurs de cette matrice, s'en affolent et, bouche bee, ne savent toujours pas comment comprendre une telle "violence", sauvage et irrationnelle a leurs yeux (toujours positionnes dans le camp des policiers). Une copine de Seattle, une des tres rares personnes etrangeres a part moi a partager cette experience, avait meme jubile a me decrire la vue qu'elle avait eu de la fumee combinee des feux obscurcir le soleil de l'apres-midi... Un spectacle de destruction passionnant et passionne, dont nous etions a la fois metteurs en scene, acteurs et spectateurs, mais aussi bien plus qu'un spectacle; c'etait maintenant une situation reelle que nous avons crees!

Le Mc Do géant a deux etages que j'avais a mon grand damn raté au lancer de pierre la nuit d'avant avait ete finalement brise, apres un effort acharne d'une poignée de black blocs, et fut bombardé de cocktails motolovs au point de devenir un véritable feu de joie pour la foule en délire. Il faut noter que tous les gros magasins corporatifs tout comme les banques, en plein dimanche, etait proteges par ces portails d'acier en accordeon qui se verrouillent au niveau du sol, mais rien ne resista a la force collective de bandes d'enragés, meme les plus solides portails faits de plaques d'acier, furent brisés par des barres de fer et bèches agricoles (utiles dans les émeutes comme dans votre potager autogéré!;) et soulevées de force par plusieurs personnes costaudes pour permettre a d'autres d'en briser les vitrines a l'intérieur et y jeter un cocktail molotov. Rien ne pouvait nous arrêter, ni nous résister, carrément. Fait surprenant, à chaque fois qu'une banque était attaquée et brulée -ce qui donnait l'impression d'une opération réussie- la foule se mettait... à applaudir. Et de facon polie s'il-vous-plait, exactement comme dans un concert de musique classique!

Lundi le 8

Idem à la veille, sauf que cette fois-ci encore plus d'étudiants c'étaient mêlés à la manif, on était bien plus nombreux qu'avant. Encore plus de poubelles flambant dans les rues, et au moins trois squats de mobilisation ont été ouverts dans le centre, principalement par des anarcho-syndicalistes et par des communistes révolutionnaires.
À ce moment, l'université de la Saloniki était déjà occupée en majeure partie, avec des dizaines d'écoles dans la ville et ses environs...

Mardi le 9


Mardi matin je me réveillai et la première chose que j'entendis étaient les chants de jeunes etudiants qui marchaient sur Egnatia vers l'universite occupee, qui arrivaient d'une banlieue a l'ouest d'ici apres y avoir occupe leur ecole toute la nuit, affronte des flics directement et meme brûle un poste de police pres de leur ecole. Ces jeunes, garcons et filles a l'apparence plutot conventionnelle pour des gens de leur age, devaient avoir autour de 13-14 ans, pas plus. Ma surprise fut encore plus grande quand je fis la rencontre plus tard dans la journee, dans l'emeute de l'apres-midi, du "black bloc kid", un petit enfant typiquement black bloc, cagoule cachant son visage et roche a la main, qui aidait des costauds adultes a briser des balais de leurs manches pour se faire des batons!

On passa par l'edifice d'un ministère qu'on tenta d'assiéger, sans succès, alors qu'une bonne cinuqantaine de flics -la première présence policière relativement forte depuis le début des émeutes- surgit de derrière l'édifice et nous gaza massivement. La grande majorité des gens n'avait malheureusement pas de masque à gaz, vu notre manque de préparation flagrant dû au fait que les émeutes s'étaient organisées dans la spontanéité du moment, et ne pouvaient donc pas vraiment résister à des nuages de gaz irritants; malgré cela, notre résilience restait intacte, et nous fimes, seulement dans les minutes qui suivirent, une frappe contre la grosse succursale bancaire que nous n'avions pu réussir de brûler la nuit d'avant, alors que les policiers etaient loin derrière, et ce n'était que la première d'une série de banques qui nous allions démolir tout au long de l'après-midi sur notre parcours...

Mercredi le 10

Accalmie pour les groupes les plus radicaux à Saloniki, alors que les feux et les attaques contre les flics continuaient avec force à Athènes. Les syndicats ont déclenché une grève générale de 24 heures et faire de nombreuses marches dans les rues en support à Alexandros ainsi qu'aux autres étudiants et réfugiés victimes de la répression sauvage de l'État. les drapeaux rouges étaient par centaines dans les rues ici, mais beaucoup trop pacifistes et autoritaires pour attirer l'intérêt des groupes anarchistes du coin, qui étaient en même temps physiquement exténués à courir les émeutes en série et avaient besoin d'un peu de repos, Notons le cas des groupes affinitaires les plus actifs, qui passaient leur temps à organiser des frappes dans l'ombre contre des stations de police entre deux manifs; ces gens n'avaient simplement pas le temps de rentrer dans leurs squats pour dormir et se nourrir.

Des nouvelles circulaient depuis la soirée de la veille que le gouvernement était sur le point de déclencher un "État d'urgence", presque la loi martiale, et faire venir des renforts policiers de France, d'Angleterre et d'Allemagne pour endiguer le problème des émeutes.

- Jeudi le 11

La soirée qui définit le ton qu'allait prendre le mouvement pour les jours à venir... du moins à Saloniki, car à Athènes le feu, la destruction et les occupations continuaient de plus belle. La présence policière commencait à être lourde dans les manifs, talonnant toutes les marches, pacifiques ou non, et toujours prête à gaser tout le monde à la première pierre lancée. Les groupes anarchistes semblent s'être mis d'accord pour cesser l'insurrection dans les rues, pour ne se contenter que de faire des graffitis massivement et À Athènes ils ont mis le feu à un arbre de Noel géant qui dominanit une place publique. Un véritable feu de joie anticapitaliste! "L'esprit de Noël" reste omniprésent ici, et à l'instar des camarades d'Athènes, trop peu semblent avoir suffisamment compris qu'il est une institution cruciale à la domination du corporatisme sur la société, étant la cérémonie la plus importante de sa religion spectaculaire-marchande. Le Père Noël actuel, comme pas assez de gens savent, est un produit de Coca Cola Inc, et les multitudes de statues et icônes de cette mythologie débile sont partout dans les centres urbains commerciaux... et faciles à détruire.

Pour notre part, nous avons fait une gigantesque marche, qui du point-de-vue de certainEs de mes camarades a commencé avec une action directe -réussie- qui consistait à complètement saccager les locaux d'un journal conservateur local (sans toutefois les brûler), pour avoir fait mauvaise presse des émeutes et a progressivement grandi durant la soirée, au long de notre trajet à travers tout le centre de la ville, en attirant des foules de gens ordinaires avec nous. Ce fut de loin la plus magnifique manif non-violente que j'ai vu de mon vivant. Les boulevards où nous marchions étaient emmurés d'interminables édifices à logement à plusiseurs étages d'où des habitants nous envoyaient des gestes de support de leurs balcons, et sur les trottoirs des tonnes de passants étaient visiblement réjouis de nous voir et de lire nos tracts, alors que malgré cela. Il y planait dans l'air une atmosphère palpable de victoire, de rétribution, alors que partout la population semblait être sympatique à la cause des anarchistes cagoulés, alors que nulle part on ne pouvait voir de drapeaux de gauchistes ou de partis communistes. Il était évident qu'il y avait beaucoup à gagner à continuer de rallier les foules de notre côté plutôt que de provoquer un État policier qui aurait comme effet de faire peur à ces foules., du moins pour l'instant. Feu et destruction ont été nécessaires -même si à mon avis pas assez répandus sur suffisamment de temps et d'espace à Saloniki- et maintenant le temps était venu de montrer masses que notre rage contre ce système est la même que la leur.

Les quelques journées suivantes, les manifs ont conitnué à Saloniki, mais ont été cette fois-ci pacifiques et de moins en moins fréquentées par les groupes radicaux, et par moi conséquemment. Il devint clair pour les anars que la guerre allait se faire à d'autres niveaux, car le mouvement des émeutes, du moins ici, avait rencontré sa propre fin.

- Samedi le 13

Attaque d'autoréduction organisée dans un supermarché. Une bande d'anarchistes entrent dans un gros supermarché, pillent tout ce qu'ils-elles peuvent en l'espace de 5 minutes, et distribuent toute la bonne bouffe dans un marché exérieure juste à la sortie. Alors que la foule devient hystérique, nos joyeux anars jettent dans les airs une centaine de tracts explicant la situation de la répression policière en Grèce, et comment le gouvernement et les médias capitalistes essaient de se laver les mains mutuellement du meurtre du jeune Alexandros Grigoropoulos.

- Jeudi le 18

Autour de midi une dizaine de camarades ont occupé les locaux d'une sation de radio privée de grand envergure, durant une bonne demi-heure, pour lire sur les ondes un texte informant la population sur la situation guerrière entre les capitalistes et les grecs, en lien avec les meurtres d'étudiants par la police et de l'emprisonnement massif de réfugiés, et faisant appel à la révolte contre l'État capitaliste. Tout c'est déroulée étrangement sans heurts ni même présence policière, alors que le responsable de la programmation à l'intérieur n'a rien fait de plus comme résistance que de demander de discuter avec les militants avant qu'ils fassent quoi que ce soit (l'attitude typiquement réformiste!), ce qu'ils ont refusé unilatéralement bien-sûr, disant qu'ils n'étaient pas venus pour discuter avec lui, mais pour prendre les ondes... Avec les phallocrates, il ne suffit que de dire "non" pour les désarmer;)

- Samedi le 20

Dès la matinée nous avons pris d'assaut (plutôt pacifiquement) un important cinéma en plein centre de l'axe le plus touristique du centre-ville -avec un des deux plus chics hotels de la ville juste en face- puis deux stations de radio commerciales comme support à la diffusion d'informations, une fois de plus, sur les meurtres et les violences commises par le système judiciaire à l'endroit des étudiants et des militants, ainsi que sur la nécessité de faire tomber la machine capitaliste derrière cet État despotique. L'opération est un succès, avec une faible présence policière et une diffusion de la propagande très efficace auprès de centaines de passantEs qui semblent généralement ouverts à en savoir plus sur le point-de-vue des anarchistes sur la situation, lisant avec attention les journaux que nous avons fait pour l'occasion et discutant paisiblement avec les militantEs qui les distribuent.

Il est inutile pour moi de continuer de relater les faits et actions de ce mouvement, car ici il s'y trame une guerre constante qui n'a fait que prendre de l'intensité depuis les émeutes et qui devient maintenant de moins en moins silencieuse. Il en revient aux gens d'ici d'être les spectateurs et acteurs dans cette lutte. D'ici on a des nouvelles des mouvements de support qui éclatent un peu partout en Occident, et tout ce que mes camarades anarchistes espèrent, si je me fie à leurs propres mots, est que tous ces gens là-bas suivent notre contre-offensive, et s'insurgent, détruisent, occupent, volent, brûlent et perturbent, pas seulement qu'une fois dans une action spectaculaire, mais autant de fois qu'il suffira pour que les masses s'éveillent et que la machine qui les exploitent se voit perturbée dans son fonctionnement. Car visiblement le feu et le fameux "chaos" s'avèrent être des armes très efficaces pour créer des brèches et des failles dans l'ordre capitaliste dominant.


- Et qu'est-ce que les anarchistes de par chez-vous peuvent apprendre du mouvement anarchiste d'ici?

Ici les gens ont cessé d'avoir peur! Je sais pas quand c'est arrivé... peut-être quand ils ont botté le cul du régime militaire dans les années '70, mais quand ils veulent changer les choses ou se faire justice, ils font pas de qaurtiers. Ils connaissent pas ca, la peur, car ils puisent leurs énergies dans leur rage commune, et dans leur désir d'affirmer leur pouvoir, sans compromis, sans demi-mesures. Ca peut sembler pompeux comme présentation, mais c'est réellement ce que j'ai vu chez ces gens jusqu'à maintenant, malgré leur psychose et leur culture encore très machiste. C'est toutefois chez les groupes anarchistes, différemment des gauchistes et communistes de tout acabit, que j'ai vu le moins de domination mâle (je pourrais pas en dire autant de la bande de stalinistes qu'il y a ici... qui sont des militants insurrectionnels très redoutables certes, mais justement, sont seulement que des gars!).

Faut toutefois pas croire que c'est simple de comparer la situation d'ici avec celle au Québec, en France, en Espagne ou ailleurs. L'Histoire récente de la Grèce est celle d'une guerre sociale continuelle, entre un pouvoir capitaliste toujours chancelant et un mouvement anticapitaliste très fort et répandu, surtout depuis la révolte anti-fasciste des années '70 et les attentats ciblés du groupe 17 Novembre. Rien à voir avec l'apparent status quo citoyenniste des pays du Nord. Ici le citoyennisme est quelque chose du domaine du dérisoire, même parmi les soi-disant citoyens eux-mêmes qui n'en ont apparemment rien à foutre du contrat social. C'est aussi un pays de la sauvage Europe de l'Est, où les guéguerres et les vendettas sont d'une tradition pas si bien oubliée...

Les anarchistes en Grèce sont sans contredit puissantEs et nombreux-ses, passant leur temps non seulement à bouffer, déconner, débattre, jouer, faire l'amour et dormir, mais aussi à organiser toutes sortes d'actions et activités autant insurrectionnelles que solidarisantes, allant des Food Not Bombs aux attaques en série de postes de police ou de succursales bancaires, et des vols de banque aux réappropriations collectives organisees dans les supermarches ("autoréductions" comme ils aiment si bien l'appeller en France). C'est à la fois leur hobby, leur boulot, leur sport, leur art et aussi leur facon de faire de la politique. Mode de vie et praxis révolutionnaire semble être pour eux-elles un seul univers indivisible, mais ces gens ne sont pas tant les marginaux, souvent élitistes et prétentieux, que se trouvent être les militants radicaux dans plusieurs autres endroits du monde.

La vie en commune dans des squats, le partage de la bouffe, des rapports amoureux et sexuels libres et ouverts sont pour plusieurs ici des facteurs cruciaux de solidarité entre les gens du réseau anarcho-militant et probablement une des principales raisons pourquoi ils sont si nombreux et énergiques dans les assemblées, manifs et actions directes qui se passent à chaque semaine. Bon... ceux et celles que je connais jusqu'à présent sont loin d'être des gens toujours pétants d'énergie positive, mais malgré tout il y a une chaleur et une franchise que j'ai jamais vu dans d'autres réseaux anarchistes dans les froids et hypocrites pays nordiques. Alors que l'atomisation divise, segmente les mouvements radicaux presque partout en Occident, ici elle a plus comme résultat d'egendrer pas plus que des querelles et guéguerres ouvertes mais passagères qui sont moins dommageables pour le mouvement que les guerres froides que certains de vous, lecteurs-trices, connaissent si bien dans vos villes nordiques. J'en ai durant plusieurs années fait, par dépit, l'expérience à travers mon implication au Québec dans les grèves étudiantes de 1996 et 2007, ainsi que dans une pléiade d'actions contestataires et de soi-disant alternatives communautaires, de même que dans une très légère implication dans des luttes sociales en France récemment, et ce que je vois ici est un mouvement qui a vraiment le pouvoir de changer les choses, autant pour les gens qui en font partie que pour le monde dans lequel, ou contre lequel, il s'est développé.

Je n'ai certes pas tout vu du mouvement anarchiste radical en Grèce, ni de la Grèce plus "ordinaire", et surtout du rapport entre les deux, mais ce que j'ai vu durant cette semaine d'émeutes, c'est un mouvement qui possède véritablement un potentiel révolutionnaire, car il a la capacité de rallier toujours plus de gens à la cause du refus de la civlisation capitaliste; de les mobiliser ses forces en l'espace de seulement quelques heures, à l'échelle d'un pays entier, pour réaliser des actions concrètes qui heurtent réellent les oppresseurs ou leur système; et surtout de faire tout ca en l'abscence totale d'autorités centrales ou d'autres despotismes et de bureaucraties associatives ou syndicales de merde. Ca, ca s'est pas vu depuis l'Espagne de l'Entre-deux-guerres. Et encore là...

Samedi 20 décembre 2008 @ 13:59:23

Du chat noir en exil

rodeursolitaire.blogspot.com
Ecrit par libertad, à 09:07 dans la rubrique "Actualité".



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