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Lutte des classes et des sexes
--> Alors que les discours sur la rénovation de la gauche se multiplient, retour aux sources.
Lu sur Europe solidaire sans frontière : "Les signes du retour des classes sociales dans la discussion publique savante ou « ordinaire », se multiplient. Les expressions « classe sociale », « classe ouvrière », « classe salariale » et d’autres réapparaissent dans les titres de livres ou d’articles. Cette réapparition s’effectue encore avec une certaine discrétion. Car la disqualification de ce concept semble aller de soi pour nombre d’intellectuels médiatiques ou spécialistes des science sociales. La structure de classe des sociétés capitalistes contemporaines a été bouleversée et l’ancienne classe ouvrière « n’est plus ce qu’elle n’a jamais été ». De plus, après l’annonce répétée de son avènement, l’immense classe moyenne censée couvrir 80 % de la population serait en train de « disparaître » à son tour. La bourgeoisie par contre est toujours là.

Parallèlement au retour des classes, la critique de la polarisation du regard sur les seuls rapports de classe s’est affirmée. Les transformations de la place des femmes et l’émergence du genre en tant que catégorie d’analyse n’ont pas encore provoqué tous les effets escomptés, tant sur le plan politique que scientifique. Mais, la recherche portant sur les rapports sociaux de sexe s’est imposée dans les sciences sociales. Les rapports de génération et les rapports de « racisation » sont également l’objet d’investigations depuis deux ou trois décennies. Il faudrait apprendre à penser la structure sociale comme un entrecroisement dynamique de l’ensemble des rapports sociaux, chacun imprimant sa marque sur les autres.

Le retour des classes a été précédé et accompagné d’un retour récent de Marx. Ses analyses étaient discréditées dans la conjoncture théorique des années 80 et 90. Celle-ci était profondément marquée par le contexte politique : le déclin puis l’effondrement de l’URSS, la crise prolongée en Europe et sur d’autres continents du mouvement ouvrier et notamment de son modèle social-démocrate, tant dans sa version (post)-stalinienne que socialiste, sans compter les entreprises idéologiques multiformes et systématiques qui toutes visaient à reléguer l’auteur du Capital et les utopies de transformations sociales aux oubliettes. Depuis le milieu des années 90, son œuvre est dégagée progressivement des ornières positiviste et structuraliste dans lesquelles l’enfonçaient certaines lectures réductrices. La distanciation du rapport des intellectuels, en particulier dans les sciences sociales, avec les organisations politiques, notamment le Parti communiste, est aussi un reflet de cette crise. Ces dernières années un grand nombre de travaux de philosophes et de sociologues ont contribué à relire l’œuvre de Marx dans sa cohérence d’ensemble, débarrassée des déformations, des simplifications ou des interprétations problématiques.

Le retour récent des classes sociales fait suite à leur éviction brutale au cours des années 80 et 90. La quasi-disparition d’un « discours de classe en tant que discours de type scientifique à prétention politique » a été attribuée à trois facteurs principaux qui n’épuisent cependant pas la question : l’affaiblissement des liens entre les intellectuels et le PCF ; l’effondrement du noyau central de la classe ouvrière industrielle ; l’invasion de nouveaux discours et de pratiques managériales.

Ce rejet du discours de classe est probablement à inscrire aussi dans un mouvement plus vaste : la quasi-disparition dans les sciences sociales de variables structurelles comme la démographie, l’économie, la technologie, la géographie et la focalisation des spécialistes sur la petite échelle. Les identités ont remplacé les structures au cœur des disciplines, de plus elles sont multiples et instables, et, selon les nouvelles orthodoxies, elles ne sont construites que de « manière discursive ». La prise en compte du « sexe social » comme variable structurante est très récente. Elle n’intervient pas en tant que telle dans la littérature sociologique avant les années 70. La prégnance du mouvement ouvrier au cours des années 60 et 70 et l’influence de la tradition ouverte par Marx permet de comprendre aussi que pour théoriser les rapports entre hommes et femmes ce sont des approches en termes de « rapports sociaux de sexe » qui vont se développer dans la sociologie française dans le sillage d’une partie du mouvement des femmes. Le système d’oppression et de domination spécifique des hommes sur les femmes sera également théorisé sous le nom de « patriarcat ».

Avec le reflux des conceptualisations en termes de classes (de rapport de classe et de rapports sociaux) et l’influence croissante des élaborations d’origine anglo-saxonne, le genre va se diffuser au cours des années suivantes, lentement en France, plus rapidement dans la plupart des autres pays. La mise au jour de tels rapports sociaux de sexe (mais aussi de rapports de génération) au sein des sociétés occidentales est donc relativement récente. Ces rapports longtemps occultés étaient restés jusqu’alors impensés. Les analyses en termes de genre vont se développer dans un premier temps davantage dans des pays anglo-saxons où les approches en termes de classes sociales (et de rapports de classe) étaient minoritaires dans les milieux académiques au cours des années 50 et 60. Inversement en France les analyses en termes de rapports sociaux de sexes (et de générations) sont élaborées dès les années 70 et 80 et se construisent à partir d’une lecture critique du paradigme marxien. Elles ne se diffusent malgré tout que très parcimonieusement en sociologie, en histoire ou dans le champ des « études féministes ».

La remise en cause de l’« Etat social », la promotion du marché comme instance ultime de régulation compensée éventuellement par l’action caritative et la montée de l’individualisme contractuel n’ont pas été sans effet sur les lectures proposées de la structure sociale. Dans la vulgate libérale, sur un marché il y a des individus atomisés, acheteurs et vendeurs, éventuellement négociateurs ou plaideurs, il n’y a pas de classes sociales. La forte montée des inégalités sociales depuis le début des années 80 et le renouveau des conflits sociaux, a cependant conduit une part croissante de sociologues à (re)prendre au sérieux les analyses en termes de classes et à abandonner la rengaine de l’individualisation du social. Le retour en force d’analyses portant sur les classes confirme en outre l’existence de véritables cycles conceptuels. La présence dans le discours sociologique, et plus largement dans le débat public, de la notion de « classes sociales » suit en effet une alternance de phases hautes et de creux. Ces cycles des concepts et des idées semblent correspondre à d’autres cycles renvoyant aux rapports de force tels qu’ils s’expriment dans la société, notamment ceux que d’aucuns appelaient autrefois les « cycles de la lutte des classes ».

PFEFFERKORN Roland

* Paru en tribune dans le quotidien Libération du 28 août 2007.

* Roland Pfefferkorn est professeur de sociologie à l’université Marc-Bloch de Strasbourg, cultures et sociétés en Europe (CNRS). Dernier ouvrage paru : Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classes, rapports de sexes (éd. la Dispute, 2007).

Ecrit par libertad, à 21:10 dans la rubrique "Pour comprendre".

Commentaires :

  libertad
24-11-07
à 22:12

Lutte des classes oui mais ...

Voilà un texte très intéresant et qui mérite réflexion. Avec l'auteur, je ne peux que me réjouir du retour de l'analyse des mouvements de société en fonction des classes sociales et de la lutte des classes. Plusieurs textes ont été publié sur ce site à propos de la dernière classe sociale "pour soi" : la bourgeoisie, les autres classes n'étant plus que des classes "en soi", c'est à dire sans conscience de classe. Mais peut-être ce processus prend-il fin, souhaitons en tout l'émergence de nouvelles consciences de classe pour s'opposer à la bourgeoisie et à l'oligarchie.
Je serai beaucoup pluis sceptique voir hostile sur le fait de vouloir dégager le marxisme de sa gangue de mauvaise interprétation, il m'apparait que l'histoire avait montré que le marxisme est inséparable de sa pratique ( la bonne vieille praxis ) et que vouloir séparer la pure théorie de la pratique marxiste est vain, l'un ne pouvant aller sans l'autre. Je reste de ceux qui pensent que le goulag est l'enfant naturel de Marx et non pas son enfant illégitime.Les pratiques autoritaires de Marx dans la première internationale contenaient en germe ce qui s'est produit ensuite.
Bien sur certains concepts marxistes peuvent être utiles à la réflexion, en particulier la lutte des classes. Mais il ne faut pas oublier que le marxisme est une théorie qui s'intégrait parfaitement au capitalisme industriel et qu'il considérait la bourgoisie comme une classe progressiste.
On oublie un peu trop que le marxisme est né d'une défaite, écrasée dans le sang, d'une alternative au capitalisme industriel, cette défaite du mouvement ouvrier s'opposant à la logique industrielle du capitalisme ce fut celle des luddistes et des briseurs de machines, ce fut celle des associations et coopératives ouvrières, ce fut celle des canuts, de 1848, du coup d'Etat de Napoléon III, de la Commune. C'est sur toutes ces défaites, c'est sur une classe ouvrière exangue et contrainte de force à s'intégrer à l'ordre industriel que s'est imposé le marxisme qui fut un moyen bien commode pour la bourgeoisie d'intégrer le "prolétariat" à l'ordre marchand.
On voit aujourd'hui où le caractère "progressiste" de la classe bourgeoise nous a conduit : au désastre écologique, à la destruction du monde vivant.
Il serait donc intéressant de retisser les fils, de comprendre ce qui s'est passé, de voir que la classe bourgeoise n'a jamais rien eu de progressiste, qu'elle nous conduisait au désastre.
Concernant la question des rapports sociaux de sexe, la question devient de plus en plus embrouillée avec l'introduction de la question du genre. En effet, comme le dit à juste titre Irène Théry, la pensée occidentale confond le sexe et le genre, ce qui apparait clairement dans la théorie de la domination masculine la "classe" des hommes biologiques est confondue avec les rapports de domination de genre, chaque homme étant réassigné à son sexe biologique de "dominant" et chaque femme à son sexe biologique de "dominée". Cette théorie simplificatrice et bipolaire ayant du mal à analyser les rôles sociaux de "la bourreau" d'Abou Grahib ou la "solidarité" unissant les femmes de l'oligarchie avec les femmes sans papiers qu'elles exploitent.
Comme l'explique justement Irène Théry ( La distinction de sexe - Odile Jacob) et ce que ne peut que conforter un anarchiste individualiste : "Dans cette perspective où nul n'échappe à sa "classe de sexe", il n'y a pas de place pour l'individu en général et sa liberté d'agir en donnant sens à ce qu'il fait s'abolit dans le déterminisme de" l'identité" sexuée".
Tout à fait d'accord avec Roland PFEFFERKORN pour saluer le retour de la lutte des classes mais pas à n'importe quel prix et pas à celui de la réhabilitation du marxisme ou d'une lutte des sexes qui assigne les individus à leur biologie.

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  libertad
27-11-07
à 23:11

Réponse de Roland Pfefferkorn

Une brève réaction. Je suis de ceux qui préfèrent parler de marxismes (au pluriel), ne serais-ce que pour rendre compte de la diversité des positions. Sauf à refuser de s'informer ou à être de mauvaise foi, tous les marxismes ne peuvent se réduire à une certaine orthodoxie et à un certain dogmatisme. Pour le détail de l'argumentation, je préfère renvoyer sur ce point comme sur le suivant ,à mon livre Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classe, rapport de sexe (Paris, La Dispute, 2007). J'y développe une critique non seulement des discours de substitution largement diffusés au cours des années 1980 et 1990, discours qui nient la pertinence des analyses en termes de classes, voire stigmatisent ces analyses. Tout en m'appuyant sur Marx, je développe tout au long de l'ouvrage une critique des analyses marxistes imprégnées de positivisme et de structuralisme et/ou refusant de prendre en compte les autres rapports sociaux, notamment de sexes. Mon livre est aussi une critique de certains courants féministes essentialistes et de celles qui se cantonnent aux seul rapports de genre. Pour le reste toutes ces questions doivent rester ouvertes à la libre discussion critique sans anthèmes.
Roland Pfefferkorn
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