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Contre la violence au travail par Gilles Suchey
lu sur cuverville : " Bien que dénoncé par le Code du travail, le harcèlement moral (vous pouvez dire « mobbing » pour impressionner votre DRH) touche de plus en plus de monde et affecte à peu près tous les corps de métiers. La précarité n’y est sans doute pas étrangère. Et parce que la législation n’est pas toujours spontanément respectée par les employeurs, des structures indépendantes se mettent en place pour aider les victimes potentielles.
Entretien avec Louisette Maret, responsable du Cap, une association toulonnaise créée en 2004 « pour combattre la violence au travail ».

NOTES liminaires : la violence au travail ne peut pas être circonscrite à la tyrannie d’un chef de bureau ou à des problèmes relationnels qui n’existeraient que par la personnalité intrinsèque des salariés. Elle est fortement liée au contexte économique et social. Le Bureau International du Travail estime cette violence en augmentation dans le monde entier, et note qu’elle affecte désormais des « professions autrefois considérées comme à l’abri, comme l’enseignement, les services sociaux, les bibliothèques ou les services médicaux » [1]. Raison évoquée : « la précarité de beaucoup d’emplois engendre une pression énorme sur les lieux de travail, et on constate que ces formes de violence sont de plus en plus fréquentes ».
À ceux de nos lecteurs qui se foutent du bétail mais s’intéressent à la bonne santé de l’Économie, nous ferons remarquer que selon des estimations rapportées par l’Agence européenne pour la sécurité et la santé au travail en 2002, « plus de 50% des journées de travail perdues dans l’Union européenne » le seraient « à cause du stress ».

Le Cap s’est installé sur un double constat : impuissance des salariés à se faire entendre, et impunité garantie aux petits despotes de couloir grâce à la dérobade des hiérarchies, qu’il s’agisse d’entreprises, d’associations ou de fonction publique.
L’association accueille « les victimes de harcèlement moral au travail, de harcèlement sexuel ou de toute autre forme de violence », leur délivre une « assistance pour faire reconnaître leurs droits » en privilégiant « le dialogue entre les employeurs et salariés ».
Elle revendique une centaine d’adhérents en 2006 dont la grande majorité est directement concernée par la violence au travail. Selon la responsable, 280 personnes ont été entendues en deux ans pour une quarantaine de médiations (dont près de la moitié ont abouti), une vingtaine de recours aux Prud’hommes (trois procès gagnés), et « très peu » de dossiers au Pénal (toutes les enquêtes sont en cours). 50% des dossiers concernent le privé, le reste touche le secteur associatif et les institutions. Le Cap travaille avec l’AVFT, Association européenne contre les Violences Faites aux Femmes, reçoit l’aide technique gracieuse de quelques avocats et une subvention du Conseil Régional PACA.

Demandez-vous d’autres subventions ?
Oui. L’année dernière, le Conseil général ne nous a même pas répondu. On dérange parce qu’on s’occupe du privé mais aussi de la fonction publique, et notamment des collectivités territoriales où l’on fait souvent tout pour étouffer les affaires.

Hormis l’aide technique, les avocats ne sont pas bénévoles…
On peut orienter le plaignant vers un avocat s’il ne sait pas à qui s’adresser, mais chacun est libre de choisir. On essaie d’obtenir l’aide juridictionnelle et dans l’Administration, on demande systématiquement la protection fonctionnelle.

Etes-vous tombés sur des cas qui relevaient plus de la paranoïa ou de la manipulation que du harcèlement ? Comment faire la part des choses ?
Deux fois, des "victimes" sollicitant notre aide étaient en fait à la source d’un harcèlement. On s’en est rendu compte en rencontrant les employeurs lors d’une médiation. Dans ces cas-là nous nous désistons et justifions notre retrait sur le compte-rendu de médiation — qui échoue, forcément — pour qu’on ne poursuive pas les mauvaises personnes. C’est une question de crédibilité, on ne tient pas à se faire manipuler. Pour évaluer les dossiers nous travaillons avec un questionnaire très dense. On laisse la personne seule pendant un certain temps. Avec un peu d’expérience, on sait à quoi ressemble un dossier qui tient la route.

Qui élabore ce questionnaire ?
Nous l’avons réalisé. C’est un travail évolutif destiné à toujours être amélioré, des avocats nous aident à l’étoffer en fonction des situations. Quand une personne vient nous voir, on lui demande les faits, les événements objectifs : quoi ? Quand ? Y a t’il des témoins ? Si quelqu’un se déclare humilié par son employeur parce que celui-ci lui a simplement demandé d’aller à tel endroit, je rappelle au salarié ce qu’est un contrat de travail pour qu’il se souvienne que l’employeur a un pouvoir de direction et de contrôle. Quelquefois les entretiens permettent ainsi de recadrer les choses… L’employeur a des droits et des devoirs, le salarié a des droits et des devoirs aussi.

Il n’y a donc pas de systématisme dans la réception des plaintes.
Non, mais le harcèlement, c’est un peu toujours la même chose. Il y a une stratégie qui se met en place. Je ne crois pas qu’il y ait une seule personne qui soit harcelée sans raison. La raison, pour une petite entreprise, ça va être une difficulté économique, on cherche à ce que la personne s’en aille sans licenciement. Dans une entreprise encore, un changement d’employeur, la nouvelle équipe veut virer les anciens sans pour autant verser les indemnités dues au salarié qui a trente ans d’expérience. Dans une association, vous avez mis le pied dans le plat, découvert un détournement… Souvent, les personnes ne parlent pas de harcèlement. Au début, ce n’est pas un mot qu’on associe à ce qui nous arrive. Elles viennent nous voir alors qu’elles sont déjà en maladie, c’est un peu dommage.

Vous cherchez les faits objectifs.
Oui. Si une personne est sanctionnée pour des faits datant d’une période où elle était en maladie ou en congé, c’est un élément objectif contre la hiérarchie. Je demande aux gens d’enregistrer les conversations dans la mesure du possible. La plupart sont convoqués seuls, sans témoin, c’est quelque chose que j’ai dû subir moi aussi : on vous dit que vous êtes nulle, on dénigre votre travail. Il faut en prendre acte par courrier. "Monsieur, vous m’avez convoquée ce jour, veuillez m’indiquer la raison pour laquelle vous n’avez pas cessez de me dire que j’étais nulle, qu’avez-vous à me reprocher ?"
Je suis contente quand les employeurs acceptent la médiation — quand je demande une médiation je n’emploie d’ailleurs pas le mot harcèlement mais le mot conflit parce que je ne veux pas me louper. Il y a des règles, si les salariés ont droit à leur entretien les employeurs ont droit au leur. Il arrive que les responsables reconnaissent franchement leurs torts… Quelquefois ça se fait avec les syndicats… On peut avoir des surprises. Récemment, pour une médiation dans une Administration, le représentant syndical du plaignant l’a menacé de conseil de discipline : au fur et à mesure, on se rendait compte que la personne en face, celle qui était mise en cause, c’était celle qui était au placard depuis dix ans. Le chef d’établissement ne faisait que lui redonner du travail et ça contrariait le plaignant. Celui-ci n’a rien voulu savoir, on s’est désisté, il se débrouille.

Malgré la pression qu’ils subissent, malgré la précarité, les salariés du privé viennent quand même vous voir ?
Les gens qui viennent nous voir sont déjà souvent en arrêt maladie. On peut pourtant déclencher des médiations à titre préventif pour éviter que la personne ne perde son travail, même si l’employeur nous envoie sur les roses. J’ai ainsi reçu un courrier très virulent alors que je tentais une médiation dans une clinique, mais j’ai su ensuite qu’ils avaient quand même lancé une enquête du CHESP [2] dont les conclusions ont confirmé le harcèlement.
Dans la fonction publique, c’est plus pervers. Vous vous rendez compte — notamment dans les collectivités territoriales — que ceux qui subissent le harcèlement sont ceux qui bossent et qu’il y a une caution de la hiérarchie : vous arrivez dans une structure, ça fait dix ans qu’on ne travaille pas, vous imaginez ? C’est plus pervers aussi parce que comme on ne peut pas vous licencier on essaie de vous virer par la maladie, tous les moyens sont bons. J’ai le sentiment que c’est là qu’on rencontre les personnalités les plus perverses. Quelquefois ce sont les salariés entre eux : il n’y pas que le petit patron qui harcèle. "Pourquoi as-tu eu ce poste alors que c’est ma cousine qui aurait du l’avoir ?" Dans les collectivités territoriales le copinage fait beaucoup de mal.

On accumule les clichés sur la fonction publique, là.
Ce sont des comportements humains, ce n’est pas plus scandaleux là que dans le privé ou les relations de voisinage etc. Un con qui arrive sur son lieu de travail n’est pas moins con. Mais ce qui est insupportable, c’est la caution. Au mieux, on mute les gens, la personne mise en cause ou celle qui se plaint, mais on ne sanctionne pas. Conclusion : on déplace le problème. Quand, dans une collectivité territoriale, un même service accumule les arrêts maladie, il y a des questions à se poser.

Peut-être a-t-on peur de se manquer et de stigmatiser des innocents ?
Heureusement que la présomption d’innocence existe ! Le problème aujourd’hui est que chacun se lave les mains au nom de cette présomption d’innocence. Nous ne voulons pas la tête des gens mais que les dossiers soient pris en considération et traités dignement. Or, il n’y a pas suffisamment d’enquêtes administratives.
On a le cas de ce policier, M. Messaoui, qui écrit pendant trois ans à ses supérieurs hiérarchiques pour se plaindre d’insultes racistes. Il explique qu’après les attentats du 11 septembre 2001 il trouve très régulièrement sur son bureau des photomontages, des tracts où son effigie remplace celle de Ben Laden. Sa hiérarchie n’intervient pas. Après deux courriers au Ministère, on le renvoie vers un psychologue. Il va voir le médiateur de la République qui refuse d’intervenir. Son assistante sociale fait aveu d’impuissance. Il rencontre le député Giran qui l’entend et relaie sa plainte auprès du Ministère de l’Intérieur. Le Ministère prend acte. 6 mois plus tard, Giran écrit une nouvelle fois au Ministère dont le silence reste assourdissant. Le Ministère prend acte une nouvelle fois. Le député écrira trois lettres au total, la dernière date de 2006 — pour vous dire que le temps a passé. Entre-temps, M. Messaoui a eu un accident de service. En cinq ans il a pris une soixantaine de kilos. Il s’est d’ailleurs très mal défendu en contestant les avis médicaux qui l’estimaient apte à reprendre le travail, alors qu’il ne voulait pas reprendre parce qu’il ne voulait pas retrouver ses collègues. Comme personne ne l’a suivi sur le racisme, il s’est dit que ça ne servait à rien d’insister et s’est focalisé sur son accident et les avis médicaux. Il ne travaille plus depuis 2003. Alors pour en finir, puisque nos démarches — récentes dans cette chronologie — n’ont pas été plus fructueuses, il entame une grève de la faim en décembre 2006 devant le fort de Brégançon. Cellule de crise, média, etc. Au bout de trois jours le problème est réglé : il est désormais en "longue maladie". Il nous reste maintenant à assigner l’État en responsabilité. L’État doit protéger ses salariés.

Comment expliquer la démission de la hiérarchie ?
"Pas de vague". Vous savez, on a du mal à faire prendre les plaintes relatives au droit du travail même s’il y a des coups et des blessures, parce que le lieu de travail est un sanctuaire. En plus, ici, on touche à la police… Ce n’est quand même pas normal que l’Administration qui a connaissance de cette situation n’ait jamais fait d’enquête. C’est exactement pareil en mairie de Toulon. Quand plusieurs filles d’un même service sont en arrêt maladie et se plaignent de harcèlement sexuel, qu’une d’entre elles fait une tentative de suicide et qu’on a des témoignages, on pourrait diligenter une enquête administrative, reconnaître l’accident de service en attendant peut-être une décision de justice. Mais non : ces filles sont dans une situation intenable sur le plan matériel avec la moitié de leur salaire. On vous renvoie vers des conseils de discipline ou des commissions de réforme comme ça personne ne prend nommément de décision, comme ça on ne se fâche avec personne. C’est un peu facile. Il semblerait que dans le conseil de discipline qui s’est tenu suite à cette affaire, on ait demandé à l’une des filles combien d’enfants elle avait eus et avec combien de pères différents ! Histoire de lui rappeler qu’on a que ce qu’on mérite ? On n’a pas à traiter les gens comme ça !

Ce genre de dossier va au Pénal ?
J’ai reçu un courrier du maire me disant que l’affaire était classée sans suite. Mais un dossier comme ça ne peut pas être classé sans suite ! L’avocat avec qui on a saisi la HALDE me dit qu’une enquête serait toujours en cours au tribunal. On ne peut pas se contenter d’une mutation et d’une mise à pied de cinq jours. Un des acteurs du harcèlement est en reconnaissance préalable de culpabilité, uniquement pour exhibition sexuelle.

Il y a des affaires qui sortent, tout de même. On se souvient de l’adjoint au maire en charge de Toulon-Habitat, lors du mandat FN à Toulon, qui fut condamné à 12 ans de prison pour harcèlement et agression sexuelle sur des employées plus ou moins précaires de l’office HLM.
Heureusement qu’il y a des gens qui dénoncent ces choses. Si on veut vraiment faire de la prévention, il faut mettre chacun devant ses responsabilités. En fait, ce n’est pas le problème du maire de Toulon, c’est le problème de tous les maires et de toutes les collectivités territoriales.

Peut-être craignent-ils de se voir submergés par les dossiers sous prétexte qu’ils en ont correctement traité un ? On ne peut pas diligenter une enquête pour le moindre différend. Les membres d’un même groupe peuvent ne pas s’entendre sans pour autant qu’on puisse parler de harcèlement ou de violence au travail.
Tout n’est pas harcèlement, bien sûr, mais c’est aux structures de former leur encadrement et de se pencher sur ces questions-là. On a travaillé là dessus avec la mairie de la Seyne-sur-mer et on s’est rendu compte que certains services étaient paralysés par les arrêts maladie. De deux choses l’une : soit il n’y a que des bras cassés, soit il y a un problème. Mais encore faut-il s’intéresser au problème et aux gens.

Mettre en lumière un harcèlement sexuel semble assez évident, mais le harcèlement moral peut parfois prendre des tournures très subtiles. Le diagnostic est-il plus difficile ?
Très difficile. Encore une fois, les éléments objectifs, les écrits et les témoignages font la différence. Recueillir ces éléments peut être très long. On a pu gagner aux Prud’hommes parce qu’on avait des documents écrits prouvant que ce qui était reproché n’avait rien à voir avec une faute professionnelle. J’ai le cas d’une association où la personne est recrutée en contrat d’avenir pour un boulot d’animatrice. On lui fait des reproches, on lui envoie un courrier recommandé parce qu’elle n’a pas bien fait le ménage. C’est un élément objectif. Elle n’est pas recrutée pour ça. C’est une manière de la dénigrer, de la rabaisser.
Quand on ne dispose pas d’élément objectif, on peut soutenir la personne moralement, tenter une médiation pour négocier un licenciement transactionnel, mais on ne peut rien faire de plus.

La situation de certaines associations est tellement précaire qu’elles peuvent être tentées de demander beaucoup aux salariés, à la mesure de ce que les bénévoles croient donner eux-mêmes.
Oui et non. Parfois on touche à l’esclavagisme. Le salarié, vous le prenez pour qu’il vous aide. Si vous n’avez pas les moyens ce n’est pas de sa faute. Les associations sont soumises au Code du travail, c’est de votre responsabilité de le faire respecter. Les bénévoles et les salariés, ce n’est pas la même chose.

Entretien réalisé le 12 avril 2007.

Ecrit par patrick83, à 13:47 dans la rubrique "Social".



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