Son vieux professeur à l'école de commerce d'Harvard ne se souvient pas de George W. Bush seulement comme d'un étudiant médiocre, mais aussi comme d'un enfant gâté et mal élevé, et d'un menteur pathologique. Pendant 25 ans, Yoshi Tsurumi, l'un des professeurs de George W. Bush à la Harvard Business School, s'est contenté d'avoir son statut de résident permanent des USA validé par une green card. Mais l'accession de Bush à la présidence en 2001 a poussé cet originaire du Japon à assurer sa nationalité américaine. Pour quelle raison ? Pour pouvoir parler librement, soutenu par les droits de la citoyenneté et expliquer pourquoi il croit que Bush ne possède ni le caractère ni l'intelligence nécessaires pour diriger la plus vieille et plus puissante démocratie du monde.« je ne me rappelle pas particulièrement de tous les étudiants sauf s'ils avaient quelque chose de spécial. » A affirmé Tsurumi dans une interview téléphonique mercredi dernier. « Mais je me souviens toujours de deux types d'étudiants. D'une part, les meilleurs, tels qu'un professeur se sent honoré d'avoir à enseigner. Quelqu'un avec un fort sens des valeurs sociales, de la compassion et de l'intelligence – La personne exceptionnelle que l'on oublie jamais. Et puis on se souvient des étudiants comme George Bush, ceux qui sont exactement l'inverse. »
Le futur président était l'un des 85 étudiants en première année de MBA, dans le cours du professeur Tsurumi sur les politiques macro-économiques et le commerce international, pendant l'automne de 1973 et le printemps de 1974. Tsurumi était à l'époque professeur associé à la Harvard Business School, de janvier 1972 au mois d'août 1976 ; aujourd'hui, il est professeur de commerce international au Baruch College de New York.
Jouant comme d'habitude des contacts de son père, Bush a intégré Harvard en 1973 pour une période deux ans. Il venait juste de terminer ce que son père a appelé les « années nomades » de son premier fils (les fêtes, le passage d'un boulot à un autre, l'implication dans des campagnes politiques en Floride et en Alabama, et ce qui est le mieux connu, les absences au service des Gardes nationales d'Alabama)
Les méthodes d'enseignements rigoureuses de la HBS, suivant lesquelles le professeur discute vivement avec ses étudiants, et où on encourage les étudiants à se critiquer les uns les autres, permettaient de se faire une bonne idée du caractère de Bush, selon Tsurumi. En observant la conduite des étudiants pendant les cours, « vous vous faites une bonne idée de leurs faiblesses et de leurs point forts, en terme de réflexion, d'analyse, de préjugés, d'origine sociale. » a t'il ajouté.
L'un des étudiants de Tsurumi les plus exceptionnels, était Chris Fox, aujourd'hui représentant la Californie au Congrès, Républicain – le septième dans la hiérarchie républicaine au Congrès. « Je l'ai évalué comme un conservateur républicain possédant une conscience. » selon Tsurumi « Il n'a jamais confondu sa propre idéologie avec l'économie ; et il n'essayait pas de cacher son ignorance d'un sujet par du baratin. Il était ce qu'on peut appeler un conservateur avec des principes ». (quand même partisan : mercredi, Cox a demandé un rapport du congrès sur la validité des documents obtenus pat CBS News pour un article où des doutes étaient émis, concernant le non respect par Bush de ses tours de garde en Alabama).
Bush « était le contraire de Chris Cox, il mentait couramment d'une manière pathologique et refusait toujours de reconnaître ses préjugés et ses partis-pris. Il pouvait même nier avoir dit quelque chose qu'il avait dit trente secondes plus tôt. Il était bien connu pour ça. Les étudiants lui faisaient remarquer, Je le lui reprochais ». Si on lui demandait d'expliquer un commentaire particulier, selon Tsurumi, Bush répondait « je n'ai jamais rien dit de tel ». Lorsqu'on a demandé à une attachée de la Maison Blanche si elle voulait commenter sur cette affaire, elle n'a jamais rappelé.
En 1973, au milieu de la crise énergétique, Tsurumi a organisé un débat sur une assistance éventuelle pour le chauffage, aux retraités et autres personnes à revenu fixe. Bush a affirmé, toujours selon Tsurumi « un chose ridicule » et quand je lui ai demandé de l'expliquer, que « le gouvernement n'a pas besoin d'aider les pauvres, parce qu'ils sont paresseux ». Je lui ai demandé ; « comment expliquez vous cette conviction ? » ; il n'a pas pu l'expliquer, et il a commencé à reculer : « non, je n'ai pas dit ça ».
Si Cox avait été dans la même classe, a dit Tsurumi, « je lui aurais demandé de le justifier, et il aurait démoli cette affirmation. Pas personnellement ou émotionnellement, mais intellectuellement »
Une fois, Bush s'est moqué de Tsurumi pour avoir passé le film « les Raisins de la Colère », d'après un roman de Steinbeck sur la grande crise. Nous parlions du New Deal et il a appelé la politique de Franklin Roosevelt « socialisme ». Il attaquait les syndicats, la Commission de sécurité et d'échange, la sécurité sociale... tout ce genre de chose. Il a dénoncé le mouvements des droits civiques comme socialiste. Pour lui, le socialisme et le communisme, c'était la même chose. Et quand on lui demandait de défendre sa position, il ne pouvait le faire, idéologiquement, dialectiquement ou en terme de références culturelles ».
Les étudiants qui critiquaient ou embarrassaient Bush en cours étaient ensuite soumis par lui à une campagne d'insinuation. Selon Tsurumi, « en cours, il ne pouvait leur répondre. Mais après les cours, il venait quelquefois à moi dans le corridor et dénigrait ces étudiants qui l'avaient critiqué. Il pouvait se plaindre que quelqu'un buvait trop, Insinuations et mensonges. J'ai compris ainsi, derrière son sourire et sa grimace, qu'il était très peu sûr de lui, rusé et rancunier. »
Beaucoup des étudiants de Tsurumi connaissaient du beau monde ou provenaient d'une famille riche ; mais leurs bonnes manières les empêchaient d'en faire l'étalage, selon le professeur. Mais Bush ne semblait pas gêné par le piston qui l'avait conduit à Harvard. « les autres enfants de gens riches et célèbres étaient assez bien élevés pour respecter ostensiblement les valeurs et les conduites courantes ». Mais, toujours selon Tsurumi, Bush arrivait souvent en retard et s'asseyait au fond de l'amphi, habillé d'un blouson de la Texas Air National Guard et crachant du tabac à chiquer dans une tasse.
« Au début, je me demandais, 'qui est ce George Bush ?' C'est un nom très courant et je ne connaissais pas ses antécédents. Et il était si médiocre comme étudiant qu'une fois, je lui ai demandé comment il avait été accepté. Il m'a répondu : 'Mon papa a de bons amis' ». Il était dans les 10 % les plus faibles de sa classe.
La guerre du Vietnam remuait encore les universités et Harvard était comme les autres. Bush soutenait vivement la guerre mais il a avoué à Tsurumi qu'il avait pu se planquer dans la Texas Air National Guard grâce aux relations de son père.
« Je discutais souvent avec les étudiants en retournant aux cours », dit Tsurumi. « Et voilà Bush, portant un blouson des Texas Guards, et la conscription était le grand sujet de discussion, à l'époque. Alors j'ai dit : 'George, comment t'en es tu sorti avec la conscription ?' ; il a répondu : 'Eh bien, je suis rentré dans la Garde Nationale de Texas Air'. Et moi : 'tu as eu de la chance ; il y a une longue liste d'attente. Comment as-tu fait ?' Quand il m'a expliqué, il n'avait pas l'air d'avoir honte ou de se sentir embarrassé. Il pensait qu'il avait droit à toutes sortes de privilèges et d'arrangements particuliers. Il n'était pas le seul parmi ceux qui essayaient de faire jouer leurs relations. Mais lui, il était fanatiquement en faveur de la guerre ».
Tsurumi dit à Bush que quelqu'un qui évitait le service tout en soutenant la guerre alors que d'autres y laissaient leur vie, était un hypocrite. « il a compris alors qu'il était pris, il a affiché sa fameuse grimace et il s'est éclipsé ».
Tsurumi conclut : Bush n'est pas aussi bête que ses critiques le prétendent. « Il a été mal élevé, sans discipline et sans compassion ».
[Maintenant]...Tsurumi affirme que d'autres professeurs et des étudiants partagent ses souvenirs, mais ils ont peur de se mettre en avant par crainte de représailles. Pourquoi donc fait-il maintenant ces révélations ? Parce qu'avec la boucherie en cours en Irak et Ossama Ben Laden encore en liberté, sans parler du déficit fédéral faramineux, les enjeux sont trop importants pour justifier son silence. « Evidemment, je ne pense pas qu'il est la personne la plus adaptée » à diriger le pays, dit-il « et je voulais expliquer pour quelle raison ».
par Mary Jacoby
Septembre 16, 2004
Traduit par
Borogove à partir de l'original paru en anglais sur http://dir.salon.com/story/news/feature/2004/09/16/tsurumi/index.html
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