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L'En Dehors


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Etre jeune, anarchiste, queer et radical en "terre promise"
La revue britannique Anarchists studies, nous livre. une interview de Yossi, jeune résident de Jérusalem, membre du Mouvement international solidaire, des Anarchistes contre le mur et du groupe queer radical Black Laundry. Zoom sur une réalité qui va à l'encontre des idées reçues sur la prétendue ouverture d'esprit d'une certaine frange tolérante de la société israélienne.

Anarchist Studies: Quelques mots au sujet du mouvement anarchiste israélien?

Yossi: Le mouvement anarchiste en Israël ou plutôt, en Palestine, n'a jamais été très important, ni populaire. Le sionisme se définit, avant tout, comme un mouvement nationaliste et la plupart des réfugiés arrivés en 1948 avaient pour objectif de créer un État juif. De fait, l'anarchisme semble, ici, aléatoire, voire, hors vocabulaire. Les socialistes se réclamant du nationalisme n'ont jamais essayé de transcender cette notion d'État. C'est valable pour la culture arabe ou palestinienne: on ne connaît pas de philosophes arabes, à proprement parrler, anarchistes. Les prerüiers libertaires à avoir mis le pied en Israël sont retournés en Europe, ne trouvant pas leur place ici. Seuls quelques individus, nés dans des familles sionistes, en ont adopté les principes et il a fallu attendre les années 1960 'a 1980 et l'influence des luttes en Europe et du mouvement punk pour que les choses se concrétisent.
Mais sa véritable émergence date de l'apparition des mouvements antiglobalisation et de l'Intifada, avec l'apparition de plusieurs groupes de convictions anarchistes ou, disons, antiautoritaires.

A. S.: Si, en 1948; les anarchistes ne se sentaient pas ici chez eu:, lorsque l'on remonte plus avant dans le temps, à l'époque d'Emma Goldman, par exemple, de grands mouvements -de juifs anarchistes existaient en Europe et aux États-Unis. Il paraît surprenant qu'aucun d'eux n'ait survécu en Palestine?

Yossi: Il faut rappeler que les anarchistes, tout comme les communistes, haïssaient les sionistes, y compris socialistes. Beaucoup de ces derniers considéraient que leur idéal politique se résumait à construire un socialisme « pour les juifs » et non, plus internationaliste. Sans compter les campagnes ségrégationnistes. L'une d'entre elles, « le travail aux Hébreux > avait pour but de donner "le travail juif aux juifs » ! Les communistes et les anarchistes ont vite compris que leurs convictions n'avaient rien à voir avec cette conception xénophobe. Quelques-uns sont partis pour l'Espagne, mais beaucoup ont été obligés de rester ici, à cause de la montée de Hitler, ou encore parce qu'ils n'avaient pas la possibilité de partir pour l'Amérique. Mais, pour les anarchistes venus trouver refuge en Palestine, ils ont toujours été fondamentalement antisionistes, considérant que ce n'était pas la bonne réponse à la problématique du peuple juif.

A. S.: Peut-dn parler de l'Intifada et du Mouvement des anarchistes contre le mur?

Yossi: Au moment de l'Intifada, la tendance qu'on appelle ici « les sionistes de gauche » a peu à peu laissé tomber les masques pour montrer sa véritable nature: raciste et séparationniste. Une autre tendance a évolué vers l'extrême gauche qui, après la seconde Intifada, s'est vraiment investie dans des actions et une lutte radicale, en formant plusieurs mouvements. Puis, lorsque la violence a redoublé dans les territoires occupés, les gens se sont mis, de plus en plus, à remettre en question la légitimité de cet État-là. En 2002, lors de la construction du mur « apartheid », des punks, des gays, des lesbiennes et des trans de Tel-Aviv se sont rassemblés dans un village palestinien, assez réactionnaire, mais qui les a néanmoins laisses construire un espace antimur à lvtas'hâ,.En cinq mois, nous avons,essayé d'informer les Israéliens et le monde entier sur la réelle signification de ce mur. Lé village est devenu une zone de dialogue avec les Palestiniens et des liens durables se sont constitués entre anarchistes palestiniens et israéliens. Ces derniers étaient déjà conscients des dérives de l'occupation et de l'oppression de l'État sioniste, mais à partir de la concrétisation de cette évidence, nous avons commencé à organiser des actions directes contre la construction du mur dans d'autres villages, lorsque les forces militaires nous ont interdit l'accès à Mas'ha et nous avons essayé de continuer à boycotter le mur. En décembre 2003, un anarchiste s'est fait tirer dans les jambes, il est mort à son arrivée à l'hôpital. De ce jour, nous sommes devenus plus visibles, les Israéliens ont commencé à comprendre la réalité du terme anarchiste et les Palestiniens à reconnaître nos actions en Palestine. La révolte s'est radicalisée quand le mur atteignait leurs maisons, à Budrus (pourtant symbole de l'opposition non violente), nous avons résisté ensemble durant une année contre sa construction. Nous y allions au moins une fois par semaine, et tous les jours des gens étaient visés par les gardes et tués. Ainsi, à ce jour on compte six ou sept Palestiniens tués par l'armée israélienne durant des manifestations non violentes. Naturellement, ces crimes étaient perpétrés en l'absence de témoins israéliens et nous, nous servions aux camarades palestiniens de boucliers humains, ce qui obligeait les soldats à se montrer moins radicaux: ils considéraient, certainement, que nous avions « un sang plus digne »

A. S.: Les médias ont-ils traité différemment la mort d'un Israélien « contre le mur » et celle des Palestiniens?

Yossi: Jamais nous n'aurions pu imaginer qu'un Israélien serait la cible d'un autre, mais ce fut pourtant le cas. A partir de ce jour, j'ai compris que mon véritable ennemi était l'État et son armée, qui tire à balles réelles. Le public et la presse ont été embarrassés par l'affaire, disons... au moins deux jours, parce qu'il s'agissait d'une victime juive. Avant, les gens trouvaient normal que nous soyons punis, mais là, il s'agissait de mort. Et puis, une fois l'émotion passée, les médias ont commencé à nous considérer comme des hooligans. Ils nous ont traités d'irresponsables et nous ont afbliés à des terroristes. Aujourd'hui, la répression s'étend d'ailleurs sur toute la gauche israélienne. Tali Fahima en est le meilleur exemple: elle n'a jamais été anarchiste, mais elle est en prison pour les mêmes raisons que nous pourrions y être: contact avec un terroriste, viol de zone militaire, etc.

A. S.: Des groupes comme Gush Shalon, Ta Ayusch et Peace Now oeuvrent pour la pais et la fin de l'occupation des territoires .palestiniens, quelles sont les points divergents avec les groupes anarchistes?

Yossi: Beaucoup de ces groupes sont proches de nous.TaAyush a-des méthodes de luttes différentes des nôtres, mais nous travaillons ensemble. Nous avons en commun la même méfiance vis-à-vis de l'Autorité palestinienne, qui représente une autre forme d'oppression, alors que le mouvement pour la paix Gush Shalom la supporte. Autre différence: nous ne prévenons jamais la police de nos actions. Les autres groupes d'activistes israéliens nous reprochent d'aller d'un village palestinien à l'autre, notre inorganisation et notre côté « casse-cou ». Évidemment, nous ne nous battons pas pour un « État » palestinien. D'ailleurs, les Palestiniens ont à se battre contre l'oppression de l'etat israélien, mais également contre l'oppression moins visible, pour certains, de l'État palestinien. Sur ce sujet, les communistes et socialistes ont un peu déplacé le problème en parlant d'un État unique Israélo-palestinien, ce qui est déjà plus proche de nos conceptions. En premier lieu, nous revendiquons des droits pour les Palestiniens vivant en Israél; si ces derniers désirent un État commun, nous les soutiendrons et s'ils désirent leur propre territoire, nous les soutiendrons également, nous n'avons pas à intervenir sur ce point.

A. S.: Des anarchistes protestent avec le Hamas, le Fatah et d'autres fractions de la lutte palestinienne. Espérez-vous, en tant qu'anarchistes, influencer les Palestiniens sur leur choix de société?

Yossi: Il faut bien comprendre qu'il n'est pas question pour nous « d'éduquer » les Pâlestiniens. Nous sommes avant tout leurs « occupants » et nous n'avons pas à leur dicter ce qu'ils ont à faire! En revanche, nous essayons de faire passer des messages sur l'émancipation des femmes et dans les villages palestiniens où nous passons, les femmes de notre mouvement essaient de convaincre ces dernières d'agir contre l'occupation. Mais, il me semble qu'en tant qu'occupants nous n'avons pas à « prêcher » une vérité!

A. S.: Au niveau personnel, comment vivezvous le fait d'être anarchiste, juif et vivant dans un État juif?

Yossi: Être juif au sein de la diaspora c'est ressentir son identité juive, alors qu'en Israël, bizarrement ce n'est pas le, cas: ce n'est pas primordial d'être juif en Israël, nous disons « fuck » à ce concept, il rassemble à celui d'être chrétien aux États-Unis. Demande-t-on aux anarchistes de là-bas s'ils se sentent chrétiens dans leur vie quotidienne? Non. Il y a des athées,'des antireligieux et, en général, des non-croyants. Mon sentiment ici, c'est d'avoir des liens avec le judaïsme, même si je suis athée, bien sûr, mais l'hébraïsme et le judaïsme font partie intégrante de ma culture. J'ai donc une "juivitude » au fond de moi, mais, je suppose, tout .comme un Canadien doit quelque part se sentir « canadien » au fond de lui. Naturellement, je ne me sens pas du tout juif, dans le sens religieux et je me fiche de me marier avec une femme juive ou goy Je n'ai aucun problème avec l'assimilation. Ma culture est hébraïque et israélienne et n'a rien à voir du tout avec la religion.

A. S.: Peux-tu nous éclairer sur la relation entre la lutte des Palestiniens, du groupe Black Laundry et du mouvement anarchiste?

Yossi: Le Black Iaundry s'est formé durant la seconde Intifada, comme beaucoup d'autres mouvements ici, juste avant la Gaypride à TelAviv. A la Pride, des garçons dénudés dansaient sur des chars avec leurs associations, en essayant de vendre leur carnelote, une foire capitaliste. Nous, nous avons débarqué avec comme slogan « pas de Pride tant qu'il y aura occupation », expliquant qu'aucune libération ne serait possible pour l'individu, tant que nos voisins palestiniens serait occupés. Notre communauté queer revendique l'arrêt de l'oppression sur nos groupes, mais passe obligatoirement par l'arrêt de l'oppression sur les autres peuples. Nous croyons en la convergence des luttes: la libération des Territoires palestiniens, le droit des queers, la liberté sexuelle, le. libre choix de sa vie, le respect des animaux et l'arrêt de l'oppression capitaliste. En dehors de l'action militante, nous avons créé un spectacle qui explique cette convergence. En effet, nous pensons qu'être riche et gay dans un quartier privilégié de Tel-Aviv n'est pas une libération en soi, car elle n'affranchit pas des autres oppressions. Mais, pour en revenir au Black Laundry, ils n'ont jamais tenté d'actions en Palestine, sauf à Mas'ha, où les contacts sont bons avec les Palestiniennes du village. Il convient de rappeler qu'être queer en Palestine n'est culturellement pas imaginable, mais est-ce à nous de les faire changer de mentalité? D'ailleurs, pour ce qui concerne l'autre côté du mur,, en Israël, ce n'est guère mieux et ce sont surtout les couples queers mixtes Palestiniens/Israéliens qui sont les principales cibles &l'oppression. Si le Shin Beit (1) rafle deux Palestiniens en train de se draguer dans un parc, ils leur font un chantage à la dénonciation à leur famille s'ils refusent de collaborer. Beaucoup d'entre eux sont illégaux en Israël, n'ont pas le statut de réfugié et quand ils se font rafler, on les renvoie dans leur village. Ici, les couples queer mixtes Israéliens/Palestiniens ne sont pas autorisés à vivre ensemble. Mais, les queers juifs sont également persécutés en Israël, il n'y a pas d'un côté la face sombre en Palestine, opposée à une Israël ouverte et libre à ce sujet.

A. S.: Pourtant, on dit à l'étranger qu'Israêl est plutôt ouverte sur la culture queer?

Yossi: C'est faux, il n'y a que le quartier du centre deTel-Aviv qui est tolérant, mais surtout avec les personnes qui consomment et font partie du système! Par exemple, ces endroits sont moins tolérants avec les queers issus de familles juives orientales pauvres ou les Palestiniens. Il s'agit, en fait, d'une façade, mais la réalité est tout autre. Je pense que c'est exactement pareil aux États-Unis: on ne peut pas qualifier ce pays de « gayfriendly », sauf peut-être, San Francisco ou le Village, mais sûrement pas ailleurs.

1. Services secrets israéliens.

Traduction Patrick Schindler
Secrétaire Histoire et Archives de la Fédération anarchiste

Site Anarchists Against the wall
Site Black laundry

Le Monde libertaire #1446 du 14 au 20 septembre 2006
Ecrit par libertad, à 22:09 dans la rubrique "International".



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