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L'En Dehors


Quotidien anarchiste individualiste





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Le sol national, il faut s'asseoir dessus !

Y A-T-IL OBLIGATION d'aimer le sol national, faute de quoi on serait sommé de le quitter? Ne peut-on se contenter d'aimer le pays et ses naturels les plus attachants? Faut-il, au passage, glorifier les bravaches nationalistes qui ne veulent voir qu'âne seule tête - bien blanche - dans les rangs ?

À ce prix, la terre est basse, et le sol national peu propice à l'amour de son prochain, comme il est recommandé dans les Évangiles.

Ne seraient dignes d'intérêt que ceux qui peuvent se revendiquer de la tribu dominante. Peu importe que cela soit peu recommandable car, étant d'« ici », ils seront toujours prioritaires par rapport à ceux qui viennent d'ailleurs. Il faut bien se persuader que ceux qui sont nés sur le sol national sont les meilleurs - la couleur de leur peau authentifiant une origine de qualité. Bien sûr, il n'y a rièn là de xénophobe ou même de tentation raciste. Le comportement des fonctionnaires et des policiers ne laisse aucun doute à cet égard.

Notre sol national est largement pourvu de ces centres de rétention administrative d'où l'on expulse les étrangers « non souhaités ». Ce sol est depuis longtemps pollué de toutes les haines de ces volontés de rejet et de marginalisation que nous fait remettre en mémoire un passé sinistre dont les leçons n'ont pas été retenues.

Nous venons de partout!

Durant des siècles, le territoire qui allait devenir la France n'a cessé d'être envahi - comme ils disent. Les Celtes, venus d'Allemagne-déjà - allaient se mélanger avec les Ibères, les ligures et les Belges pour donner naissance à ces mystiques dont les « vrais » Français sont censés être les héritiers. Comme tout n'est pas aussi simple que les historiens du XIXe siècle ont bien voulu nous l'enseigner, on trouvait également dans le nez de la future Europe des Helvètes et des Séquanes, des Vénètes, des Pictaves, des Carduques, des Lémovices, des Biturges et, bien entendu, des Arvernes, dont Vercingétorix était le roi, en 52 avant J. C. N'en jetez plus, cher Petit Robert, qui nous fournit toute cette science étalée ici.

Nous savons que les Gaulois, issus de tant de peuples, allaient subir l'oppression des Romains, puis des Germains, et ces Francs dont nous allons paradoxalement hériter du nom.

N'oublions pas les hôtes de passage que furent les Wisigoths, les Burgondes, les Vandales, les Cimbres, les Lombards et les Suèves, qui n'hésiteront pas à souiller le sol de notre future France. Pour finir, au ve siècle de l'ère vulgaire, les Huns prétendaient également. coloniser ce pays multiforme où l'on parlait un dialecte germanique au nord et proche du latin au sud. Ces Huns avaient à leur tête le «' barbare » Attila. Un Sarkozy avant ha- lettre qui nous arrivait de Hongrie, après avoir pillé les plaines de l'Asie centrale. Fort heureusement, Clovis et ses alliés s'étaient appliqués à renvoyer dans leurs foyers ces envahisseurs qui menaçaient notre identité nationale en devenir. '

Soyons sérieux, la France est surtout peuplée d'anciens étrangers. En 732, bien que battus à Poitiers, les Arabes (surtout des Berbères) ont laissé des traces bien visibles dans la région - en Auvergne particulièrement, et Charles Martel n'y reconnaîtrait pas ses peuls. Le Sud-Ouest fourmille de Catalans et de Basques (ceux qui avaient foutu une raclée à Roland, à Roncevaux), tandis que le Sud-Est est peuplé d'ex-Italiens. Est-on vraiment certain que les Alsaciens et les Lorrains mosellans ne sont pas tout autant allemands que véritablement français?

Quelques noms d'emprunt

Comme il est préférable de sourire que de grincer des dents, intéressons-nous à ces nombreux patronymes,'bien de chez nous, mais qui ne sont que des sobriquets devenus nom sd'usage, et qu'il est aisé de couver dans les annuaires comme sur le Minitel.

Nous pouvons retrouver des Langlet, Lenglet ou Langlois, des Lallemand, des Lespagriol, des Litalien, des Hollande ou des Leturque, des Lécossais, des Lerusse, des Gallois, des Danois et des Ledanois, des Portugais et, sans clore cette recherche, des Suisse ainsi que des Lesuisse. Comme nous ne sommes pas des barbares racistes nous nous sommes également appliqués à rechercher, et à couver, des Larabe. Ceux-là sont nombreux, tout autant que ceux de nos compatriotes qui se nomment Nègre ou même Lenègre. Les ancêtres de ceux-là devaient être bien plus visibles que leurs descendants.

Il y a quelques années, Brunot Mégret s'était risqué à affirmer que les Français de l'an 2000 étaient surtout les authentiques rejetons, héritiers biologiques même des' Gaulois. Vous savez, ces hommes fiers et courageux, aux longs cheveux blonds et qui n'avaient peur de rien, sauf que le ciel leur tombe sur la tête. Peu importe que les Germains se soient appliqués à bousculer la qualité de ce bel héritage. Dans sa saga l'Âme enchantée, Romain Rolland mettait en scène deux amis: « Germain le Français et Frantz l'Allemand... ».

Intérêt national = intérêt du capital

De nos jours, un nouvel Attila, qui nous est venu de Hongrie par géniteur interposé, prétend doter cette France qu'il veut s'annexer d'une immigration « choisie » et non pas « subie ». C'est donc un nommé Sarkozy, plus ou moins Nagy, qui prétend imposer des normes bien précises à ce « cher vieux pays », comme disait de Gaulle, lorsqu'il était au pouvoir, fort de cette légitimité que lui donnait cette Résistance intérieure au sein de laquelle des étrangers venus de toute l'Europe étaient nombreux.

À entendre Sarkozy parler de la France, vitupérer contre ceux qui sont venus d'ailleurs, « Aimez-la ou quittez-la! », le sentiment est fort que la patrie des droits de l'homme dévoyés serait menacée. Le ministre de l'Intérieur, prenant le relais du Front national, n'est pas loin de prétendre que le sol national est envahi par des hordes de métèques sans foi ni loi. Faut-il rappeler à Nicolas qu'il est chez nous et que, s'il ne s'y sent pas bien, il a toujours le loisir de repartir dans le pays de ses ancêtres.

Soyons justes: Pour les Hongrois, Attila était un grand réformateur et reste un héros national. La légende, forgée par les historiens, veut que, là ou passaient les Hues, l'herbe ne repoussait plus. Ce qui est certain, c'est que, là où passe Sarkozy; il ne reste qu'un champ de ruines pour les immigrés moins blancs que sa morale ne l'exige. Ceux-là ne doivent pas souiller le sol national qu'il s'est approprié. Pas de partage possible avec .ces hommes et ces femmes qui ont bien droit à un minimum de quiétude, surtout lorsqu'ils se reconnaissent dans les idéaux proclamés de traditions révolutionnaires.

Quelques mots rapides pour être bien compris. Un des plus beaux slogans du mouvement de mai 1968, devrait s'afficher de nouveau sur les murs: « Intérêt national, intérêt du capital ». Ce qui répondait indirectement aux vociférations de Charles Maurras, trente ans plus tôt: « Tout ce qui est national est nôtre! »

Un bout de chiffon et une chanson

Après cette récente journée du 14 juillet, fête nationale par excellence, alors que nos compatriotes se sont éclatés au bal des pompiers, je ne peux pas rester de glace. Cette floraison de drapeaux ne me donne même plus la nausée, tellement ces cois couleurs me sont devenues indifférentes. Drapeau de la Révolution française, depuis longtemps emblème des conquêtes coloniales ou de toutes les manifestations nationalistes, ce bout de chiffon que l'on hisse, ou que l'on envoie (« Envoyez les couleurs! »), évoque surtout la répression ici et l'oppression là-bas. C'est sous la mauvaise protection du drapeau tricolore que des millions de pauvres bougres ont laissé leur vie sur les champs de bataille, pour des causes qui n'étaient pas les leurs.

Tout le monde se décore en tricolore les jours de grande festivité: les mairies et les autobus, les ministères et les commissariats de police. À côté de lai gloriole proclamée, nous couvons les porte-drapeaux inspirés qui, à force de dévouement, risquent une descente de nombril. Comme il faut une musique d'accompagnement, la Marseillaise fait office de chanson à boire lors des cérémonies, après l'indispensable minute de silence.

Vous avez dit national ?

Selon none ami Petit Robert, la nation est composée d'un « groupe d'hommes auxquels on suppose une origine commune N. Cela ne crée pas nécessairement des liens d'amitié, ou une volonté concertée de modifier les conditions de vie. Autre- définition: « Groupe humain, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité (historique, sociale, culturelle) et la volonté de vivre en commun. » Il serait difficile de démontrer que lesfemmes et les hommes qui vivent dans ce pays soient en harmonie avec ceux qui les oppriment - simplement en raison d'une origine commune. Quel élan pourrait porter des salariés sous-payés vers des bourgeois méprisants, pour la seule raison qu'ils seraient tous les ressortissants d'une République se revendiquant faussement des droits de l'homme - diversement interprétés. Regardons-y de plus près:

- Il y a le sol national;

- La fête nationale (évoquée plus haut) ;

- La richesse nationale (qui ne profité qu'à quelques-uns). Les gloires nationales et, bien entendu, l'Éducation nationale. Et puis, comme la France n'est pas cocardière, nous bénéficions de routes nationales. Il y eut même, durant quelques décennies, cette loterie nationale dont l'un des émetteurs glorifiait les « gueules cassées » de la Première Boucherie mondiale. Dans notre belle France, le terreau nationaliste a toujours laissé la porte ouverte à la xénophobie. Qui pourrait affirmer que le patriotisme et le chauvinisme n'excitent pas les bas instincts de ceux qui estiment faire partie d'une race supérieure? Dans un pays de culture avancée comme l'Allemagne, cela a conduit des forcenés à rallier les masses au national-socialisme avec les résultats que l'on connaît.

Le sol national vaut cher au mètre carré...

Au risque de décevoir ce pays auquel je suis censé tout devoir, il y a bien longtemps que j'ai perdu tout sens du sentiment national. Comment, à dix ans, fils d'immigré, aurais-je pu réagir différemment de mes petits camarades de l'école primaire? Nous étions fiers de ce pays, de son histoire - nécessairement glorieuse -, de son empire colonial. Nous étions des petits patriotes très convaincus.

Seule ombre au tableau, cette Marseillaise gnangnan, au programme du certificat d'études, ne le cédant en niaiserie féroce qu'au Chant du départ. Vous savez: « La victoire en chantant nous ouvre la barrière... » Ou d'autres fariboles telles que: « Mourir pour la patrie, c'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie... » J'ignorais encore que, soixante ans plus tard, je commettrai ce blasphème: « Mourir pour la patrie, c'est le sort le plus con! »

Le sol national vaut -très cher au mètre. carré. La spéculation est galopante, mais en plus, il faut montrer patte blanche. Ce sol national est qualifié de patrie, mais comment peut-on définir la patrie? Fénelon vaut d'être écouté: « La patrie d'un cochon se trouve partout où il y a un gland! » Le cochon, au moins, n'est guidé par~aucune idéologie. Qui, mieux que le cher Benjamin Péret, a pu persifler sur ce sol national qu'il nous faudrait aimer plus que tout? Dans son « Épitaphe sur un monument aux morts », contenue dans le recueil je ne mange pas de ce pain-là, le poète surréaliste, qui avait connu les horreurs de la guerre des tranchées, se déchaînait

Tous bons petits français

J'ai commencé à apprendre fldstoire de ce pays dans les tristes manuels d'Ernest Lavisse. Tout procédait de ces glorieux Gaulois dont on retrouvait les longues moustaches sur les paquets de cigarettes du même nom. Tous Gaulois, devenus Français. Je ne voyais pas de contradiction entre mon origine judéo-polonaise et le fait que je sois de ce pays, donc gaulois moi aussi, par simple adoption. Pourquoi aurais-je été différent de mes petits camarades qui, eux, portaient des noms du terroir? D'ailleurs, mon copain. Borghi, rejeton d'Italiens antifascistes, se sentait aussi français que moi.

J'étais conforté par des lectures très convenables comme le Tour de France de deux enfants, qui portait en sous-titre « Devoir et Patrie ». Cet ouvrage, destiné plus particulièrement aux écoliers du cours moyen, avait eu pour fonction de ranimer les réflexes nationalistes après la défaite de 1870. Fuyant l'Alsace, désormais annexée par l'Allemagne impériale, les deux enfants froissaient par découvrir le pays de la liberté, et l'un des deux s'écriait: « France aimée, nous sommes tes fils et nous voulons toute notre vie rester digne de toi! »

Cinquante ans plus tard, refoulé de partout, mon père accostait aux rivages de cette France qui ne le reconnaîtra jamais comme l'un des siens, lui refusera la natu;alisâtion malgré ses deux enfants nés français (droit du sol oblige) avant que ses f,~~cs, tellement patriotes, le livrent à la Gestapo pour un dernier voyage. Restons-en là de cette évocation et ne laissons pas croire que je suis rancunier.

Revenons rapidement sur ce Tour de France. On peut y voir de superbes gravures en taille douce, dont l'une nous montre quatre personnages: le premier, au large front d'intellectuel, portant costume et cravate, figurant la race blanche; le deuxième, avec une plume fichée dans sa généreuse chevelure, représente la race rouge; le troisième, aux yeux bridés, coiffé d'une calotte et doté de nattes, ainsi que de longues moustaches, doit être connu comme étant de la race jaune; le quatrième, noir de peau, figure évidemment la race noire. La légende est explicite: « La race blanche, la plus parfaite des races humaines, habite surtout l'Europe ~...~, elle se reconnaît à sa tête ovale, à une bouche fendue et à des lèvres peu épaisses...» Ah, la race blanche! Que de saletés on a pu commettre en son nom. Cela nous renvoie inévitablement au Rimbaud d'une saison en enfer: « Les, Blancs débarquent. Il faut se soumettre au baptême...»

Il y a peu, c'était encore possible de rire de ces grosses naïvetés colonialistes. Il semble qu'avec les nouvelles lois Sarkozy sur l'immigration les vieux démons sont de retour. De vrais cauchemars surtout. Pour les exclus, dont la peau n'est pas de la couleur convenue, le sol national n'a de signification que dans la position assise, les mains sur la tête, avec un policier menaçant, jouant de la matraque dans l'attente d'une expulsion musclée...


Maurice Rajsfus.


Le Monde libertaire hors série #30 du 13 juillet au 14 septembre 2006

Ecrit par libertad, à 18:24 dans la rubrique "Pour comprendre".



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