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L'En Dehors


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Demain, l'utopie
IL SUFFIT D'AVOIR MILITÉ dizaine d'années comprendre comment fonctionne une « démocratie ». Le pays se complaît dans des débats convenus. Pendant un ou deux ans, il est de bon ton de parler des prisons. Forcément, chacun s'exclame: « C'est incroyable!

On croit rêver! C'est une honte pour la République ! » Puis, à la suite d'un crime crapuleux, le mouvement s'inverse.
« L'opinion publique » française ou de n'importe quel autre pays a peur! Et, tout d'un coup, les politiques s'émeuvent:
« Il est inadmissible que les jeunes, les immigrés, les pédophiles et autres criminels fassent la loi.
« Nous, représentants des honnêtes citoyens, nous exigeons pour eux le droit d'être en sécurité. Nous allons promulguer de nouvelles lois. »
La honte et la compassion sont oubliées. Le créneau prison n'est plus porteur. Et ceux qui parlent de l'abolition deviennent des utopistes dangereux.
Au travers des multiples alternances, les problèmes de fond restent toujours les mêmes. Il suffit de relire les plàtefornies de revendication des prisonniers des années 70, 80 et 90. Les politiques, les médias et les spécialistes, en fonction de la vague ou de la mode, ressortent les mêmes arguments et les mêmes chiffres, à peine-modifiés.
À la fin des années 70, les détenus se suicidaient quatre fois plus que la population ordinaire. Aujourd'hui, c'est sept fois plus, bien que les conditions d'incarcération se soient améliorées ! Le problème de fond reste le même.
À cette époque, 39 % des prisonniers étaient en détention préventive, bien que non condamnés et innocents. Depuis la présomption d'innocence, passée en force avec Élisabeth Guigou, le, chiffre n'a guère baissé, puisqu'il est encore de 33 %. Pour justifier un tel état de fait, la police et les politiques ont trouvé un exemple imparable dans la libération de Jean-Claude Bonnal, dit le « Chinois »; multiple récidiviste qui, à la suite de la mise en application de cette loi, avait pu être remis en liberté.
L'émotion populaire instrumentalisée à force de loi. Les politiciens démagogues et, pour beaucoup, populistes légifèrent pour entériner les mouvements de foule, non pour prévenir la délinquance. '
Par ailleurs, la population pénale avoisine les 55000 détenus. Or, dans les années 70, le chiffre de 28 000 était un maximum. Dans les années 80, nous avons allégrement franchi la barre des 30000, avec une nouvelle population pénale. les usagers de drogues. Pour les années 90, on atteint le chiffre de 48 000, avec les nouvelles lois sur l'immigration et la fermeture des hôpitaux psychiatriques, qui ont apporté un nombre important de « malades mentaux », représentant aujourd'hui, dans les prisons de la région parisienne, 30 % de la population carcérale. Sans compter les délits de crimes sexuels. Ils n'ont pas obligatoirement augmenté, mais sont plus dénoncés.
À partir des années 2000, le chiffre de 60 000 détenus a été plusieurs fois dépassé. C'est la conséquence des lois mises' en place par Sarkory, qui touchent les populations les plus pauvres: les précaires, les « mendiants » et les prostituées.
Cette inflation a ses raisons. Malgré l'alternance des idées pour l'amélioration des conditions de détention et de celles pour le renforcement de la répression, la croissance est constante. Que se passe-t-il? La prison n'est éminemment pas dissuasive, pas plus que la guillotine et les supplices. Depuis Peyreffitte, en passant par Chalandon et les différents gardes des Sceaux de la gauche plurielle et, pour finir, avec Pascal Clément, le travail a de réflexion n'a jamais été effectué. Aucun politique, humaniste ou réformiste, ne pose la question: Pourquoi commettent-ils des délits et des crimes? Et pourquoi récidivent-ils?
En 2000, le rapport de nombreux parlementaires de droite et de gauche était unanime sur un point: il ne faut plus construire de prisons. En 2002, la droite a repris les rênes du pouvoir. Les gardes des Sceaux, Perben, avec ses lois I et II, Clément, les ministres de Villepin et Sarko, ont renforcé leurs argumentaires pour justifier la construction de nouvelles prisons. Les magistrats, comme la nature, ont horreur du vide. Ils ne supportent pas une cellule sans détenu.
Les condamnations sont de plus en plus longues. En 1980, le temps d'incarcération était de quatre mois et quelques jours, toute peines confondues (5, 10, 15, 20 ans et perpétuité). Aujourd'hui, elle est de huit mois et trois jours. Ceci n'explique pas tout. L'augmentation invraisemblable de la population carcérale devrait interroger. Ce thème est récurrent. Avec la vétusté des locaux ou la trop grande modernité des nouvelles prisons, - il peuple les rédactions de fantômes grimaçants
évasions, suicides, automutilations, tentatives de suicide, violences et mutineries.
Malgré les alertes de tous le personnel de la pénitentiaire, les politiques sont sourds et aveugles. Leur raisonnement est des plus basiques: «Vous avez peur: soyez rassurés, nous sommes là. Nous allons nous occuper de tous ces voyous, de toute cette racaille. Nous allons les enfermer: » Ils oublient dans leurs analyses qu'un jour toutes ces personnes, à plus ou moins long terme, sortiront de prison. Pour nous rassurer davantage, ils vont prendre en charge les « enfants de maternelle » un peu turbulents! Quant aux mineurs (12-18 ans), dont l'incarcération a été formellement proscrite, ils sont un peu plus de 600 en détention. Les politiques vont construire des prisons spéciales pour les mineurs, des centres éducatifs fermés.
En fait, pour être précis, nous allons avoir des prisons spéciales pour les jeunes, des hôpitaux-prisons pour les malades, des prisons mouroirs pour les vieux, des prisons pour les criminels sexuels et des centres de rétention pour les « étrangers ». Demain l'utopie!
Or, il est connu de tous les intervenants de la justice et du monde pénitentiaire que la récidive moyenne est de 50%. C'est un échec patent. Et quand les délinquants récidivent, la rechute oscille de 70 % à 90 %. Toutes les études ont démontré, depuis des décennies, que les mesures d'alternative à l'enfermement, les libérations conditionnelles, les chantiers extérieurs, les permissions de sortie sont des éléments positifs: plus de réinsertion et moins de récidive.
De nombreuses expériences ont existé depuis toujours. Et ces « alternatives à la prison »ont donné des résultats intéressants sur le plan de la récidive. Je vais en citer quelques unes :
-Aux États-Unis, le «Projet de développement des nouvelles carrières », de Douglas Grant et Dennie Bri.ggs, dans l'État de Massachusetts de 1965 à 1980. Les jeunes de cette prison ont été pris en charge à l'extérieur avec un « référent-détenu ». La récidive était tombée de 45 % à 15 %.
- En Italie, plus précisément à Turin, dans les années 1980. Scatolero, un psychologue, a vidé une prison de 1 000 jeunes. Au début, ce sont les artisans de la ville qui sont « entrés en prison » (boulanger, mécanicien, coiffeur, cuisinier) et qui ont appris leur métier aux détenus... Ensuite, ce sont les jeunes qui sont sortis pour aller travailler à l'extérieur . La récidive était tombée de façon spectaculaire.
- En France, la ferme Laplanche, à Champoly, de 1985 à 2000. Leur concept était de vivre avec ces jeunes « comme tout le monde ». Un quotidien chaleureux, autour d'activités culturelles, sociales et éducatives. La récidive, qui était de 50 %, est tombée à 22 %.
- En France, encore, l'Association nivernaise d'aide à la réinsertion (ANAR) applique le même concept que la ferme Laplanche... Il serait intéressant de consulter ses résultats.
Que pouvons-nous en conclure? Au lieu d'enfermer ceux qui ont enfreint la loi, il serait intelligent de chercher les causes de leur déviance: misère économique, intellectuelle, culturelle, émotionnelle. Difficultés psychologiques, échec familial, échec scolaire. Rejets dus au racisme d'environnement, de couleur, d'apparence. Malheureusement, tous ces paramètres ne peuvent vraiment être pris en compte dans les prisons. Et les vitrines que sont les ateliers de peinture, de théâtre, d'écriture, de danse, que nous présente l'administration pénitentiaire, ne sont utilisées que par une minorité de détenus. Il serait nécessaire de donner vraiment la possibilité à des intervenants extérieurs d'entrer en nombre important pour redonner aux prisonniers le goût et le désir d'apprendre, de se confronter avec d'autres qui ne leur ressemblent pas et, à travers des rencontres professionnelles, oublier leurs peurs de la différence. Mais ce ne serait plus la prison.
Bien entendu, ce genre d'initiatives ne peut avoiraval de l'État, malgré les déclarations enflammées de la langue de bois. Nous savons tous qu'un volant important de délinquants et de criminels permet de justifier le maintien des forces de la police, de la magistrature et de l'administration pénitentiaire. Et, surtout, des de milliers d'emplois parasitaires.
Sinon, comment les États pourraient-ils maîtriser les révoltes, les insurrections révolutions?
Il ne s'agit là que du traitement de la délinquance. Parlons maintenant de sa prévention. Les trois quarts des incarcérations sont alimentaires ou économiques. Nous arrivons au sujet qui fâche, car, s'il faut donc s'attaquer inégalités sociales pour faire quasiment disparaître la délinquance et la criminalité, la petite minorité qui est au pouvoir ne capitulera jamais... Nous sommes toujours en monarchie, avec un roi et sa cour. La Révolution sociale reste à faire.
L'abolition de la prison est possible comme celle de l'hôpital psychiatrique. L'ultime argument des défenseurs du tout sécuritaire, ce sont les criminels sexuels n'est qu'un fallacieux prétexte. Les spécialistes de l'Association française de santé mentale, avec leur commission d'éthique du traitement des criminels sexuels l'ont démontré. Une thérapie bifocale, avec psychiatre et psychothérapeute, dans un lieu fermé - mais loin des droits communs, grands consommateurs de « pointeurs » (criminels sexuels) -, permet à la plupart des agresseurs de sortir de leur problématique et de perdre toute dangerosité.
Nous voyons l'immensité de la tâche nous reste à accomplir, à nous, anarchistes avec l'aide des humanistes susceptibles de comprendre de telles réflexions. C'est l'aide aux victimes, la prise en charge psycho-socio-éducative des déviants, le développe des alternatives à l'incarcération et la disparition de la misère par une gestion directe de nos sociétés.
Depuis toujours, nous avons constaté que l'utopie n'est pas réalisable aujourd'hui. Mais les réussites passées et mêmes récentes ( Unités expérimentales de visites familiales ) confirment qu'elle l'est demain.

Jacques Lesage de La Haye

Le Monde libertaire hors série n°30 du 13 juillet au 14 septembre 2006
Ecrit par libertad, à 19:13 dans la rubrique "Pour comprendre".



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